Le 9 avril, une jeune femme britannique, alias « Umm Layth » a publié sur son blog un article intitulé « Journal d’une Muhajira [émigrante] » [1]. L’article contient une description détaillée du quotidien des femmes occidentales qui ont rejoint le djihad en Syrie. Elle décrit les détails de sa vie quotidienne et offre des conseils aux femmes musulmanes pour se préparer « émotionnellement, mentalement et physiquement » à leur voyage au front du djihad. Umm Layth nie catégoriquement les « rumeurs » selon lesquelles les groupes djihadistes forment des unités de femmes combattantes.
Photo d’une émigrante occidentale en Syrie, publiée sur un compte Facebook djihadiste, mars 2014.
Il y a près de quatre mois, Umm Layth, une jeune femme du nord de la Grande-Bretagne, est partie rejoindre le djihad en Syrie. Comme beaucoup de combattants étrangers occidentaux, elle est active sur les réseaux sociaux, alimente un compte Twitter et un blog Tumblr qui lui permettent de communiquer avec ses lecteurs et de décrire la situation sur le front. Elle répond régulièrement aux questions d’autres femmes musulmanes qui veulent « faire la hijra », c’est-à-dire quitter « l’Occident infidèle » pour une terre musulmane. Umm Layth est mariée à un combattant djihadiste, « Abu Layth », et le couple est membre de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL).
Umm Layth décrit les joies et les problèmes de la vie quotidienne en Syrie. Elle apporte des renseignements clairs aux femmes musulmanes occidentales. Tout en encourageant ses coreligionnaires à la rejoindre, elle rectifie les idées préconçues sur le rôle de la femme dans les groupes djihadistes en Syrie.
« La journée type d’une femme immigrante tourne autour des mêmes devoirs que ceux d’une femme au foyer ordinaire. »
Umm Layth décrit son quotidien de femme en Syrie: « Votre journée tournera autour de la cuisine, du nettoyage, de la garde et parfois même de l’éducation des enfants. » Cela laisse beaucoup de temps libre, et les nouvelles arrivantes sont invitées à apporter de la lecture islamique pour s’occuper. Les femmes peuvent finir par passer beaucoup de temps sur Internet mais, avertit-elle, en raison des coupures de courant et d’une mauvaise connexion, il faut « partager votre connexion Internet, [ce qui] peut causer une ‘belle fitna’ » (discorde interne entre femmes) avec tout ce temps libre. »
Elle décrit une vie de cohabitation entre femmes, qui voient rarement les hommes, et consacrent beaucoup de temps à la prière et l’étude religieuse, quand elles ne discutent pas entre elles. Elle prévient que les vêtements convenables, les bijoux et les médicaments manquent. S’adapter à la nourriture et au climat est également difficile. Mais les compensations en valent largement la chandelle: Umm Layth exprime sa joie et son bonheur de « suivre la voie d’Allah ». Elle exhorte ses sœurs musulmanes à la rejoindre: « Il n’y a rien de plus triste que de rester assis dans les coulisses. Que vos intentions restent sincères. Ne laissez pas le diable vous tenter ou trouver des excuses pour rester à l’écart de la terre du Izzah [honneur: c.-à-d. la Syrie] ». Elle ajoute: « J’exhorte toutes mes sœurs à venir jouir d’un véritable honneur en vivant sous la loi de la charia, en épousant un frère qui place Allah avant ses désirs et en étant aux premières loges de ce renouveau islamique. »
« Nous avons été créées pour être des mères et des épouses »
Umm Layth souligne les difficultés de la condition de femme et la nécessité constante d’une escorte masculine pour participer à une activité à l’extérieur du foyer. Dans certains cas, les femmes peuvent sortir en groupe: « Si votre mari vous en donne la permission, alors vous pouvez aller au café Internet avec un groupe de sœurs ou au marché ». Elle brise les illusions de ses lectrices sur le fait de rester célibataire en Syrie, ou sans [la surveillance de] proches masculins ; « La vie ici est très difficile pour les femmes immigrantes et nous dépendons totalement des frères pour nous prêter main forte ». Elle conclut: « La réalité est que vivre sans homme ici est vraiment difficile. »
Rappelant la tradition musulmane, elle recommande fortement que les femmes épousent un rôle plus traditionnel: « Les quatre femmes les plus illustres de l’islam […], qu’est-ce qui a fait leur spécificité ? […] Leur rôle de mère était tellement important […] Et d’autre part leur rôle d’épouses obéissantes est également un facteur marquant. » Consciente du fossé entre le rôle traditionnel de la femme et la vie moderne, Umm Layth appelle les femmes à abandonner les inepties occidentales: « Et c’est la réalité, mes chères sœurs. Nous sommes créées pour être des mères et des épouses, même si la société occidentale a déformé votre point de vue à ce sujet par une mentalité féministe dissimulée ».
« Il n’y a absolument pas de place au combat pour les sœurs »
Autre point crucial, Umm Layth démystifie la notion de combattante. Elle réfute vigoureusement la croyance qui voudrait que les femmes membres de groupes djihadistes soient elles-mêmes impliquées dans les combats. « Je vais être directe et franche avec vous toutes, il n’y a absolument pas de place au combat pour les sœurs ». Elle nie catégoriquement l’existence d’unités de femmes djihadistes, et déclare qu’il n’existe « aucune opération martyre [attentats-suicide] ou unité secrète de sœurs combattantes. Ce sont des rumeurs […]. Et les femmes que vous avez peut-être vues en ligne participant [au combat], c’est de la propagande. Les femmes de la vidéo appartiennent à des groupes laïcs qui n’aspirent pas à la loi d’Allah [et non aux groupes djihadistes tels que l’EIIL ou Jabhat Al-Nusra]. Je vous en prie, mes sœurs, ne croyez pas tout ce que vous entendez ou ce que voyez en ligne, montrant des sœurs se battre sur la voie d’Allah. Pour le moment, le combat n’est pas une obligation religieuse pour les sœurs ».
[1] Fa-tubalilghuraba.tumblr.com, 9 avril 2014.