Dr Ihsan Al-Tarabulsi , écrivain libanais résidant aux Etats-Unis, a publié un article sur le site progressiste en langue arabe, www.metransparent.com, dans lequel il accuse les médias et la communauté intellectuelle égyptienne de contribuer aux maux du monde arabe. Il les accuse de soutenir les régimes dictatoriaux arabes et de propager les extrémismes nationaliste et religieux ainsi que le terrorisme. Voici quelques extraits de son article: 1
La communauté intellectuelle égyptienne est corrompue par l’argent du pétrole provenant de Saddam Hussein et des états du Golf Persique
«Cela ne fait aucun doute que les déboires [actuels] des médias arabes sont issus, dans une large mesure, de [l’influence] de la cacophonie des médias égyptiens depuis 1956 qui s’étend à la majorité de la presse arabe – écrite, radiodiffusée et télévisée. L’expression «être accablé d’injures par les médias» est une expression bien connue, particulièrement en Egypte, entrée dans le lexique de la presse arabe de bas niveau. 2 Il est évident que la presse égyptienne – par l’influence de plusieurs de ses grandes figures ayant obtenues des postes au sein d’autres médias arabes – a joué un grand rôle dans l’archaïsme et le déclin de la presse arabe en la rabaissant à son niveau actuel.
Cela ne fait aucun doute que les déboires de la culture arabe contemporaine – après la génération de Taha Hussein, Al-‘Aqqad, Al-Hakim, Najib Mahfuz et Luwis ‘Awad, et la génération suivante de Ghali Shukri, Khalid Mohammad Khalid, Jamal Al-Bana et Sayyid Al-Qumni et autres grands penseurs égyptiens – ont pour cause [l’influence] des positions prises par la [communauté] intellectuelle égyptienne vis-à-vis des causes panarabes, qu’elles soient politiques ou religieuses. Elle [la communauté intellectuelle égyptienne] a été corrompue par l’argent du pétrole qu’elle recevait, soit de Saddam Hussein pour la cause du nationalisme [panarabe], soit des états du Golf Persique pour celle du fondamentalisme religieux. De cette façon, les fondamentalistes aussi bien nationalistes que religieux ont été hypothéqués pour des pétrodollars salafi nationalistes et religieux.
Les médias et la communauté intellectuelle égyptienne sont tous deux largement responsables de la promotion de la dictature politique et militaire représentée par le régime de [Gamal] Abd-Al Nasser et d’autres qui le suivirent. Ils ont promu la déification du «leader», du «héros» du «commandant», de «la nécessité [historique]», du «portier» qui a toujours raison. Et si celui-ci se trompe, il ne doit ni être tenu pour responsable, ni être puni, car telle est la coutume des adeptes de la sunna [la tradition du prophète].»
Les médias égyptiens sont largement responsables des infortunes des Palestiniens
«Les médias égyptiens et la communauté intellectuelle égyptienne sont une des grandes causes de la situation désespérée des Palestiniens par leur parti pris émotionnel, irrationnel, irréaliste, lamentant, populiste et pamphletiste à l’égard des intifadas palestiniennes, qui n’ont amené que des pertes aux Palestiniens – en termes de territoire, de propriété et de la vie – ainsi qu’une mauvaise réputation internationale et la perte de la sympathie de l’opinion publique mondiale, comme c’est le cas aujourd’hui.
Voyez ce qu’est devenue la cause palestinienne: une série de slogans fondamentalistes, nationalistes et religieux vide de sens, qui n’arrivent pas à nourrir les Palestiniens affamés, ni à vêtir les Palestiniens nus, ni à libérer des territoires pour les Palestiniens. La grande cause palestinienne est aujourd’hui réduite aux deux doigts de Yasser Arafat, le président prisonnier, levés en [signe d’] une fausse victoire illusoire. Et ces deux doigts d’Arafat, levés de temps en temps, ne sont que le signe de la défaite totale des Palestiniens et de l’Autorité palestinienne ayant empoché l’argent volé.»
Les intellectuels et les journalistes égyptiens aident à propager le terrorisme
«Les médias et la communauté intellectuelle égyptienne sont à l’origine de la prolifération alarmante des mouches, des moustiques et des virus du terrorisme qui ont propulsé les Arabes au plus bas niveau dans la marche du progrès,de la civilisation et de l’humanisme. Voyez les fatwas qui sont émis par certains cheikhs d’Al-Azhar et ses cheikhs égyptiens dans les pays du Golfe et ailleurs en réponse au terrorisme en Palestine, en Irak, en Arabie Saoudite, en Algérie et dans d’autres pays. Ils vendent à ces terroristes des indulgences et le statut de martyr. [Ils leurs vendent] des billets en première classe pour le paradis et le mariage suivi de rapports sexuels incessants avec les vierges houris, comme si les cerveaux des Arabes ne se trouvaient pas dans leurs têtes mais dans leurs organes génitaux.
Lisez ce qu’écrivent les journalistes de l’establishment égyptien, tels Fahim Huweidi, Samir Rajab et autres sur les actes terroristes en Palestine, en Irak, en Arabie Saoudite et en Algérie. Ils annoncent aux Arabes une victoire imminente telle la victoire de Yasser Arafat et de [Gamal] Abd-Al Nasser avant lui, de Saddam Hussein et de toute une panoplie de dictateurs arabes. Voyez ce que déclarent la plus part des intellectuels égyptiens à la télévision égyptienne et sur les chaînes de télévision satellites arabes qui analysent les événements en Irak, en Palestine, en Arabie Saoudite et ailleurs.
