Les relations entre l’Arabie saoudite et l’Iran se sont encore tendues suite à la prise de contrôle par les Houthis, le 21 septembre 2014, de la capitale yéménite de Sanaa et de sites stratégiques sur les rives de la mer Rouge ; et en raison aussi des craintes saoudiennes relatives aux concessions des P5 + 1 faites à l’Iran, devant aboutir à la signature d’un accord nucléaire permanent.
Si, jusqu’à présent, le calme avait été préservé, les tensions ont cette fois donné lieu à des récriminations mutuelles sue la scène politique et diplomatique. Ainsi, certains ont interprété la peine de mort infligée par un tribunal saoudien chiite à l’opposant Nimr Al-Nimr Baqr comme une mesure anti-iranienne. Idem pour la chute spectaculaire des prix du pétrole dans le monde, interprétée par l’Iran et de nombreux analystes du monde arabe comme un geste destiné à miner l’économie iranienne.
Autre signe de l’escalade de la situation : la couverture accordée ces dernières semaines par les médias saoudiens, notamment le quotidien officiel Al-Watan, à la question des minorités ethniques persécutées en Iran, dont les sunnites, les Baloutches, les Kurdes et les Ahwazis. Cette couverture englobe de nombreux rapports, articles et interviews sur ces minorités, l’accent étant mis sur l’« oppression » et les « actes inhumains » du régime iranien.
Ainsi, Al-Watan publie un article sur la politique discriminatoire raciste de l’Iran à l’égard des sunnites, comparant la politique iranienne qui, selon lui, « conduit ses étudiants sunnites à la potence », à celle de l’Arabie saoudite et des Etats du Golfe, qui investissent dans l’éducation des jeunes, indépendamment de leur appartenance ethnique, « garantissent des bourses aux étudiants chiites ».
Un article d’opinion paru dans le quotidien saoudien officiel Al-Jazirah compare le traitement des minorités chiites en Arabie saoudite à celui des minorités sunnites en Iran. Selon l’article, l’Iran applique une politique d’oppression et de persécution des Arabes ahwazis sunnites, qui s’exprime par des tentatives pour réprimer leur identité arabe, leur foi sunnite et leur culture, par l’interdiction de parler et étudier l’arabe et la spoliation des ressources naturelles de leur territoire. D’après un autre article du quotidien saoudien Al-Riyadh, les sunnites iraniens “souffrent de marginalisation, de contrôles sécuritaires, de persécutions, arrestations et tortures, et ne sont pas autorisés à pratiquer leurs rituels ou à construire des mosquées”.
Le quotidien officiel saoudien Makkah a même publié, le 29 novembre 2014, un article condamnant la « politique raciste » de l’Iran vis-à-vis des minorités résidant sur son sol qui, selon lui, se manifeste par des arrestations, des tortures et des exécutions.
En plus de ces rapports et articles, les médias saoudiens ont été une tribune pour les porte-parole des minorités ethniques iraniennes, qui ont longuement évoqué l’oppression subie, notamment l’usurpation de leur droits, les persécutions et exécutions. En octobre 2014, le quotidien officiel Al-Watan a mené une série d’entretiens dans cette optique, dont un avec le chef de l’Organisation nationale de libération de l’Ahwaz (HAZM), un avec le président de son comité exécutif, et un autre avec Saïd Hamidan, directeur exécutif de l’Organisation de défense des droits de l’Homme de l’Ahwaz, ainsi qu’avec des responsables de l’organisation kurde PJAK.
Ces porte-parole se sont plaints de « la non-reconnaissance des droits des minorités en Iran », du « traitement raciste », des « exécutions », « crimes contre l’humanité », « nettoyage ethnique » et « extermination massive » dont ils sont victimes.
Les médias saoudiens ont également donné la parole aux porte-parole des groupes d’opposition armés œuvrant contre l’Iran, ce qui semble indiquer une légitimation et un soutien saoudiens à une action militaire contre l’Iran. Ainsi, le 25 octobre 2014, le site de la chaîne saoudienne Al-Arabiya interviewait le chef du groupe armé baloutche Jaish Al-Adl (Armée de la justice), Salah Al-Din Farooqi, qui a déclaré que son organisation « poursuivra son action armée [contre l’Iran] tant que le peuple baloutche et les sunnites [d’Iran] subiront oppression, discrimination et marginalisation de la part des autorités iraniennes ».
Al-Watan a également publié une interview de Farooqi le 27 octobre 2014, dans laquelle il révèle que son groupe a abattu un jet des Gardiens de la révolution islamique (GRI) au-dessus du Baloutchistan le 11 octobre 2014, tuant sept hauts gradés du GRI. Notons que les médias iraniens ont rapporté qu’une défaillance mécanique avait causé le crash de l’avion.