La nouvelle politique de Barack Obama en Afghanistan, fondée sur le renforcement des troupes et un retrait prévu en juillet 2011, a suscité des critiques dans la presse saoudienne: le président Obama se concentrerait sur l’aspect militaire au détriment de l’aspect politique en Afghanistan. Certains ont également fait part de leur déception face au fait que les Etats-Unis aient omis de consulter l’Arabie saoudite dans l’élaboration de leur politique. Extraits d’articles sur le sujet:
Al-Watan: Obama veut [sa part du] gâteau
Le quotidien Al-Watan a fait valoir dans un éditorial que la puissance militaire ne suffisait pas pour réussir en Afghanistan, l’auteur se déclarant déçu que le président Obama n’ait pas tenu compte de l’avis des experts saoudiens: « Le président Obama est différent de son prédécesseur, George Bush, en ce qu’il s’appuie sur des informations, tandis que Bush se vantait de s’appuyer sur des hypothèses pour prendre des décisions sensibles. Mais [même] les décisions fondées sur les connaissances ne se soldent pas nécessairement par le succès si celui qui les prend ne consulte pas les personnes dotées d’expérience. Ainsi en est-il de la décision [d’Obama] d’envoyer 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan et d’entamer le retrait en juillet 2011.
Cette décision… intervient après trois mois d’études de la situation en Afghanistan, qui ont conduit Obama à conclure qu’il faut s’appuyer sur la puissance militaire américaine pour éliminer la menace des talibans et exercer des pressions sur le gouvernement Karzaï pour qu’il effectue les réformes nécessaires dans les mois qui viennent, et non les années qui viennent.
[Cette politique] d’escalade militaire [ajoutée à la perspective d’un] retrait reflète la division qui existe au sein de l’administration américaine depuis trois derniers mois. Cette décision politique, qui reflète la volonté d’Obama d’avoir sa part du gâteau et de la consommer, ne semble pas très convaincante en termes de résultats escomptés. Les troupes américaines sont en Afghanistan depuis des années, et n’ont pas encore réussi à obtenir la nécessaire et décisive [victoire]…
Permettez-moi de renvoyer [le lecteur] à un article du Washington Post, de [l’ancien ambassadeur d’Arabie Saoudite aux Etats-Unis], le prince Turki Al-Fayçal, où il prodigue à Obama quelques conseils pour venir à bout de l’extrémisme. [1] L’une de ses recommandations est d’arrêter de combattre les talibans comme s’il s’agissait d’une organisation terroriste pour se concentrer sur Al-Qaïda, ouvrant ainsi la voie à un dialogue constructif avec les talibans. Le prince Al-Fayçal a également recommandé de résoudre du problème du Cachemire, afin que les organisations extrémistes ne puissent s’en servir d’excuse à leurs activités. [En outre, le prince] a expliqué qu’aider les agriculteurs afghans à remplacer l’opium par une autre culture priverait les organisations extrémistes de l’une de leurs principales sources de revenus. En somme, le prince était d’avis que la solution aux problèmes de l’Afghanistan ne résidait pas dans une victoire militaire, mais dans [la résolution] de certains des problèmes clés de la région.
Si l’Amérique ne veut pas connaître un autre Vietnam en Afghanistan, la Maison Blanche doit adopter une [approche] plus intelligente. Peut-être l’attitude la plus intelligente consisterait-elle à écouter les conseils de ceux qui ont le plus d’expérience sur le terrain, au lieu de succomber aux intrigues complexes des gens de Washington, dont l’intérêt principal ne semble pas être de résoudre le problème afghan.” [2]
Al-Sharq Al-Awsat: Obama répète les erreurs de Bush
Tariq Alhomayed, diecteur d’Al-Sharq Al-Awsat, écrit qu’Obama répète les erreurs de George W. Bush en Irak: “Obama répète les erreurs de George W. Bush, qui croyait que dès qu’il aurait renversé le régime de Saddam Hussein, l’Irak serait en mesure de se tenir sur ses propres pieds comme une démocratie, et qu’il changerait toute la région… Mais la situation en Afghanistan est encore pire [qu’en Irak]. Obama se trouve face à un État qui est en état d’échec depuis des décennies. Il lui manque jusqu’aux caractéristiques d’un Etat, sans même parler de démocratie. C’est là qu’Obama se trouve en difficulté. L’Afghanistan n’a pas besoin de plus de troupes, d’un calendrier de retrait, d'[un plan] de coopération avec M. Karzaï – qui a remporté des élections dont le bon déroulement fait l’objet d’interrogations… Ce dont l’Afghanistan a besoin, c’est d’une armée forte et de [nouvelles institutions] qui nécessitent au moins cinq ans de construction. Ensuite le pays pourra commencer à fonctionner comme une ‘démocratie en période d’essai ‘…
Certains disent qu’il est trop tard [pour régler les problèmes] de l’Irak, mais Obama peut encore éviter de commettre les mêmes erreurs en Afghanistan. Il n’existe aucune garantie que les États voisins, qui se sont publiquement félicités de son projet, n’oeuvreront pas dans les coulisses pour compliquer la tâche de Washington, surtout que celui-ci s’est fixé une durée de trois ans [sic] avant le retrait. Les règles du jeu ont changé en Afghanistan, et le plus important n’est pas le combat mais la patience.” [3]
Le quotidien Al-Watan a évoqué la politique d’Obama en Afghanistan dans le contexte de l’octroi du prix Nobel de la paix. Dans un article en première page intitulé “Obama obtient le Prix Nobel en battant les tambours de la guerre”, le quotidien affirme que l’octroi du Prix entre en complète contradiction avec la décision d’envoyer des renforts en Afghanistan. [4]
[1] The Washington Post (USA), 9 octobre 2009, http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2009/10/08/AR2009100803805.html.
[2] Al-Watan (Arabie Saoudite), 6 décembre 2009.
[3] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 7 décembre 2009.
[4] Al-Watan (Arabie Saoudite), 7 décembre 2009.