Par R. Green*
Le présent rapport, gracieusement offert par le Jihad and Terrorism Threat Monitor (JTTM) de MEMRI, examine l’activité de l’Etat islamique (EI) dans la province du Sinaï. Il traite de l’importance du Sinaï pour l’EI ; de l’augmentation de l’activité terroriste dans la péninsule depuis que le groupe djihadiste basé dans le Sinaï, Ansar Bait Al-Maqdis, a officiellement rejoint l’EI, du perfectionnement de ses tactiques militaires, de propagande et de cyberguerre ; et de la pression grandissante exercée par l’EI sur le gouvernement égyptien.
La destitution du président égyptien Mohamed Morsi en juillet 2013 a marqué un tournant pour les organisations salafistes djihadistes opérant dans le Sinaï. Après la destitution de Morsi, ces organisations ont lancé une guerre totale contre l’armée et le gouvernement égyptiens, s’efforçant de déstabiliser le pays de différentes manières. L’activité de l’organisation basée dans le nord du Sinaï, Ansar Bait Al-Maqdis, était particulièrement ostentatoire, puisqu’elle a réussi à créer une force combattante efficace menant des opérations sophistiquées dans la péninsule et à gagner le soutien d’une partie de la population locale. En novembre 2014, l’organisation a rejoint l’Etat islamique (EI) et prêté allégeance à son chef, Abu Bakr Al-Baghdadi. Ce fait nouveau et la création d’une “Province du Sinaï” de l’EI ont marqué une escalade significative dans la guerre menée par le courant salafiste djihadiste contre le gouvernement égyptien.
La “Province du Sinaï” (Wilayat Sinaa) revêt une importance capitale pour l’EI et ses chefs. L’organisation investit visiblement de grands efforts pour accroître les capacités de ses activistes et encourager leur activité dans la région. Dans leurs discours, les porte-parole de l’EI mettent un point d’honneur à faire l’éloge des combattants du Sinaï et les exhortent à maintenir et à intensifier leurs efforts. L’organisation opère sans répit dans le Sinaï, employant différentes méthodes pour déstabiliser la région et ébranler le contrôle des autorités égyptiennes, recourant à des moyens qui ont fait leurs preuves dans sa guerre en Irak. Elle semble aussi avoir adopté une stratégie qui rappelle celle de l’Idarat Al-Tawahush (“Gestion de la sauvagerie”), bien connue des organisations djihadistes mondiales.
Des combattants prêtent serment de fidélité à Abu Bakr Al-Bagdadi à la fin de leur entraînement dans un camp du Sinaï
L’amélioration des capacités de l’EI dans le Sinaï est flagrante dans tous les domaines. En premier lieu, on constate un perfectionnement de ses capacités militaires, notamment après l’adoption des tactiques employées en Irak. Les armes des combattants ont été modernisées, et le nombre et l’efficacité des attaques ont augmenté. L’organisation affiliée à l’EI dans le Sinaï utilise aussi Internet de manière intensive, à des fins de propagande et de recrutement. Appartenant à l’EI, elle a désormais accès aux ressources et à l’expertise de ses outils médiatiques. Grâce à eux, elle a pu accroître sa pression sur l’armée égyptienne, en utilisant différentes méthodes de guerre psychologique. En outre, elle mène des opérations de piratage informatique, nommées le “djihad électronique”. Sur le plan civil, l’organisation cultive ses relations avec la population locale.
Les activités de l’EI dans le Sinaï ont récemment atteint un sommet, lorsqu’il a apparemment abattu le vol 9268 de la compagnie russe Metrojet. La province du Sinaï de l’EI a revendiqué la responsabilité du crash du 31 octobre, quelques heures après celui-ci, et répété sa revendication dans une déclaration audio du 4 novembre 2015 (voir en français L’Etat islamique revendique la responsabilité du crash de l’avion russe dans le Sinaï et ISIS In Sinai: We Will Disclose How We Downed The Russian Plane When We See Fit).
* R. Green est chercheur à MEMRI JTTM