Dans un article publié le 20 avril 2015 dans le quotidien libanais Al-Mustaqbal, le journaliste Wissam Sa’ade critique la persécution des Juifs du Yémen par les Houthis. Mentionnant l’expulsion en janvier 2007 de 45 Juifs yéménites du bastion houthi d’Al-Salem [1] et une autre expulsion de Juifs, en juillet 2014, de la ville de Raydah dans le gouvernorat d’Amran [2], Sa’ade affirme que les Houthis persécutent un petit groupe de Juifs ruraux démunis, au nom de leur guerre contre Israël et contre le sionisme, et sous le slogan « mort à l’Amérique, mort à Israël, maudits soient les Juifs et victoire pour l’islam ».
Sa’ade critique également le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, partisan des Houthis, qui les considère comme faisant partie de l’axe de résistance, et l’exhorte à avoir le courage de se démarquer des actes commis par les Houthis et de condamner leurs persécutions des Juifs du Yémen.
Extraits :[3]
Lorsque M. Hassan Nasrallah parle du Yémen, il présente Ansar Allah [c.-à-d. les Houthis] comme l’un des mouvements qui combattent Israël dans cette partie de l’Orient [arabe]. Mais quel Israël ce groupe combat-il ?
Pas [l’Etat] d’Israël qui a été fondé de manière impérialiste sur la terre de Palestine. C’est un type différent d’Israël, qui contient quelques centaines d’habitants uniquement ; à la différence de l’Etat sioniste, lui et ses citoyens vivent depuis des siècles dans les montagnes [du Yémen]. [Cet Israël] n’a ni armes nucléaires, ni [tanks] Merkava. La plupart de ses habitants ne sont jamais montées à bord d’un avion et la majorité appartiennent au même clan.
L’Israël qui est combattu et banni par les Houthis est le [clan] juif d’Al-Salem, de Sada, et les familles juives ou d’origine juive de la ville de Raydah, dans le gouvernorat d’Amran. Aucun d’eux n’est le baron de Rothschild ou Edmond Safra – bien au contraire, la plupart sont dépendants d’aides de l’Etat pour acheter leur nourriture, de la farine et du sucre. L’ancien président [du Yémen] Ali Abdallah Saleh s’en vantait dans le monde entier, comme s’il était le défenseur en personne des réminiscences de la présence juive antique au Yémen, qui fait partie intégrante de sa culture.
« Maudits soient les Juifs » – le slogan des Houthis, a été appliqué à la lettre avec l’expulsion du clan Salem de leurs villages de Saada, la destruction de leurs maisons, la confiscation de leurs maigres biens et l’anéantissement de leurs moyens de subsistance. La campagne mondiale de résistance est-elle dirigée contre les pauvres d’Al-Salem, contre les Juifs de Sada et de Raydah, et contre les quelques dizaines de Juifs de Sanaa ?
Quels crimes ces [Juifs] ont-ils commis ? Ils n’ont pas immigré en Israël, et ne souhaitaient pas [le faire]. Peut-être M. Nasrallah pourrait-il montrer un minimum de crédibilité, par une autocritique ou une critique… de l’organisation houthie Ansar Allah, qui s’est vantée d’avoir expulsé une famille pauvre de Sada, pour participer au combat contre le sionisme. M. Nasrallah justifie son soutien aux Houthis par des slogans tels que la « responsabilité mutuelle pour les pauvres » ou « soutenir le pluralisme religieux et le patrimoine culturel », la « tolérance » et « l’opposition au Takfir ». Toutefois, les Juifs d’Al-Salem sont pauvres, et les Juifs yéménites entrent dans cette catégorie du pluralisme religieux.
M. Nasrallah doit faire preuve de courage et critiquer [les Houthis] sur cette modeste question ; il doit dire [au dirigeant] Abd Al-Malek Al-Houthi : « Cessez cette injustice envers les pauvres d’Al-Salem et cessez d’invoquer le slogan ‘Maudits soient les Juifs’ ». Il doit présenter en exemple les Juifs d’Iran – en dépit de tout ce qu’ils ont enduré depuis la Révolution [en 1979], ils constituent toujours la plus importante communauté juive au Moyen-Orient après Israël – 10 000 personnes, parmi lesquelles un député au parlement (Siamak Moreh Sedgh). Cela ne suffit-il pas pour critiquer les Houthis pour leur injustice envers les familles pauvres ? M. Nasrallah, n’est-ce pas une injustice de considérer les Houthis comme un mouvement progressiste dans le combat contre Israël ? Ne desservez-vous pas votre propre cause par [vos] déclarations ?
Quelqu’un pourrait dire : quelques centaines de Juifs ruraux dans le nord du Yémen sont une question secondaire, qui n’a pas d’importance dans le dialogue « stratégique » tumultueux entre ses deux éléments [sunnites et chiites]. Mais la seule expression des Houthis de leur devise de résistance à Israël est en effet leur persécution des villageois appauvris de Sada. En principe, les Houthis ne mentent pas sur cette question – ils se conforment à leur devise « Maudits soient les Juifs ». De fait, c’est l’unique slogan qui les sépare des autres [disciples du fondateur de la Révolution islamique, l’ayatollah Ruhollah] Khomeini, qui avait adopté les slogans « mort à l’Amérique et « mort à Israël » [mais pas « mort aux Juifs »].
Si M. Nasrallah veut donner aux Houthis les allures d’un [mouvement] de libération nationale progressiste, logique et éclairé, et s’il souhaite adoucir quelque peu ses déclarations, ne vaudrait-il pas la peine pour lui qu’il s’adresse à son allié Al-Houthi, en conclusion ou en marge d’un discours, et lui dise : « Cessez vos injustices envers le clan Al-Salem, pauvre, bienfaisant, pacifique et persécuté, et abolissez le slogan ‘maudits soient les Juifs’ du Yémen ?
Notes :
[1] Akhbaralyom.net, 24 janvier 2007.
[2] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 18 juillet 2014.
[3] Al-Mustaqbal (Liban), 20 avril 2015.