Suite aux rapports divulguant que plus de 1 000 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, ont péri dans des attaques chimiques perpétrées le 21 août 2013 par le régime syrien dans la région d’Al-Ghouta, près de Damas, les chefs de l’opposition syrienne ont reporté la responsabilité du massacre sur la communauté internationale, en particulier les Etats-Unis, qui évitent d’affronter le régime d’Assad depuis plus de deux ans. George Sabra, président du Conseil national syrien et haut fonctionnaire de la Coalition nationale syrienne – organisation placée sous l’égide de l’opposition syrienne – a déclaré: « Ce n’est pas seulement le régime qui nous tue, nous et nos enfants. C’est l’hésitation de l’Amérique qui nous tue. C’est le silence de nos amis qui nous tue. C’est l’abandon de la communauté internationale qui nous tue. C’est l’indifférence des Arabes et des musulmans qui nous tue… » [1] Une lettre envoyée par la Coalition nationale syrienne au Conseil de sécurité de l’ONU atteste: « L’incapacité du Conseil de sécurité à assumer ses responsabilités face à la situation en Syrie remet l’utilité de ce [corps] en question… et menace ce qui lui reste de légitimité… » [2]
Des articles parus le 22 août 2013 dans la presse arabe, notamment saoudienne et qatarie, tiennent la communauté internationale et les Etats-Unis pour responsables du massacre. Deux articles sortent du lot. Selon l’éditorial du quotidien Al-Quds Al-Arabi, basé à Londres, c’est l’inaction de la communauté internationale qui a mené au massacre. Tariq Al-Homayed, chroniqueur et ancien rédacteur en chef du quotidien saoudien Al-Sharq Al-Awsat, basé à Londres, écrit, dans la même veine, que le massacre résulte d’une politique américaine confuse au Moyen-Orient.
Ci-dessous des extraits des deux articles.
Victimes du massacre d’Al-Ghouta (Photo: English.alarabiya.net, le 22 août 2013)
Al-Quds Al-Arabi: c’est la communauté internationale qui a commis le massacre
Al-Quds Al-Arabi publie un éditorial affirmant que le silence de la communauté internationale au cours des deux dernières années est la véritable cause du massacre en Syrie: « Les photos et images de femmes et d’enfants [tués dans] le massacre de [la province de] Rif Damashq, qui a fait des centaines de victimes, étaient terrifiantes. A l’aube, hier [le 21 août 2013], les forces du régime syrien ont perpétré un massacre effroyable et sans précédent quand elles ont bombardé la [région] de l’ouest et de l’est d’Al-Ghouta [dans la province de Rif Dimashq]. Les séquences diffusées sur les chaînes satellite et sur YouTube montraient les corps d’enfants et de nourrissons, ainsi que des photos d’enfants au bord de l’évanouissement ou de l’asphyxie… Le fait que ce massacre a été commis alors qu’une équipe internationale d’inspection [3] séjournait à quelques kilomètres [seulement des lieux] a de quoi étonner…
« En commettant ce massacre, le régime d’Assad a provoqué la communauté internationale et défié l’administration américaine, qui [avaient averti] que l’utilisation d’armes chimiques constituait une ligne rouge. Ce à quoi [le régime d’Assad] a répondu en au monde que c’est lui qui décidait des lignes et de leur couleur, et qu’il le ferait à sa guise.
« Hier soir, quelques heures après le massacre, le Conseil de sécurité de l’ONU a convoqué une réunion d’urgence, sur la demande d’un certain nombre de parties. Toutefois, face à l’horreur [des événements] à Ghouta, est-il important de savoir si le Conseil de sécurité s’est réuni ou non ? Est-il important de savoir si le Conseil de sécurité a exprimé son étonnement, condamné, ou manifesté sa profonde préoccupation [face au massacre] ? [Car] il n’y aura aucun effet, tant que le Conseil de sécurité lui-même se contentera de déclarations fleuries et n’invoquera pas le chapitre 7 [de la Charte de l’ONU] [4]…
« Cet horrible massacre, qui a entraîné la mort de plus de 1 000 personnes, pour la moitié des femmes et des enfants, tués dans leur sommeil – a [effectivement] été commis par la communauté internationale, par le biais du régime de Bachar Al-Assad. Le silence [de la communauté internationale] et [le fait qu’] elle se soit contenté de publier des déclarations au cours de ces deux dernières années, sont les véritables causes de cette situation ». [5]
Tariq Al-Homayed: c’est la politique confuse de l’Amérique dans la région qui a encouragé Assad à perpétrer le massacre
Dans la même veine, Tariq Al-Homayed, ancien rédacteur en chef du quotidien saoudien Al-Sharq Al-Awsat, basé à Londres, écrit que c’est la politique défaillante de l’Amérique au Moyen-Orient, notamment en Syrie et en Egypte, qui a encouragé Assad à perpétrer le massacre d’Al-Ghouta. La force d’Assad, dit-il, découle de la faiblesse d’Obama.