Avez-vous entendu les positions prises par les intellectuels égyptiens par rapport à la catastrophe du 11 septembre, 2001? Le plus éminent d’entre eux et celui qui leur a enseigné la sorcellerie 3 , [Muhammad Hassanein] Haykal, prétend que ce fut l’œuvre des Serbes. Fahmi Huweidi, leur juriste érudit, prétend que ce fut l’œuvre du Mossad. Mustafa Mahmoud, le plus demeuré du lot, prétend que ce fut l’œuvre des Adventistes du septième jour américains. Mustafa Al-Faqih, le plus fou furieux, prétend que ce fut l’œuvre de la CIA. Anis Mansour, leur bouffon de service, prétend que ce fut l’œuvre de génies et de démons. C’est la plus stupide des stupidités, la plus bouffonne des bouffonneries, la plus rusée des supercheries, dans le style d’Isma’il Yasin, Samir Ghanim, Sha’ban ‘Abd Al-Rahim, Mustafa Al-Bakri, Sayyid Nassar, Tal’at Rumeih, ‘Isam Al-‘Aryan et autres bouffons renommés de l’ère panarabe.»
Les journalistes égyptiens persistent à idolâtrer Saddam Hussein
«Saviez-vous que Sayyid Nassar, Tal’at Rumeih, Mustafa Al-Bakri, ‘Isam Al-‘Aryan et autres grands bouffons égyptiens, les joues bouffies et les bouches grandes ouvertes, l’écume aux lèvres comme des hyènes, font leur apparence à l’écran des chaînes satellites arabes en continuant de qualifier Saddam Hussein de héros et de martyr caché, 4 en exprimant leur soutien à la soi-disant «résistance irakienne» […].
A Louxor récemment, les «héroïques» intellectuels égyptiens ont réaffirmé leur soutien au terrorisme en Irak. 200 intellectuels égyptiens ont envoyé leurs meilleures salutations «révolutionnaires» à ce qu’ils appellent la «résistance» irakienne, lors de l’ouverture de leur conférence annuelle du 29 septembre 2004. Ils ont souhaité pour l’Irak qu’il devienne un nouveau Viêt-nam. La devise de leur conférence était «La réforme d’un point de vue intellectuel». Ainsi, la réforme selon les intellectuels égyptiens est de soutenir le terrorisme et de transformer l’Irak en un autre Viêt-nam […]».
L’occupation de l’Irak a amené la chute d’un dictateur et la libération d’un peuple – pour la première fois dans l’histoire arabe, c’est une conquête divine et bénie
«Je censure en premier lieu ces intellectuels devenus des hyènes sauvages, tels Hamid ‘Ammar, Ahmad Abu Zeid, Mahmoud Ism’ail, Nabila Ibrahim, Farida Al-Naqqash, Sami Khashabeh, Qasim ‘Abduh Qasim, Mustafa Rajab, Naji Fawzi, Shibl Badran, Muhammad Al-Sayyid Sa’id et d’autres encore – ces mêmes personnes se réclamaient avant de la gauche égyptienne, ouverte, moderne, progressiste et éclairée. Aujourd’hui, la feuille de vigne ne cache plus la vraie nature de la droite ni de la gauche égyptienne, toutes deux révélées au grand jour […].
Cela ne suffit plus que les Egyptiens créent des slogans vides de sens tels «aucune voix ne doit être plus forte que celle appelant à la guerre» et «dix non contre la paix, un million d’oui pour la guerre», promesses qu’ils ne peuvent évidemment pas tenir, et l’idée d’un «terrorisme désirable», tel que Qaradhawi Basha en parle […] 5
Cela ne suffit plus que l’Egypte soit la cause de l’augmentation du chômage dans le monde arabe, de l’explosion démographique qui a semé la pagaille et du retrait de l’investissement arabe et étranger d’une Egypte affreusement corrompue.
Comme si cela ne suffisait pas, l’Egypte accroit le mal par l’attitude de certains de ses intellectuels et de ses journalistes vis-à-vis de l’Irak et de la Palestine.
Il n’y a pas une seule voix qui soit raisonnable – fondamentaliste religieux ou nationaliste panarabe – sortant de l’Egypte aujourd’hui pour dire la vérité et pour brandir la raison face aux vagues de tyrannie imposées par les intellectuels et les journalistes égyptiens, que l’on observe jour et nuit – exception faite de quelques voix silencieuses et timides […].
L’occupation de l’Irak a amené la chute d’un dictateur et la libération d’un peuple. Pour la première fois dans la longue histoire des Arabes, cette conquête est en effet divine et bénie, menée par le ciel car la terre n’a pu la réaliser. C’est là un signe de clémence pour le peuple irakien de la part du Seigneur de l’univers, sans lequel il serait resté sous l’emprise de la dictature pour des siècles à venir […]»
1 http://www.metransparent.com/texts-/ihsan_trabulsi_hyenas_intellectuals.htm 3 octobre 2004
2 Le terme radh employé par l’auteur est un terme familier en arabe égyptien qui veut dire ‘injures en langage grossier’.
3 Une allusion ironique aux sorciers du pharaon mentionnés dans le Coran (20: 71).
4 L’épithète al-shahid al-mughayyab (‘le martyr caché’) fait allusion à ‘l’imam caché’ des chiites.
5 L’auteur utilise le vieux titre basha de façon ironique, faisant référence au célèbre clerc islamiste, Cheikh Yousef Qaradhawi.