I – Saddam: Le Saladin d’aujourd’hui
L’Irak a dernièrement fêté le 9ème anniversaire de la «campagne de la foi», dont le but principal est «de former une génération qui a foi en Allah, aime son pays et croit en l’unité de la nation arabe, en sa mission et en ses objectifs.» [1]
A cette occasion, le quotidien pro-irakien Al-Qods al-Arabi publie une analyse de son correspondant à Bagdad, d’après qui Saddam Hussein aurait «choisi de trouver refuge dans l’islam contre les mouvements radicaux qui ont balayé un grand nombre de sociétés arabes…, malgré la colère du parti Baath laïque… Selon certains experts, les autorités irakiennes se sont servies de l’islam comme paravent en 1991, afin d’éviter de nouveaux désagréments, surtout depuis le soulèvement de la Shia au Sud et la révolte kurde au Nord, intervenus pendant la deuxième guerre du Golfe… Au cours de la ‘campagne de la foi’, la base du parti Baath a dû retourner à l’école pour apprendre les doctrines islamiques. Des universités islamiques ont été créées, ainsi que des stations radio consacrées à la diffusion du Coran. Des bars ont fermé, les restaurants ont reçu l’ordre de ne pas servir de boissons alcoolisées… Les imams, dans les mosquées,… acclament le président irakien, décrit comme le Saladin d’aujourd’hui… L’imam de l’une des plus grandes mosquées de Bagdad a déclaré que le peuple était convaincu de ce que l’intervention américaine représentait une croisade contre les Irakiens et les musulmans, précisant que les Irakiens défendaient leur religion [en s’opposant aux Américains].» [2]
II – La «Journée du martyre» en Irak
Le 1er décembre a été consacré «Journée du martyre». A cette occasion, la presse irakienne a publié des poèmes et des articles à la gloire des martyrs et du martyre. Le quotidien Al-Jumhuriya a publié un article intitulé «Le martyre est un choix délibéré» où l’on peut lire: «…L’essence du martyre est valorisée dans l’histoire arabe et islamique; les martyrs bénéficiaient d’un statut spécial aux yeux d’Allah; ainsi la société leur conférait le statut qu’ils méritent…» L’article définit ensuite le martyre comme suit : «Le martyre est [le résultat d’un] choix délibéré qui naît d’une conviction sincère par rapport à des problèmes d’ordre religieux ou national… Il est la motivation qui pousse à lutter contre tout élément hostile ou mensonger… Il est la preuve que de la mort surgit la vie; il est capable de réaliser ses objectifs..; le martyre ne connaît pas d’heure ou d’endroit fixe… Il répond à un besoin… quand il devient le seul moyen d’avoir raison de l’agression et la tyrannie…» [3]
Sur le même sujet, le quotidien Al-Irak note: «…Les nobles savants de l’islam sont unanimes sur le fait que le martyre représente un grand honneur et une récompense divine accordée par Allah aux élus parmi ses disciples. Il s’agit d’une élection [divine], comme le prouvent Ses paroles [dans le Coran], ‘et Il fait de vous des martyrs’ et : ‘Ne considérez pas ceux qui sont morts pour la cause d’Allah comme morts, mais comme vivants auprès de leur Dieu’…» L’article énumère ensuite les six récompenses que reçoit un martyr: «A la première goutte de sang versé, il est absout et voit sa place au Paradis. Les tourments du tombeau lui sont épargnés. Il est protégé de la Grande horreur [du Jour du Jugement]. Il reçoit la couronne de la gloire. Il épouse les filles aux yeux noirs [les vierges]. Il peut garantir [l’entrée du Paradis] à soixante-dix de ses proches.» L’article cite ensuite des interprétations de hadiths [traditions orales] selon lesquelles le martyr ne ressent aucune douleur. Ces hadiths précisent que le martyre est la forme la plus élevée de djihad pour la cause d’Allah et la défense du pays, des biens et de l’honneur. [4]
III – Les prisons irakiennes: torture, amnistie et statut des prisonniers politiques
Raid Qader Mintek, prisonnier kurde ayant passé huit ans dans les prisons irakiennes et ayant été libéré en vertu de l’amnistie générale, décrit dans une interview pour Al-Sharq al-Awsat certains événements dont il a été témoin pendant son séjour en prison, dont l’incident suivant: «Un citoyen irakien a été enfermé pour avoir volé le fusil automatique d’Uday Saddam Hussein. Quelques jours plus tard, Uday en personne est venu le voir en prison et, à l’aide d’une épée, lui a tranché plusieurs doigts. Puis on a découvert que l’homme était innocent et qu’il appartenait en outre à l’un des clans de Tikrit [lieu de naissance de Saddam]. Uday lui a présenté ses excuses et lui a accordé 25 000 dinars [en dédommagement], somme qui à l’époque équivalait à 10 dollars…»[5]
Le quotidien koweïtien Al-Raï al-Amm publie un article d’Hamid Al-Maliki, intitulé: «De quelle amnistie parle-t-on?» L’auteur rapporte que les nouvelles d’Irak font état de «la poursuite des exécutions massives de détenus et de prisonniers politiques, ce qui implique que la soi-disant ‘amnistie’… n’est qu’un gros mensonge au service d’une propagandequi cherche à créer la confusion face aux mesures de répression du régime contre notre peuple et l’opposition…» D’après cet article, des sacs en plastic renfermant des morceaux de corps humains ont à nouveau été découverts dans les rues de Bagdad; les services secrets de Bagdad gardent le silence sur ce phénomène, cachant l’information aux proches.»[6]
Le parti communiste irakien a publié une déclaration soulignant que l’on ne sait toujours rien du sort de milliers de politiciens irakiens, et a manifesté sa crainte qu’ « ils n’aient été abattus au cours des campagnes d’exécutions de prisonniers politiques, lesquelles se sont étalées sur des années…» [7]Al-Sharq al-Awsat cite également un rapport publié par le journal kurde indépendant Ja Maw Har, faisant état de l’exécution de six prisonniers politiques au mois d’octobre.[8]
L’hebdomadaire kurde Isbuiya Media, publié à Ibril, en Irak du Nord, rapporte que le 7 novembre 2002, les autorités irakiennes ont exécuté huit officiers en poste dans un dépôt de missiles de la région de Biji, dans la province de Tikrit, au nord de Bagdad. Ils étaient accusés d’avoir fait sauter le dépôt. L’exécution collective a été supervisée directement par Ali Al-Majid, le cousin de Saddam…» L’hebdomadaire fournit la liste des noms et indique le grade des officiers.[9]
Un bulletin d’informations de Beyrouth rapporte que les forces de sécurité libanaises ont trouvé le cadavre d’un dissident irakien pendu dans son appartement, à Sur. Avant de mourir, ce dissident avait reçu des coups sur la tête, administrés à l’aide d’une barre de fer. Selon le rapport, Walid Ibrahim Al-Miyahi attendait son visa d’immigration pour les Etats-Unis.[10]
[1] Al-Irak (Irak), le 20 décembre 2002.
[2] Al-Qods Al-Arabi (Londres), le 13 décembre 2002.
[3] Al-Junhuriya (Irak), le 1er décembre 2002.
[4] Al-Irak (Irak), le 1er décembre 2002.
[5] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 23 octobre 2002.
[6] Al-Rai Al-Amm (Kuweit), le 1er novembre 2002.
[7] Al-Hayat (Londres), le 4 novembre 2002.
[8] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 28 octobre 2002.
[9] Al-Qods Al-Arabi (Londres), le17 novembre 2002.
[10] Al-Hayat (Londres), le 5 décembre 2002.