Dans une récente interview de l’hebdomadaire arabe israélien Kul Al-Arab,[1] Farouq Al-Qaddoumi, chef du bureau politique de l’OLP et Secrétaire général du comité central du Fatah,[2] s’est déclaré favorable aux attentats perpétrés dans les frontières d’Israël, précisant qu’il n’existait aucune différence entre la stratégie du Fatah et celle du Hamas. Il a aussi recommandé d’exercer des pressions sur l’Europe en augmentant le prix du pétrole. Voici quelques extraits de l’interview :
La résistance est légitime
« Question : Etes-vous favorable à la résistance dans les frontières de 1948 ?
Al-Qaddoumi : C’est le droit du peuple palestinien de résister sur tout le territoire palestinien tant qu’Israël n’a pas entièrement cessé [d’intervenir] et ne manifeste aucune compassion face aux enfants, aux personnes âgées, aux arbres, aux routes, aux institutions et au personnel de sécurité… La résistance est légitime ; nous nous battons pour [la reconnaissance de] nos droits nationaux. C’est Israël qui est responsable [de cette situation].
…Même s’il ne doit y avoir qu’un coup de feu par mois, cela nous suffit : nous ne voulons pas que se relâche la pression psychologique et sociale en Israël. La communauté internationale comprendra qu’il existe une autre voie que celle de l’intervention d’une tierce partie. Et nous pourrons ainsi parvenir à un accord.
Question : Que pensez-vous des opérations martyre ?
Al-Qaddoumi : Nous nous battons comme se bat un mouvement populaire. Nous ne pouvons empêcher toutes les opérations. Nous ne sommes pas une armée et nous ne sommes [donc] pas en mesure de prévenir les opérations martyre…
Question : La solution [au problème palestinien] doit-elle nécessairement venir de l’Amérique ?
Al-Qaddoumi : Non, pas uniquement. Ce problème a été créé par les Nations-Unies quand ils ont voté la résolution du partage. Les superpuissances et le monde entier sont également acteurs.
Question : Mais l’Amérique a un plan nommé ‘feuille de route’. L’avez-vous reçu et agréé ?
Al-Qaddoumi : Nous avons certaines objections face à ce plan. Il exige que les Palestiniens commencent par cesser ce qu’ils [les auteurs de la ‘feuille de route’] appellent violence et terrorisme ; or cela équivaudrait à nous rendre. Ils proposent aussi un Etat provisoire, ce qui est une étrange nouveauté : ils souhaiteraient que nous établissions une constitution pour un Etat qui n’existe pas, un comité pour superviser les élections alors que nous ne contrôlons pas le territoire ; ils veulent mettre sur pied un dispositif de sécurité dont le personnel serait formé par les Américains, alors qu’ils savent bien qu’ils [les Israéliens] ont bombardé tous les dispositifs de sécurité et arrêté des centaines de membres du personnel de sécurité. Ils voudraient que nous créions de nouvelles lois concernant les élections, afin d’exclure Jérusalem [en tant que circonscription électorale]. Comment tenir des élections dans de telles conditions ?
Question : Ce n’est pas un plan américain. C’est un plan Sharon.
Al-Qaddoumi : Exactement. C’est un plan Sharon, avec un tampon américain et une formulation américaine. Nous ne pouvons y adhérer. D’autant plus que les Américains et les Britanniques ne prennent pas au sérieux leur feuille de route. Ce qui les intéresse maintenant, c’est trouver d’autres prétextes pour bombarder l’Irak…
Question : Comment voyez-vous l’avenir dans l’éventualité de la guerre contre l’Irak ?
Al-Qaddoumi : Je pense que la région se soulèvera contre les intérêts américains et que plusieurs régimes arabes tomberont… »
Le pétrole comme arme
« Question : Comment convaincre l’Europe de prendre position de façon plus énergique et agressive ?
Al-Qaddoumi : Par l’arme du pétrole. C’est-à-dire, en augmentant son prix ; ainsi la population se sentira sous pression, s’élèvera contre ses dirigeants et les forcera à jouer un rôle plus actif. L’essentiel est de faire confiance au peuple palestinien et à la résistance, mais pour cela il faut une direction arabe courageuse. Abd El-Nasser a dû affronter trois pays qu’il a vaincus, mais aujourd’hui il n’existe pas de dirigeants arabes de son niveau…
Question : On a entendu parler de [tentative de] coup d’Etat contre le gouvernement d’Arafat, appuyée par les Etats-Unis, et initiée par des membres du Fatah, dont Abou Mazen. Que pensez-vous des récentes déclarations d’Abou Mazen… ?
