Un journaliste égyptien chevronné, Cherif El Choubachy, appelle à une manifestation de masse sur la place Tahrir, au cours de laquelle les femmes enlèveraient leurs voiles. Dans deux interviews sur des chaînes de télévision égyptiennes, El Choubachy parle de la campagne qu’il a lancée, affirmant que la décision de porter le hijab devrait être “une question de liberté personnelle”.
Les entretiens ont été diffusés sur ON TV le 15 avril 2015 et sur Dream2 TV le 18 avril 2015.
Extraits :
Dream2 TV, le 18 avril 2015
Journaliste : [Vous affirmez] que 90 % des prostituées portent le hijab…
Cherif Choubachy : C’est un fait connu de tout officier de police. Un officier supérieur de police, dont je ne mentionnerai pas le nom, m’a appelé au téléphone et m’a dit que j’avais raison. Il m’a dit qu’elles portaient même le niqab, pas seulement le hijab. C’est la vérité. Un dicton dit : « Nul n’est aussi aveugle que celui qui ne veut pas voir. » Nous refusons de voir la vérité. Elles ont peur, alors elles utilisent le hijab pour ressembler [à des femmes respectables].
Journaliste : Vous nous entraînez vers l’extrême inverse, je le crains. Certains diront que ce que vous dites est l’envers de l’idéologie de l’Etat islamique.
Cherif Choubachy : Vous qui vous intéressez à ce sujet, vous savez que ce n’est pas une question essentielle. Ce que j’aimerais dire, c’est que le hijab n’est pas une baguette magique, qui peut transformer une femme menteuse ou fraudeuse en femme pure, respectable, pieuse et chaste.
Journaliste : Regardons ce que vous avez publié sur votre site Internet, et ensuite, nous verrons les commentaires de vos collègues.
Extrait vidéo de Choubachy :
“Si le hijab est effectivement un symbole de vertu, d’honneur, de moralité, comment se fait-il que les détenues des prisons égyptiennes le portent ? Elles ne sont pas allées en prison pour leurs bonnes actions. Et pourtant, toutes ces tueuses, voleuses et prostituées portent le hijab. 99 % des prostituées égyptiennes portent le hijab. Quoi, une femme qui décide de porter le hijab se transformerait soudain en individu bon, vertueux et moral ? Ce n’est pas le cas. Absolument pas. Le hijab en est venu à incarner les complexes et anxiétés qui habitent l’esprit de l’homme dans sa perception de la femme. Les hommes croient que quand leurs femmes portent le hijab, elles se transforment immédiatement en femmes vertueuses. J’aimerais dire à chaque femme ou fille d’Egypte qui porte le hijab : c’est votre liberté personnelle, mais assurez-vous de le porter car vous avez la conviction totale qu’Allah l’a ordonné. Si, toutefois, vous le portez par crainte de votre père, frère ou mari, je vous dis de le retirer, car l’islam ne veut pas que vous portiez le hijab par peur.”
ON TV le 15 avril 2015 (sur Internet)
Cherif Choubachy : Etant bien plus âgé que vous, je me souviens avoir fréquenté l’école et l’université dans les années 1950-60. Mes collègues femmes ne savaient pas ce qu’était le hijab. Personne ne le savait. Dans toute l’Egypte, pas une femme ne portait le hijab. Je pense que la femme a la liberté personnelle de prendre cette décision. Je ne prendrai jamais une baguette – du type de celles utilisées par les professeurs d’école qui tapent les filles sur la tête – en disant : « Mettez le hijab, garces, sinon je vous recale ! » Au moins 70 % des filles sont forcées de porter le hijab, elles le portent soit par crainte, soit par l’intimidation ou les menaces. Les maris menacent de divorcer de leurs femmes si elles ne portent pas le hijab. Les pères menacent de ne pas laisser leurs filles aller à l’école ou à l’université. J’appelle à une vraie liberté : la liberté d’une fille de décider de porter le hijab ou non. Ne soyons pas hypocrites. Ces 30 dernières années, nous sommes témoins d’un terrorisme moral et psychologique envers les filles.