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16 novembre 2009
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Au Maroc, pique nique pendant le Ramadan pour défendre la liberté de culte

Le magazine hebdomadaire marocain en français TelQuel publie trois articles sur les mésaventures de six jeunes gens ayant entrepris d’organiser, par le biais de Facebook, un pique nique pendant le mois de Ramadan, dans le but de défendre la liberté de culte dans leur pays. Ils ont été appréhendés par la police et interrogés avant de se retrouver poursuivis en justice. Le directeur de TelQuel déplore la radicalisation de la population et la complaisance des autorités face aux radicaux. L’Etat, estime-t-il, finira pas se retrouver menacé par les radicaux qu’il défend. Extraits:

Un “pique-nique symbolique”pour dénoncer l’article 222 du Code pénal marocain qui enfreint la liberté de culte

Dans un article intitulé « Enquête. Ils l’ont fait », Tel Quel rapporte [1]: « Parce qu’ils ont voulu organiser un “pique-nique symbolique”, pour protester contre la loi qui punit la rupture du jeûne du ramadan en public, six jeunes marocains ont vécu une incroyable aventure – et ce n’est pas fini.

[…]

Créer un groupe sur Facebook est un jeu d’enfant: un nom, une description, quelques détails d’ordre technique et, en deux clics et trois validations, le tour est joué. C’est ce qu’ont fait Zineb El Rhazoui et Ibtissam Lachgar. […]


Le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (son acronyme, MALI, signifie en marocain “qu’est-ce que tu me reproches ?”) voit donc le jour sur Facebook le 24 août 2009, peu après le début du ramadan. La description du groupe énumère les libertés individuelles à défendre. Sur la liste, la liberté de culte. “Nous avons commencé par cette problématique parce qu’elle était d’actualité, pas par défiance envers l’islam”, assure Ibtissam. Mardi 25 août, le premier projet d’action est dévoilé: organiser, dimanche 13 septembre, un “pique-nique symbolique”, dans une forêt près de Mohammedia, à l’abri de la foule, pour dénoncer l’article 222 du Code pénal marocain qui stipule: “Celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni d’un à six mois d’emprisonnement et d’une amende de 12 à 120 DH”.

[…]

C’est ainsi que Zineb El Rhazoui présente, sur Facebook, la première activité du MALI, appelant tous ceux que cela intéresse à se retrouver le 13 septembre à la gare de Mohammedia (un compromis entre les Rbatis et les Casablancais), pour se rendre ensemble dans une forêt proche où jeûneurs et dé-jeûneurs débattront “dans le calme” de la liberté de croyance […] »

Réaction sur Facebook: “Nous savons à quoi vous ressemblez, on va venir vous égorger”

« Dès que l’appel est lancé, les premières réactions sur Facebook commencent par nourrir le débat dans les règles de la bienséance. Mais à mesure que le jour J approche, les échanges deviennent plus électriques. Les insultes fusent, la haine et la menace commencent à suinter dans les commentaires de certains internautes. Après le tohu-bohu qui suivra le 13 septembre, ce sera encore pire: les menaces de mort et les invocations religieuses enfiévrées inonderont la page du groupe MALI ainsi que les messageries privées de ses fondateurs, sans parler des groupes anti-MALI qui pousseront comme des champignons après l’orage. Aujourd’hui encore, les militants des libertés individuelles, ainsi que ceux qui les défendent via des groupes de solidarité, continuent à recevoir des menaces directes par dizaines. “Nous savons à quoi vous ressemblez, on va venir vous égorger”, et autres harangues aussi haineuses qu’inquiétantes. […] »

“Il y avait la police régulière, les Forces auxiliaires, des motards, des agents des services secrets bien peu discrets… et même la police montée !”

