Un éditorial intitulé «Oui, nous avons peur de l’uranium iranien», d’Abd El Rahman Al-Rachid, directeur du quotidien saoudien Al-Sharq Al-Awsat, édité à Londres, a paru dans le numéro du 8 octobre 2003 du journal. [1] En voici quelques extraits:
La principale cible: le Pakistan
«Si vous voulez jouer aux idiots, alors dites-vous que l’Iran met au point sa bombe atomique pour attaquer Israël. Vous ferez de vous-même des crétins accomplis si vous imaginez que c’est pour attaquer les Etats-Unis. Les Iraniens enrichissent de l’uranium pour produire des armes nucléaires qui visent d’abord ses voisins, et en particulier le Pakistan. Le danger englobe toutefois les autres Etats de la région, comme l’Arabie Saoudite, Oman, l’Irak, l’Afghanistan, le Turkménistan et l’Azerbaïdjan, qui ont une frontière terrestre de 5 400 kilomètres et une frontière maritime de 2 400 kilomètres avec l’Iran.
Je n’ai besoin de personne pour me rappeler que [lancer] la bombe atomique n’est pas comme tirer avec des armes d’artillerie de l’autre côté de la frontière, et qu’avec une installation [appropriée], la bombe atomique peut atteindre l’autre bout du monde. Ce que je veux dire est qu’il est difficile de croire l’Iran quand il affirme que son objectif, en produisant des armes nucléaires, est d’accéder à un équilibre avec Israël, vu l’énormité de l’arsenal israélien et sa supériorité technologique. Nous ne pouvons non plus croire que l’Iran fera ce que les Russes – avec le deuxième plus grand arsenal mondial – n’ont jamais réussi à faire: affronter Washington au moyen de l’arme nucléaire.
Nous avons plus de souverains fous qu’ils n’en faut dans la région
Nous sommes inquiets des intentions iraniennes parce que nous comprenons très bien, en considérant l’histoire des conflits de la région, que l’Iran nous poussera vers l’une des deux tragédies suivantes: la plus simple est le déclenchement par l’Iran de la course à l’arme nucléaire dans nos pays frappés de misère, avec des gouvernements qui entreprendront d’acquérir pour un prix exorbitant ces jouets dangereux pour l’environnement. La deuxième tragédie [possible] est que cette course à l’armement finisse par l’utilisation de cette arme folle. Allah soit Loué, la plupart dans la région n’ont pas besoin que je les persuade du fait que nous comptons plus de souverains dérangés qu’il n’en faut. Saddam a pulvérisé l'[arme] chimique sur des milliers de ses citoyens, les effaçant comme de la vermine.
Oui, il est de notre devoir de lutter pour le désarmement israélien, sans pour autant nous illusionner en pensant que l’Iran, ou tout autre pays, acquiert l’arme nucléaire pour faire face à Israël. Les armes nucléaires nous mèneront là où nous ont conduit les armes conventionnelles: des avions de combat iraniens se sont un jour engagés dans des batailles aériennes contre des avions de combat saoudiens, et des missiles Scud ont détruit Téhéran et Qom, atteignant [en outre] Riyad et Doha. Vous pouvez imaginer ce qui serait arrivé si ces derniers avaient été pourvus de têtes nucléaires.»
Nous avons utilisé les armes conventionnelles les uns contre les autres plutôt que contre Israël.
«Nous avons utilisé les armes conventionnelles les uns contre les autres plus que contre Israël, et les choses ne changeront pas demain si nous ajoutons la bombe atomique à nos arsenaux. Je comprends les motivations iraniennes: l’Iran a pu témoigner de l’indifférence du monde face à l’acquisition par le Pakistan de l’arme atomique. Et le Pakistan lui-même ne l’a acquise qu’après l’Inde. Cela a suffi pour que l’Iran souhaite établir un équilibre régional. Mais l’Iran, contrairement à ces deux pays du sous-continent indien, s’est aperçu (…) qu’il était assis sur l’un des centres de conflit internationaux les plus sensibles et les plus importants qui soient.
Ce serait une erreur que de voler à la défense de notre voisin iranien par ignorance ou au prétexte de dissuader Israël. Le danger nucléaire iranien nous menace bien plus qu’il ne menace les Israéliens ou les Américains.»
[1] Al-Sharq Al-Awsat , (Londres), le 8 octobre 2003