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7 juillet 2006
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Un intellectuel musulman prône un ‘islam protestant’

Le chercheur franco-syrien Bassam Tahhan, titulaire de la chaire supérieure des Lettres arabes au lycée Henri IV de Paris, est spécialiste des différentes versions du Coran. Dans ses conférences et interviews, il prône un « islam protestant », défini comme un islam de la libre pensée qui remet en question la Sunna, et consent à abroger les hadiths non fondés sur le Coran. Il prône en outre la réinterprétation du Coran à la lumière des valeurs modernes. Au Maroc, il est récemment intervenu à la Chaire UNESCO des droits de l’Homme et a été interviewé par le quotidien marocain indépendant TelQuel. Voici l’entretien: [1]

Vous vous présentez comme un relecteur rationaliste du Coran, qu’entendez-vous par là ?

Un lecteur rationaliste du Coran c’est quelqu’un qui admet que le Coran est un texte ouvert, soumis à la polysémie (i.e. porteur de plusieurs sens.) La tradition en matière de lecture du Coran est unidimensionnelle, figée. Du coup, elle sort de la rationalité. Etre rationaliste, c’est accepter que chaque époque, avec son appareillage méthodologique, ses découvertes, propose sa propre lecture du Coran et ce jusqu’à la fin des temps. Etre rationaliste, c’est reconnaître que la démarche orthodoxe est faussée dès le départ puisqu’elle n’admet pas la pluralité des lectures.

Vous êtes l’un des rares spécialistes mondiaux des variantes du Coran. Comment contracte-t-on une telle passion ?

Permettez-moi de vous rappeler une donnée historique avérée qui fait consensus. Le Coran a été figé en l’an (non béni pour les musulmans !) 901 par un certain Ibn Moujahid, cadi de son état. Avant cette date, plusieurs variantes du Coran circulaient. Et cela n’offusquait pas les bons musulmans ! Aujourd’hui, la pensée islamique évolue dans un cadre très strict, celui de la charia. Je me réfère, quant à moi, au texte sacré. Seulement, je m’octroie le droit de puiser à même les différents “ textes sacrés ” parce qu’il existe plusieurs variantes du Coran. C’est un fait attesté. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter le chapitre Kotob al masahif (les livres du Coran) dans l’ouvrage signé Ibn Nadim qui a pour titre El Fihrist. Ibn Nadim recense de nombreux Corans non validés par les kholafas [califes]. Il parle sans détour de Moshaf al rassoul (le Coran du prophète)! ! (Rappelons que nous nous référons à Mushaf Uthman depuis que le Coran est figé). Vous pouvez vous référer également à l’ouvrage de l’orientaliste allemand, Theodor Noeldeke, ouvrage en plusieurs tomes qui retrace l’histoire des Corans, aujourd’hui disponible en arabe et circulant sous le manteau. Les juifs et les chrétiens acceptent de bonne grâce l’existence de plusieurs variantes de leur livre sacré, pourquoi pas nous ? Se pencher sur ces variantes, en multipliant les angles d’attaque: sociologique, philosophique, juridique, sémantique… c’est révéler l’immense étendue du potentiel de significations du Coran, c’est lui rendre sa vivacité au lieu de le fossiliser ad vitam æternam !!

Vous comprenez qu’il soit difficile aux croyants pour lesquels il y a une vérité unique, issue d’une révélation divine, consignée dans un livre unique, le Coran, de vous suivre dans votre quête…

Je me donne le droit de chercher la vérité historique. Je me donne le droit et le devoir d’aller vérifier l’essence des choses à même les sources. Qui a décrété que le Coran est unique car la parole de Dieu est unique ? Pourquoi la parole de Dieu ne serait pas plurielle ? Qu’est-ce qui empêcherait le Coran d’être authentique dans ses différentes versions ? Dieu n’a jamais dérobé à l’homme la liberté de penser. Dieu a créé l’Histoire. Il la laisse se dérouler. Mais il n’a jamais retiré à l’homme la liberté de gérer ses affaires à travers cette Histoire. L’histoire arabo-musulmane, celle-là même qui ennuie nos enfants dans les écoles, est une histoire de palais, pas une histoire sociale. Quand notre élite se penchera sur l’histoire sociale de l’islam, personne ne trouvera incongru que des chercheurs se passionnent pour l’étude des différentes variantes du Coran !!

Vous déplorez également le fait que l’islam soit réduit à la charia. Faut-il être musulman protestant pour s’en défaire ?

En tant que protestant de l’islam, je vais plus loin que la remise en cause des abus de la charia. Je trouve qu’édifier l’islam autour de cinq piliers est réducteur. Je revendique plusieurs dimensions: la dimension juridique qui renvoie à l’éthique ; la dimension théologique qui renvoie à la philosophie et la dimension mystique qui renvoie à la sphère psychosociologique et spirituelle. Je souhaite que la formation des théologiens dans les pays musulmans tienne compte de ces multiples dimensions. Réduire l’enseignement religieux à la charia c’est l’appauvrir. Dans cette perspective, je soutiens à fond les réformes novatrices du ministre Ahmed Tawfik et notamment la restructuration moderniste de Dar al hadith al hassania…

Pour beaucoup, islam et protestantisme sont deux concepts antinomiques. Qu’est-ce qui vous permet de les concilier ?