Il écrit: « Sans la politique confuse d’Obama dans la région – et l’Egypte [en] est le dernier [exemple] – Assad n’aurait pas osé poursuivre ses crimes, comme le massacre d’hier à l’est d’Al-Ghouta, où un nombre terrifiant de Syriens sont morts, en majorité des femmes et des enfants (et le bilan s’alourdit encore). La position d’Obama sur la crise égyptienne a clairement indiqué à Assad qu’il peut continuer [à fuir toute responsabilité]. La position de Washington [sur les événements] en Egypte indique de deux choses l’une: soit il veut éviter [d’intervenir dans] la crise syrienne en [intervenant sur] la question égyptienne [à la place], soit il n’a pas la moindre idée de comment faire face à ces événements et est incapable d’adopter une position stratégique face à l’effondrement imminent de la région… Assad, qui a raisonné comme un chef de mafia, a évalué [l’ampleur de] l’incompétence de Washington, et compris qu’il pouvait profiter de l’écart entre les positions des différentes parties [arabes], régionales et internationales, [concernant l’] Egypte – un écart qui prévaut en raison de [la politique] confuse des Etats-Unis… C’est pourquoi il a commis son crime odieux hier… »
Al-Homayed a en outre accusé les Etats-Unis, sans les nommer explicitement, d’incapacité à appuyer les révolutions populaires en Egypte et en Syrie, laissant entendre qu’ils soutenaient le terrorisme dans ces pays: «… Le crime odieux commis [par Assad] contre des femmes et des enfants [hier] nous rappelle la sagesse du roi [saoudien] Abdallah bin Abd Al-Aziz, qui, dans son discours historique [du 16 août 2013], a prévenu ceux qui s’ingèrent dans les affaires égyptiennes [allusion aux Etats-Unis et à l’Occident] qu’ils soutiennent en vérité le terrorisme qu’ils prétendent combattre. C’est ce qui se passe actuellement en Syrie, et c’est ce qui s’est passé en Egypte ! Ceux qui entravent l’Etat égyptien en défendant un groupe fasciste [les Frères musulmans] soutiennent le terrorisme, surtout lorsqu’ils ignorent [le fait] que 30 millions d’Egyptiens se sont prononcés contre les Frères musulmans. Ceux qui ont occulté la révolution syrienne – qui était initialement non violente malgré la violence d’Assad – et ont continué à l’ignorer pendant deux ans, même après que 100 000 personnes ont été tuées et [malgré] l’ingérence de l’Iran et du Hezbollah [au nom d’Assad], soutiennent eux aussi le terrorisme…
« La vérité est qu’il n’est pas surprenant qu’Assad continue de commettre des crimes contre la Syrie et les Syriens, car la force d’Assad découle de la faiblesse d’Obama ». [6]
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[1] Al-Quds Al-Arabi (Londres), 21 août 2013.
[2] Ikhwansyria.com, 21 août 2013.
[3] En début de semaine, une équipe d’inspecteurs de l’ONU s’est rendue à Damas pour enquêter sur les allégations d’utilisation d’armes chimiques dans certaines régions du pays.
[4] Le Chapitre VII de la Charte des Nations unies autorise le Conseil de sécurité de l’ONU à « constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression » et de prendre des mesures militaires et non militaires pour « rétablir la paix et la sécurité ».
[5] Al-Quds Al-Arabi (Londres), 22 août 2013.
[6] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 22 août 2013.