« Tout aura donc basculé le dimanche 13 septembre 2009. L’heure du rendez-vous est fixée à 13h. Une heure avant, la gare de Mohammedia est déjà truffée de policiers, en uniforme et en civil. Une vingtaine sont sur les quais, près du double sur le parvis de la gare. “Il y avait la police régulière, les Forces auxiliaires, des motards, des agents des services secrets bien peu discrets… et même la police montée !”, racontera un des six. […]


“Ils nous ont demandé de nous en aller, nous ont dit qu’on serait lynchés si on restait”, raconte l’un des activistes. La police propose même de payer le billet du retour à ceux qui n’ont pas d’argent, pourvu que tous déguerpissent le plus vite possible. Ibtissam et Zineb sont séparées, pour éparpiller la foule de journalistes. “Circulez, on jeûne ici ! Si vous voulez manger, mangez chez vous, mécréants !”, assène un policier à la bande des six en bougeant comiquement les bras. Il est 14h, le train suivant à destination de Casablanca arrive enfin. Les six montent dans le même wagon, accompagnés de deux policiers en civil.

[…] pendant les 10 jours qui vont suivre, les voitures banalisées et les policiers en civil se relayeront pour ne jamais perdre l’immeuble de Zineb de vue.

[…] S. a été embarqué par les flics, raconte Zineb à ses camarades effarés. Il a été mis en cellule pendant quinze minutes, insulté et giflé parce qu’il avait de la nourriture dans son sac. Il est ressorti, maintenant, mais il dit que c’est la pire humiliation qu’il ait subie de sa vie”. […]

Le soir du pique-nique avorté, le quotidien espagnol El Mundo relate l’affaire, avec un titre qui restera dans les annales: “Au Maroc, 100 policiers contre 10 sandwichs”. Ce n’est que dans la soirée du lendemain, lundi 14 septembre, que la situation commencera vraiment à se dégrader. A 19h30, l’agence officielle MAP publie une dépêche se félicitant de la “mise en échec d’une tentative de rupture du jeûne à Mohammedia […]« 

“Les promoteurs marocains de cette manifestation, visant à inciter à la rupture du jeûne en public, seront poursuivis en justice conformément à la procédure en vigueur”.

Le plus important, c’est que la même dépêche se conclut par cette phrase inquiétante: “Les promoteurs marocains de cette manifestation, visant à inciter à la rupture du jeûne en public, seront poursuivis en justice conformément à la procédure en vigueur”.

Le coup d’envoi est donné, la chasse aux sorcières peut commencer. Dans la presse conservatrice tout comme dans les journaux partisans, c’est l’hallali: les photos de Zineb El Rhazoui et de ses amis, visages découverts, sont sur toutes les Unes. “Provocation juvénile ou attaque contre l’islam ?”, s’interroge un quotidien. “Ils ne sont pas des nôtres”, assène un second. “Les nouveaux apôtres de la Fitna (chaos)”, ose un troisième… […]

“Pendant les journées de ramadan, seuls les enfants et les adultes non musulmans peuvent être servis sur place (sur présentation de justificatif)”

Que Abdelbari Zemzmi et Mustapha Ramid, respectivement députés du Parti de la renaissance et de la vertu et du Parti de la justice et du développement (islamistes tous deux), se prononcent contre le MALI, ils sont plus ou moins dans leur rôle. Mais que le conseiller royal Mohamed Moâtassim convoque les leaders des principaux partis politiques du royaume pour les inciter à condamner “avec fermeté” un pique-nique ramadanien qui n’a même pas eu lieu (ils s’en donneront tous à cœur joie dans leurs journaux, dès le lendemain)… voilà qui devient franchement effrayant. Le système a-t-il donc perdu la tête ? L’inquiétude, en tout cas, dépasse largement le cercle des six pour devenir nationale. Témoin, cette chaîne de restauration rapide, connue pour servir des repas pendant la journée, qui ressent soudain le besoin de placarder à l’entrée de tous ses restaurants une affiche stipulant: “Pendant les journées de ramadan, seuls les enfants et les adultes non musulmans peuvent être servis sur place (sur présentation de justificatif)”. Ambiance.