Une nouvelle communauté devrait naître, celle des protestants de l’islam. Elle a déjà ses racines dans l’Histoire. Une communauté qui prônerait le retour à la parole de Dieu puisque de sérieux doutes, des suspicions entourent la masse écrasante des hadiths zaâma [soi-disant] prophétiques. Un protestant de l’Islam n’a qu’une quête: traquer la vérité à la source, qu’une discipline: ne jamais se complaire dans la quiétude d’une vérité dite révélée. La liberté de penser est un don de Dieu auquel les croyants doivent faire honneur.

Vous vous insurgez souvent, en public, contre la mainmise des écoles rituelles sur la pratique islamique. Quelles dérives voyez-vous dans cette pratique ?

Pourquoi telle école serait meilleure qu’une autre ? Prenons un exemple: Abou Hanifa reconnaît le témoignage de la musulmane alors que les autres écoles le réfutent tout comme elles réfutent le témoignage des juifs et des chrétiens (apostasiant du coup la musulmane ! !) Pourquoi Malek aurait raison et pas Abou Hanifa ? Pourquoi serais-je un moins bon musulman si je suivais les directives de Tabari (excellent exégète assassiné par les obscurantistes de l’époque) au lieu de suivre celle d’Abou Hanbal. Dieu m’a donné la liberté de penser et je compte bien en user !

Pour vous, Chafii serait dangereux quand il abroge le Coran par la sunna. Qu’entendez-vous par là ?

Il y a toujours eu une tendance à compléter le Coran par la Sunna, ce qui en soi est discutable car le Coran, tel qu’il se définit, est La sunna de Dieu et de son prophète ! Des raisons historiques diverses ont fait que, petit à petit, la sunna a acquis le statut de complément indispensable du Coran, allant jusqu’à l’abolir (Rappelons à cet égard qu’ il n’est pas question dans le Coran de lapidation, mais de fouet, qu’il n’explicite pas la peine capitale pour le renégat (la ikraha fi dinn), que le Coran n’explicite pas l’interdiction totale du vin…) Chafii est dangereux dans la mesure où, dans son ouvrage Rissala, il justifie pourquoi on serait autorisé à mettre sur le même pied d’égalité la sunna et le Coran. Le danger de Chafii fut de créer une certaine ambiguïté, une bivalence du texte fondateur, à tel point que la sunna empiéterait sur la parole de Dieu. Malheureusement, au 21ème siècle, l’orthodoxie ne conteste toujours pas la position fragile de Chafii. La pluralité qu’on est en droit de réclamer dans la lecture du Coran, on la réclame aussi pour la jurisprudence. Il faut redéfinir sérieusement ce qu’on entend aujourd’hui par le sunnisme. Question: celui qui ne croit qu’au Coran serait-il exclu de la communauté des sunnites ?

Vous prétendez que l’islam n’a pas aboli l’esclavage. Pourtant, c’est bien le contraire qu’on nous a appris à l’école…

Dans plusieurs sourates, il est question d’esclaves, “abid”, “ma malakat aymanokom” (références explicite aux esclaves femmes prisonnières de guerre). L’islam est contre l’esclavage. Mais aucune sourate ne l’a interdit explicitement. On peut mesurer là la nécessité d’une relecture historique et sociologique du livre sacré. Et puisque vous me tendez la perche, j’en profite pour interpeller “les compétences autorisées”: Puisque nos théologiens orthodoxes s’octroient la liberté d’abroger le texte sacré, pourquoi ne vont-ils pas au bout du raisonnement et n’abrogent-ils pas dans le texte tout ce qui porte atteinte aux droits universels des femmes musulmanes ? Le hic, c’est que nos théologiens ont une seule ligne de conduite: la domination de la femme par l’homme, allant jusqu’à légiférer contre le point positif accordé aux musulmanes: l’autonomie financière, obligeant la femme âgée à renoncer à ses biens pour ne pas être répudiée ! ! La femme “nakissat akl wa din”, c’est une invention théologienne rétrograde dont on ne trouve pas trace dans le Coran mais qui est tellement galvaudée dans les prêches, que le musulman moyen croit que cette absurdité est inscrite dans le texte sacré alors qu’il s’agit d’une tradition faible…

N’êtes-vous pas trop optimiste en affirmant que le Maroc abrite le grain du renouveau de l’islam et de l’amélioration de la condition féminine ?

Je pense sincèrement que ce n’est pas un hasard si Mohammed VI a validé la nouvelle Moudawana. Vous avez là un descendant de Fatima, celle-là même que “les pro” Abbas ont dépouillé de ses biens, décrétant que la femme n’hérite pas, privant ainsi ses descendants d’accéder au califat… Un descendant de Fatima (et donc de la branche chiite), commandeur de croyants, à la tête d’une mouvance sunnite, qui rétablit la musulmane dans ses droits, moi j’y vois les prémices d’un islam protestant apte à dépoussiérer treize siècles d’immobilisme !


[1] (1) Telquel (Maroc), n° 229, juin 2006, http://www.telquel-online.com/229/maroc7_229.shtml

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