Al-Qaddoumi : On peut ne pas être d’accord avec Abou Mazen, mais je ne pense pas qu’il ait tenté de mener un coup d’Etat contre Abou Ammar [Arafat] ; or je suis le secrétaire général du Comité central du Fatah. Abou Mazen a ses propres opinions, que nous respectons. Il existe plusieurs courants de pensée au sein du Fatah, mais quand une décision est prise, nous nous y plions tous, Abou Mazen compris – c’est ainsi que je me suis trouvé engagé par Oslo, malgré mes objections.
Question : Oslo ayant échoué, pourquoi ces responsables ne démissionnent-ils pas ?
Al-Qaddoumi : Le combat continue, et on ne change pas de cavaliers au beau milieu de l’action. Régler ses comptes pendant la bataille serait une erreur. Cela n’est possible qu’une fois la bataille terminée…
Question : Vos propos me surprennent. D’un côté, vous admettez qu’Oslo est un échec et de l’autre, vous ne réclamez pas le remplacement de ses protagonistes. Ahmed Qurei [Abou Alaa], Saëb Erekat et les autres ont-ils changé d’opinions et de façon de faire?
Al-Qaddoumi : L’essentiel est que le combat continue. »
L’Autorité palestinienne est un épouvantail
« Question : Mais ne voyez-vous pas que l’Autorité palestinienne est proche de sa fin ?
Al-Qaddoumi : Si. Il faut toutefois la conserver, comme symbole. Quand j’entends les gens se quereller au sujet de postes ministériels, je me demande de quels ministères et de quels postes ils parlent. Où sont les institutions ? C’est une tromperie phénoménale. Ou est donc le personnel de sécurité, qui n’a rien à garder ?
Question : Est-ce dire que l’Autorité palestinienne est finie ?
Al-Qaddoumi : Elle est semblable à un épouvantail ou à un hangar protégeant pastèques et concombres. Rien ne peut remplacer la résistance. »
Nous n’avons jamais été différents du Hamas
« Question : Dans la pratique, votre idéologie ne diffère en rien de celle du Hamas.
Al-Qaddoumi : Nous n’avons jamais été différents du Hamas. Bien au contraire : le [Hamas] est un courant national faisant partie intégrante du mouvement national. Au niveau stratégique, nous ne divergeons pas.
Question : Que pensez-vous du rôle de nos [Arabes israéliens] dans les prochaines élections législatives ?
Al-Qaddoumi : L’union nous renforcera et fera entendre la voix arabe, laquelle doit continuer de résonner au sein du parlement israélien…
Question : Que pensez-vous du problème des réfugiés ?
Al-Qaddoumi : A mon avis, le problème des réfugiés passe avant celui de l’Etat palestinien. Aucune négociation ou solution n’aboutira si l’on ne règle pas le problème des réfugiés. Sari Nusseibeh n’a pas de sens politique ; c’est un docteur. Seuls ceux qui ont enduré des souffrances ont un sens politique. C’est le cas des réfugiés, qui ont souffert réellement et profondément. Je suis personnellement originaire de Jaffa… »
Dans une autre interview, parue dans le quotidien Al-Bayan des Emirats arabes unis, [3]Al-Qaddoumi évoque la poursuite des pourparlers, au Caire, entre les différentes factions palestiniennes :
« Les Palestiniens s’accordent pour penser que la résistance est le fondement naturel de l’unité nationale et du dialogue palestinien national. Les pourparlers au Caire tournent autour de la nature des futures relations intérieures en Palestine, et de l’organisation de la résistance, dans le cadre de relations économiques, sociales et politiques [entre les différentes factions]…
Il y a eu des contacts entre le Fatah et le Hamas, lesquels ont pris fin. Un accord a été conclu sur l’établissement de solutions pacifiques aux problèmes [palestiniens intérieurs], solutions qui ont satisfait les deux côtés.
Les factions palestiniennes ont présenté divers documents qui avaient tous pour principe de base la poursuite de la résistance, principe sur lequel s’est fondé le débat portant sur la future direction palestinienne et les grandes lignes de la politique palestinienne… »
Faire cesser l’Intifada reviendrait à récompenser les Israéliens.
« Certains ont affirmé que les pourparlers portaient sur la cessation de la résistance, et non sur sa poursuite. Mais ce sont des propos erronés. Je ne pense pas que les factions de la résistance puissent s’entendre sur un tel principe. Mettre fin à l’Intifada reviendrait à récompenser les Israéliens [au moment des élections], et plus particulièrement Sharon, qui n’a absolument aucun plan politique… »
Kul Al-Arab (Israël), le 3 janvier 2003[i]
[2] Le récent ouvrage de Qaddoumi sur la résistance a été publié par le Centre Zayid pour la Coordination et le suivi, aux Emirats arabes unis. http://www.zccf.org.ae/a_PubDesc.asp?Pubid=227
[3] Al-Bayan (Emirats arabes unis), le 11 janvier 2003