Associations et particuliers se mobilisent contre l’article 222 du Code pénal

Mais il y a tout de même quelques bonnes nouvelles. Les militants de MALI ne font pas l’unanimité contre eux. L’AMDH et l’OMDH, des organismes respectés de défense des droits humains, ainsi que l’association Bay Al Hikma, initiatrice en 2007, après les émeutes homophobes de Ksar El Kebir, de “L’appel pour la défense des libertés individuelles”, prennent fait et cause pour ceux qu’on appelle désormais “les mangeurs de ramadan”. Dans un communiqué daté du 17 septembre, l’AMDH dénonce avec force le comportement des autorités envers les jeunes activistes. Bayt El Hikma lui emboîte le pas le lendemain, allant même jusqu’à demander la révision de l’article 222 du Code pénal. Le 19 septembre, c’est au tour de l’organisation internationale Human Rights Watch de réagir, exigeant des autorités marocaines d’annuler toutes les poursuites à l’encontre des dé-jeûneurs. Des particuliers aussi montent au créneau. Omar Radi, journaliste et militant altermondialiste, reprend ainsi en main la page Facebook du MALI, abandonnée par ses initiateurs depuis que l’affaire s’est emballée, et arrose les organisations des droits humains de communiqués. Très vite, sa boîte email est saturée par les menaces de mort.

[…]

Jeudi 16 septembre, à 8h du matin, Nizar est devant un kiosque à journaux quand deux policiers en civil l’accostent et le somment de les accompagner au commissariat de Jamaâ El Fna. “Là-bas, ils ont été plutôt sympa avec moi, et m’ont juste posé des questions de routine et pris en photo”, raconte-t-il avant de poursuivre: “Ah oui, ils m’ont quand même pris mon portefeuille et tout ce que j’avais sur moi”. Mais Jamaâ El Fna n’est qu’une étape. A 13 heures, Nizar embarque dans une voiture de police banalisée avec deux inspecteurs, direction la PJ de Mohammedia, là où ses camarades sont interrogés depuis le début de la semaine. Ils prennent d’ailleurs le ftour tous ensemble chez la PJ, dans une ambiance plutôt bon enfant. »

« Ils ont inventé un tas de salades pour accréditer la théorie du complot dirigé depuis l’Espagne, et ont voulu mettre tout ça dans ma bouche ».

Après le repas, l’interrogatoire commence, et l’heure n’est plus à la plaisanterie. Nizar raconte à TelQuel: “J’ai dû donner tout l’état civil de tous les membres de ma famille, un par un, puis raconter ma vie depuis la maternelle et m’expliquer sur mes opinions politiques et religieuses. […] L’interrogatoire terminé, les policiers présentent un PV à Nizar et le pressent de signer “pour sortir vite d’ici, car nous sommes tous fatigués”. Mais l’étudiant prend quand même le temps de lire le PV… et découvre, ahuri, qu’on lui fait dire des choses qu’il n’a jamais dites. “Il y avait écrit que j’avais fumé dans l’appartement de Zineb El Rhazoui, qu’une journaliste espagnole nous avait encouragés à manger et ne plus faire le ramadan… Bref, ils ont inventé un tas de salades pour accréditer la théorie du complot dirigé depuis l’Espagne, et ont voulu mettre tout ça dans ma bouche”. Quand Nizar refuse de signer, les menaces et les intimidations commencent à pleuvoir. Mais il ne cède pas. Rageusement, les policiers le font sortir dans le couloir et l’y font passer toute la nuit debout, en le réveillant à chaque fois que le sommeil le gagne. “Finalement, j’ai sympathisé avec l’un d’entre eux qui m’a autorisé à dormi sur une chaise…

