Introduction
En mai 2009, quatre femmes ont été élues au parlement koweïtien, pour la première fois dans l’histoire du pays. Deux de ces femmes, Le Dr Asil Al-Awadi et le Dr Rola Dashti, ne portent pas le voile, et depuis leur élection, des islamistes dans le pays réclament qu’il leur soit imposé.
Le député Muhammad Hayef a adressé un appel en ce sens au ministre du Waqf et au ministre de la Justice, Rashed Al-Hammad, pour exiger l’application de la loi koweïtienne qui stipule qu’ “une femme peut voter et être élue si elle suit les régulations et préceptes de la Charia”. En réponse, le ministère du Waqf a émis une fatwa enjoignant les femmes députées à porter le voile, à l’instar de toutes les autres musulmanes. La fatwa précise qu’ “en présence d’hommes n’appartenant pas à sa famille, une femme doit respecter le précepte de la Charia qui l’enjoigne à revêtir un voile masquant l’intégralité de son corps, hormis le visage et les mains. En outre, le voile ne doit pas être trop fin pour ne laisser apparaître aucune partie du corps, ni étroit, afin de ne pas révéler la silhouette, et ne doit attirer le regard masculin de quelque manière que ce soit”.
Les députés islamistes ont déclaré que cette fatwa ne pouvait être contournée, soulignant que “le voile est un devoir légal et religieux”. Certains progressistes, de concert avec ces deux députées, ont estimé pour leur part que cette fatwa contrevenait au caractère démocratique du Koweït et que les fatwas de ce type menaçaient de transformer le Koweït en Etat taliban. Ces dernières ont en outre fait valoir que cette fatwa entrait en contradiction avec la constitution du Koweït (source suprême d’autorité légale), qui défend la liberté individuelle, et qu’elle ne pouvait donc revêtir de caractère contraignant.
Le 11 octobre 2009, la parlementaire Dr Rola Dashti a proposé d’abolir la clause obligeant les candidates au poste de député à se conformer à la Charia.
Le 28 octobre 2009, la Cour constitutionnelle a rejeté la plainte déposée par l’avocat Hamad Al-Nashi contre les deux députées non voilées ; il demandait à ce qu’elles soient définitivement exclues du parlement pour infraction de la Charia. Le tribunal a décrété que “les individus ne sont pas tenus de respecter les régulations de la Charia islamique au même titre que les lois fondamentales [de l’Etat], à moins que le législateur n’intervienne pour stipuler le contraire… La constitution koweïtienne ne stipule pas que la Charia soit la seule source de législation, et elle n’interdit pas au législateur de recourir à d’autres sources [de législation], au nom du respect des [besoins] du peuple. En outre, la constitution garantit une totale liberté religieuse et individuelle et interdit la discrimination… sur des considérations de religion ou de sexe”.
La parlementaire Asil Al-Awadi s’est déclarée satisfaite de la décision du tribunal, affirmant qu’elle représentait un triomphe pour la constitution koweïtienne et clorait le débat sur le voile, qui a mobilisé pendant longtemps le parlement. La parlementaire Rola Dashti a déclaré: “Les quatre femmes députées que nous sommes allons continuer à représenter le peuple koweïtien de la meilleure manière possible… Ce n’est pas là [seulement] un triomphe pour deux femmes députés ou pour la femme koweïtienne ; c’est un triomphe pour la démocratie.” Bien que le parlement ne soit pas un lieu saint ou un lieu de culte, a-t-elle toutefois ajouté, les femmes parlementaires s’appliqueraient à porter des vêtements pudiques et élégants. Elle a estimé que la décision du tribunal mettait fin aux tentatives de “ceux qui entendent ramener le Koweït [à un âge antérieur].”
Le député Muhammad Hayef a pour sa part déclaré qu’il entendait à nouveau faire appel à la Cour constitutionnelle, sommant les parlementaires Dashti et Awadi de “se conformer à la loi d’Allah… afin de tourner une nouvelle page et de calmer la tempête qui a plongé le pays dans une crise [due] à la désobéissance aux lois d’Allah.”
La fatwa du ministère du Waqf et la décision du tribunal ont ravivé le débat entre le camp des libéraux et celui des islamistes au Koweït, sur la nature de l’autorité suprême au Koweït: la Charia ou les principes réglementaires ?
Consulter en anglais les réactions de libéraux condamnant la fatwa et les tentatives d’islamistes pour imposer leur point de vue à la société dans son ensemble: http://www.memri.org/report/en/0/0/0/0/0/0/3818.htm
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