Le 26 février 2005, le président égyptien Hosni Moubarak a annoncé une réforme du système électoral égyptien, devant permettre à plus d’un candidat de se présenter aux prochaines élections présidentielles, ainsi que l’instauration du suffrage universel à bulletin secret. Jusqu’à présent, les élections présidentielles se faisaient par référendum portant sur un unique candidat nommé par le parlement. Pour permettre l’application de la réforme, le Conseil de la Shura et le Conseil du peuple ont amendé l’Article 76 de la constitution. Le projet d’amendement a été soumis au Comité parlementaire constitutionnel et législatif, qui devra finaliser sa formulation d’ici deux mois.
Vu que les règles relatives aux prochaines élections présidentielles, prévues pour septembre, n’ont pas encore trouvé leur forme définitive, la population est amenée à se poser les questions suivantes: Quels seront les candidats à la présidence? Ces derniers devront-ils obtenir l’approbation du parlement et des conseils locaux? Comment assurer une représentation égale pour tous dans les médias? Le changement électoral se limitera-t-il à l’amendement de l’article 76, ou la réforme sera-t-elle plus large, incluant un amendement de l’article 77, qui autorise la prolongation illimitée du mandat présidentiel?
Tandis que la presse gouvernementale se félicite de l’initiative du président Moubarak, qualifiée de «continuation directe de la politique de réforme», l’opposition estime que cette mesure ne constituera une véritable réforme que si elle s’accompagne d’autres modifications de la constitution.
Voici un résumé des principales réactions de la presse. L’enquête intégrale de MEMRi peut être consultée en anglais sur http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=ia&ID=IA21705
Moubarak: Une décision en préparation depuis deux ans
Dans une interview accordée au Figaro, intégralement traduite en arabe par le quotidien Al-Ahram, le président Moubarak a affirmé que les élections présidentielles se feraient au suffrage universel et à bulletin secret. Moubarak a précisé que cette décision n’était pas le résultat de pressions américainesmais était en préparation depuis deux ans. Il a en outre déclaré que son fils ne s’était pas porté candidat aux élections.
La presse égyptienne gouvernementale: La réforme ne résulte pas de pressions extérieures. Moubarak est «le père de la démocratie ».
La presse gouvernementale égyptienne voit dans la décision de Hosni Moubarak une initiative historique. Le directeur d’ Al-Gumhuriya, M. Samir Ragab, a qualifié Moubarak de «père de la démocratie ». Le directeur du quotidien de soir Al-Ahram Al-Masai, M. Mursi Atallah, écrit pour sa part qu’il s’agit là d’«une révolution politique et réformatrice qui constitue le début d’une nouvelle histoire pour l’Egypte et peut-être même pour toute la région.» Le chroniqueur Dr Fathi Abdel Al-Fattah renchérit dans Al-Gumhuriya: «Moubarak a choisi d’entrer dans l’histoire par la grande porte», «la porte de la démocratie».
Ibrahim Nafie, directeur du quotidien égyptien gouvernemental Al-Ahram,souligne que le «président Moubarak a rappelé aux citoyens que cette étape n’est qu’un maillon dans le processus de réforme et de changement…»
Un éditorial du quotidien gouvernemental Al-Akhbar estime que le président Moubarak «se trouve à la tête de la pyramide des réformes en Egypte» et souligne «l’importance de la réforme qui vient de l’intérieur et n’est pas imposée de l’extérieur».
Dans le quotidien du soir Al-Masaa, le chroniqueur Muhsin Mohammed appelle le parti au pouvoir à mettre en œuvre des réformes complémentaires aux mesures de Moubarak.
La presse de l’opposition: l’amendement de l’article 76 doit être accompagné d’autres modifications de la constitution
Les chroniqueurs de la presse d’opposition ont averti que l’amendement de l’article 76 n’aurait qu’un impact limité s’il n’était pas accompagné d’une réforme globale de la constitution assurant des chances égales à tous les candidats et limitant la durée du mandat présidentiel. Ils ont en outre averti qu’il s’agissait là de mesures tactiques visant à maintenir le président Moubarak au pouvoir ou à permettre l’élection de son fils Gamal Moubarak.
Bahi Al-Din Hassan, directeur de l’Institut du Caire d’études sur les droits de l’Homme, écrit dans le magazine réformateur Nahdhat Misr que «tant que l’amendement de la constitution n’autorise pas la liberté d’expression et n’accorde pas à tous les candidats des chances égales à la télévision et à la radio, l’amendement perd beaucoup de sa valeur…». Le Dr Al-Shafi Bashir, professeur de droit à l’université d’Al-Mansura, remarque en outre dans le quotidien Al-Wafed que seul Gamal Moubarak, probable candidat du parti au pouvoir, bénéficiera de l’appui des membres du Conseil du peuple et du Conseil de la Shura, nécessaire pour se porter candidat à la présidence.
Ahmed Abou Al-Maati, membre du conseil éditorial de l’hebdomadaire d’opposition Al-Arabi,craint que l’initiative de Hosni Moubarak n’ait pour but de permettre l’arrivée au pouvoir de son fils Gamal Moubarak par des voies démocratiques.
Les Frères musulmans se sont félicités du discours du président Moubarak, estimant toutefois nécessaires des mesures supplémentaires permettant de créer des partis, de publier des journaux et d’abolir la Loi d’urgence.
Autres réactions de candidats à la présidence
Le Dr Nawal Al-Sadawi, qui s’est déclarée désireuse de présenter sa candidature à la présidence, a annoncé qu’elle créerait un parti politique si le Parlement égyptien décidait que les candidats devaient être les représentants ou les chefs de file de partis politiques.
Le Dr Saad Al-Din Ibrahim, qui milite pour les droits de l’Homme et dirige le Centre Ibn Khaldun au Caire, a lui aussi déclaré qu’il se porterait candidat aux élections: il a appelé à une représentation égale des candidats dans les médias et prôné la limitation de la durée du mandat présidentiel à cinq ans – ainsi qu’à un maximum de deux mandats consécutifs.
Oulémas égyptiens: La déclaration de Moubarak va dans le sens des valeurs islamiques
Le Dr Mohammed Shamah, conférencier à l’université Al-Azhar, a dit: «La démocratie est une valeur importante de la pensée islamique et représente une interprétationmoderne du concept de Shura, car la Charia croit au changement de régime, à des élections présidentielles et parlementaires justes et libres, à l’indépendance du système législatif.»
Le Dr Nagui Abdel Al-Alim, chargé de recherches islamiques, a aussi estimé que les mesures prises allaient dans le sens des principes islamiques.
*Ayala Shefa est chargée de recherche pour MEMRI