[…] Les camarades de Nizar, eux, ont tous signé. Certains sans même rien lire, à bout de forces après 4 jours d’interrogatoires…  »

Dans un éditorial intitulé « L »avenir s’annonce sombre », Ahmed Réda Benchemsi, directeur de publication de TelQuel, relate [2]: « […] Parce que 6 jeunes Marocains ont annoncé qu’ils comptaient rompre le jeûne du ramadan en public (et encore, timidement, dans une forêt – et d’ailleurs, la police les en a empêchés)… on s’apprête à les juger sous les imprécations vengeresses de la foule, chauffée à blanc par divers extrémistes, y compris dans la presse. […]. Ouvrons les yeux: en une génération, notre pays s’est radicalement transformé. Quand on y réfléchit, ça fait peur. »

« Notre société est de plus en plus coercitive religieusement, violente moralement et parfois physiquement »

« Cette métamorphose ne s’est pas produite du jour au lendemain. Elle est le fruit d’une lente et insidieuse évolution sociale. On peut blâmer la politique d’arabisation sous-traitée à des enseignants salafistes importés du Moyen-Orient (années 1970), le feu vert tacite de Hassan II aux islamistes pour mieux casser la gauche (années 1980), la montée du wahhabisme, l’explosion des paraboles et la mondialisation du prosélytisme religieux (années 1990)… Comme on peut constater avec fatalité que le repli identitaire et la montée des intolérances sont le sort de tous les pays qui se sont construits, comme le nôtre, sur la répartition inégale des richesses et l’injustice institutionnalisée… Mais le résultat est le même: notre société est de plus en plus coercitive religieusement, violente moralement et parfois physiquement, soupçonneuse et inquisitrice au quotidien. »


« En marge du courant dominant, une minorité a appris, depuis le début des années 2000, à donner de la voix: les défenseurs des libertés individuelles, modèle alternatif »

« Mais notre société n’est pas faite d’une pièce. En marge du courant dominant, une minorité a appris, depuis le début des années 2000, à donner de la voix: les défenseurs des libertés individuelles, modèle alternatif – et opposé – à la conformité collective. On les retrouve dans l’intelligentsia, mais aussi dans des cercles professionnels (médias, communication, arts de la scène et festivals musicaux) et sociaux (jeunes urbains plus ou moins instruits, communauté des internautes, anciens gauchistes reconvertis en militants des droits de l’homme). Ces gens-là sont certes minoritaires, mais ils ne font pas profil bas pour autant. Au contraire, ils passent courageusement outre la pression ambiante, vivent de plus en plus libres sans se soucier du regard – lourd – d’autrui. Ils s’affranchissent de la tutelle familiale, ne jeûnent pas et ne s’en cachent pas, assument une sexualité libre et déculpabilisée, parlent de laïcité et d’identité, critiquent les carences démocratiques du régime… Ils sont peu nombreux, mais leur caractéristique première est d’afficher leurs convictions sans peur. Sauf qu’autour d’eux, il y a une masse hostile, de moins en moins prête à accepter leur existence.

[…] Nous vivons une situation complexe et difficile, une croisée historique des chemins. C’est là qu’un pouvoir doté de vision et de courage pourrait faire la différence, agir fermement et intelligemment pour refonder la société sur de nouvelles bases, et négocier avec les conservateurs un passage vers la modernité qui préserverait notre âme (comme cela a été le cas pour la Moudawana). Mais au lieu de cela, que fait le Pouvoir ? Il panique, se recroqueville sur sa légitimité religieuse pour, en fait, s’aligner sur le plus fort: ces masses intolérantes qui finiront, pourtant, par menacer sa propre survie. Ce faisant, l’Etat fait la démonstration de sa peur, et à terme, annonce sa reddition. […] »


[1] http://www.telquel-online.com/391/couverture_391.shtml, septembre 2009.

[2] http://www.telquel-online.com/391/edito_391.shtml, septembre 2009.

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