“Quel est l’emploi du temps du citoyen syrien pendant la panne de courant quotidienne ? La nuit, il passe naturellement sa soirée à la lumière d’une bougie ou d’une torche, et s’il n’a ni l’une ni l’autre, rien ne l’empêche de profiter de la lumière de la lune. C’est ainsi que les ridicules autorités de notre pays espèrent rendre la productivité à nos âmes tourmentées. Comme chacun sait, la lumière de la lune ranime l’âme et enrichit l’imagination ; elle a le pouvoir de nous transformer en amoureux et poètes au phrasé d’argent. L’après-midi est le pire moment pour une sérieuse panne d’électricité – surtout si celle-ci tombe au beau milieu d’un brûlant après-midi d’été. Entre une heure et quatre heures de l’après-midi, un poète à fleur de peau peut devenir un assassin en cavale… On maudit sa mère et son père de nous avoir fait venir en Syrie.” C’est ainsi qu’Ahmed Mawloud Al-Tayyar, résidant de la ville d’Al-Raqqa, décrit la vie en Syrie à l’heure des pannes d’électricité.
Depuis le début de l’été 2007, la Syrie souffre d’une crise sévère de l’électricité, la pire depuis de nombreuses années. Les pannes de courant à répétition durent de quatre à dix heures, ce qui affecte inévitablement la vie des Syriens et cause un tort sérieux à l’économie du pays.
Au début du phénomène, le gouvernement assurait que la crise ne durerait qu’un temps – que celle-ci résultait de la demande accrue en électricité due à la chaleur de l’été et serait résolue en l’espace de quelques semaines. Le premier ministre syrien Muhammad Naji Al-Utri a même posé au ministre de l’électricité Ahmed Khaled Al-Ali un ultimatum de deux semaines, le sommant de résoudre la crise. Mais les deux semaines se sont transformées en mois, et les médias ont diffusé de vives critiques du gouvernement, notamment du Premier ministre et du ministre de l’électricité.
Les quotidiens gouvernementaux syriens ont appelé les décisionnaires du pays à prendre des dispositions rapides pour remédier aux insuffisances des services publics du pays, et notamment résoudre le problème des pannes d’électricité. Des articles plus virulents ont été publiés dans les quotidiens syriens et les sites de nouvelles, ainsi que sur les sites affiliés à l’opposition, attribuant la crise à la corruption et à une mauvaise gestion, et appelant à privatiser les services d’électricité syriens.
Ces protestations ont atteint leur sommet début août, après que le Premier ministre Al-Utri eut imputé la crise à des facteurs politiques et à des pressions internationales qui auraient entraîné le refus des quatre plus grandes compagnies mondiales d’électricité de travailler en Syrie. Al-Utri a ainsi accusé l’ancien président français Jacques Chirac d’avoir contraint une société française à se retirer d’une offre syrienne de construction d’une station génératrice en Syrie.
Le mécontentement face aux pannes d’électricité a donné lieu à protestations populaires avec, en août 2007, un mot laissé par un hacker sur le site du ministère de l’électricité: “Je remercie tous les employés du ministère de l’électricité et en particulier le ministre [de l’électricité], qui n’ont pour l’heure proposé aucune solution et ont abandonné le pays et le peuple qui leur ont donné leur emploi. J’exprime en outre ma reconnaissance pour l’effort très important de tout le personnel chargé de l’entretien [des installations] électriques au ministère de l’électricité, un effort qui prouve qu’ils sont bien incapables d’assumer la responsabilité qui leur incombe et de remplir la fonction des postes importants où ils se trouvent. Encore combien de temps serons-nous à la traîne ? Combien de temps ?
Lire des extraits traduits en anglais d’articles et de rapports publiés dans les journaux syriens et les sites de nouvelles en réaction à la crise de l’électricité, et notamment aux déclarations du Premier ministre syrien Al-Ultri: http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=ia&ID=IA39507.