A la veille du cinquième anniversaire de la révolution du 25 janvier 2011 en Egypte, une grande partie de la presse égyptienne souligne le lien ambivalent entre l’Etat égyptien actuel, sous la présidence d’Abd Al-Fattah Al-Sissi, et la révolution du 25 janvier, qui a abouti à la chute du régime du président Hosni Moubarak. D’une part, Sissi présente son gouvernement comme l’héritier de la révolution de 2011. Ce principe est d’ailleurs inscrit dans le préambule de la Constitution de 2014, qui se réfère aux événements du 25 janvier 2011 et du 30 juin 2013, dates de l’agitation populaire qui s’est soldée par l’éviction du président Mohammed Morsi, comme à une seule et même révolution. D’autre part, les critiques soulignent les similitudes entre le régime actuel et celui de Moubarak, mentionnant la répression des dissidents et le retour de dignitaires de l’époque pré-révolutionnaire à des postes de pouvoir et d’influence. Selon ces critiques, si Sissi fait l’éloge la révolution de 2011, c’est pour mieux l’enterrer.
Parfaite illustration de cette ambivalence, un incident survenu le 10 janvier 2016, lors de la session inaugurale du nouveau parlement, qui présentait la finalisation de la « feuille de route » de Sissi : le député Mourtada Mansour a suscité l’émoi lorsqu’il a refusé de prêter serment sur l’ensemble de la Constitution. Mansour a expliqué que s’il restait fidèle aux articles de la Constitution, il ne prêterait pas serment sur son préambule, car selon lui, le 25 janvier 2011 n’était pas une révolution, mais un complot contre l’Egypte. Il a ensuite été choisi pour être le président de la commission des droits de l’Homme du nouveau parlement.
Cette ambivalence n’a cessé de transparaître lors de discours annonçant cet anniversaire. Elle se confond avec les spéculations tout aussi constantes relatives à la position véritable de l’opinion et à l’éventualité de nouveaux troubles civils. Les Frères musulmans, leurs alliés et d’autres mouvements d’opposition ont évidemment toujours considéré le 30 juin 2013 comme un coup d’État et l’État post-Frères musulmans comme une négation absolue de la révolution de 2011. L’Etat a pris des mesures pour éviter toute agitation de la part de ces mouvements lors de l’anniversaire de la révolution. Il a ainsi procédé à de nouvelles arrestations de membres des Frères musulmans et de dirigeants du Mouvement de la jeunesse du 6 avril, et a envoyé un sermon commun à l’attention des imams des mosquées, lequel condamne les manifestations antigouvernementales du 25 janvier comme étant un péché.