Certains chroniqueurs ont rejeté l’initiative du Partenariat, la qualifiant de complot sioniste visant à bloquer l’initiative saoudienne du prince héritier d’Arabie Saoudite, Abdallah (mars 2002). D’autres ont estimé qu’il s’agissait d’un complot américain pour permettre aux Etats-Unis de contrôler les pays arabes.
A – Le lobby sioniste se trouve derrière le plan Powell
Dans un éditorial, le quotidien koweïtien Al-Watan qualifie l’initiative de Powell de projet du lobby sioniste pour créer un problème artificiel entre les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, dans le but de bloquer l’initiative saoudienne proposée par le prince héritier Abdallah en mars 2002: “Il ne fait aucun doute que l’Amérique soutient l’instauration de la démocratie dans plusieurs pays du monde, détruisant parallèlement les démocraties dont les vues s’opposent aux siennes, sans parler de celles dont les intérêts sont contraires aux siens…
Il est clair que l’Administration américaine, et derrière elle le lobby sioniste, attendent l’Arabie Saoudite au tournant. Cette embuscade ne tient pas au fait que l’Arabie Saoudite ne possède pas de parlement démocratique et de conseils élus, mais plutôt aux résultats de dangereuses études menées par le Congrès américain et les institutions de recherche américaines – qui établissent la nécessité [pour les Etats-Unis] de contrôler les réserves de pétrole du Golfe, plus particulièrement depuis 1973, année où le roi Fayçal – que son âme repose en paix – a refusé de vendre du pétrole à l’Amérique.
Quant au lobby sioniste…, nous remarquerons qu’il représente à la fois le coupable et le bénéficiaire. Il est responsable du durcissement des relations américano-saoudiennes, et peut-être aussi des événements se trouvant à l’origine des tensions entre l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis. La puanteur du lobby sioniste s’est accrue ces derniers temps, les Juifs ayant peur pour leur pays et pour ce qu’ils ont accompli, face à la courageuse initiative du prince Abdallah, lequel a obtenu un consensus arabe et islamique.” [1]
Rajeh Al-Khouri, chroniqueur au quotidien saoudien Al-Sharq al-Awsat, édité à Londres, écrit: “Ceux qui ont été gravement touchés par la politique américaine dans la région, depuis le début des années 1950 jusqu’à ce jour, ne se sont pas arrêtés une seconde pour considérer le plan Powell de Partenariat…
Les cercles sionistes, qui influent considérablement sur le système américain, se sont empressés de répondre, de façon évasive et hostile, à la question inventée après le 11 septembre: ‘Pourquoi haïssent-ils l’Amérique?’ Les Arabes et les musulmans haïraient l’Amérique pour deux raisons: la première est l’absence de démocratie dans les régimes arabes et islamiques, ce qui engendre la pauvreté aux niveaux économique et éducatif [d’où la haine pour les Etats-Unis]. La seconde est que la civilisation occidentale, à la supériorité bien établie, a donné aux Arabes un sentiment d’infériorité, ce qui nécessiterait donc un plan pour les ramener à l’époque moderne. [Ces réponses] ignorent évidemment toutes les causes ou preuves liant la haine [des Arabes] pour les Etats-Unis à la politique [américaine]…
Que fait l’Administration américaine pour contrer cette haine? Elle essaie de conduire les Arabes à ‘l’école primaire de la réforme et de la démocratie’… Nous ne savons pas dans quels livres consulter les chapitres se référant à la démocratie et la réforme politique et sociale, et il ne sert à rien de nier que celles-ci représentent une nécessité pour les pays arabes. Mais la vision enseignée à l’école primaire de Mme Elizabeth [Cheney] connaîtra un échec cuisant – non parce que nous dénigrons les études théoriques, mais parce que nous observons les effets de cette vision aux Etats-Unis, vision qui n’est pas seulement contraire au sens du terme ‘démocratie’, mais qui encourage également le massacre de ses principes de base.
Les sceptiques devraient lire attentivement les principes de la position américaine contre l’Irak, répétés jour après jour, et reconsidérer la position américaine concernant les activités des inspecteurs, la Palestine et l’agression de Sharon. Et les sceptiques se souviendront alors que juste après l’annonce du plan Powell, la démocratie de Condoleezza Rice a nommé l’un des ennemis les plus extrémistes des Arabes et des Palestiniens à la direction du Département du Moyen-Orient du Conseil de Sécurité nationale – Elliot Abrams, lequel est encore plus sioniste que Sharon, appelle depuis des années à déchirer les accords d’Oslo, et a soutenu l’invasion [israélienne] du Liban en 1982.” [2]
B – L’initiative a pour but de détruire la société arabe et de la remplacer par une démocratie servant les intérêts américains. La société américaine n’est pas un exemple.
D’autres auteurs affirment que les Etats-Unis cherchent, par cette initiative, à remplacer la société arabe par une société miroir de la leur, laquelle ne représente pas, selon ces auteurs, un exemple pour le monde arabe.
Dans un article intitulé “Voilà ce que je vous conseille, M. Powell” et publié dans le quotidien Okaz, affilié au gouvernement saoudien, Khaled Al-Suleiman écrit: “Ce que M. Powell voudrait, avec son plan pour moderniser notre société, n’est pas que chaque Saoudien devienne ingénieur informatique ou chercheur en physique; il voudrait nous libérer de ce qu’il considère comme les contraintes morales de notre comportement social. Il souhaiterait faire de nous une société moderne, comme la sienne, une société qui prive les pères de la liberté d’éduquer leurs enfants. Une société où le mariage des mineurs constitue un crime, mais où les relations sexuelles avec des mineurs sont permises! Une société où la consommation d’alcool équivaut à la consommation d’eau et où l’on respire de la marihuana comme on respire l’air. Il aimerait [instaurer] une société privée de son identité, de ses valeurs et de ses vertus – une société sans racines, qui ne serait qu’un pâle reflet de l’Occident…
Nous disons à M. Powell: ‘Merci pour vos conseils. Nous ignorons quel lien existe entre l’initiative et votre fonction de Secrétaire d’Etat, mais nous n’en avons nul besoin. Nous avons aussi un conseil à vous donner : si vous ne disposez pas du temps nécessaire pour appréhender sérieusement les effets de la modernisation que vous nous offrez, consacrez-en un peu chaque jour à regarder les célèbres talk shows américains diffusés en permanence sur les chaînes télévisées, afin de réaliser la chance que nous avons de nous trouver loin derrière votre caravane de la modernité.'” [3]
Dans le quotidien jordanien Al-Raï, Khaled Mahadine écrit pour sa part: “La démocratie que Powell cherche à instaurer dans le monde arabe est une démocratie américaine qui approuverait sans discuter les résolutions américaines. Le département d’Etat américain bénéficierait alors d’ambassades et d’ambassadeurs dans les capitales du Moyen-Orient. Les parlements deviendraient les ambassades du Congrès américain. Et tous nos médias officiels et populaires au Moyen-Orient deviendraient des médias américains qui glorifient l’arrogance de Washington, applaudissent ses offensives contre l’arabisme et l’islam, et gardent le silence face à la participation directe ou indirecte des Etats-Unis à l’éradication sioniste du peuple palestinien et face à la menace d’extermination du peuple irakien par l’Amérique…
Les efforts actuellement déployés pour ‘forcer’ les écoles arabes et islamiques, à commencer par les écoles primaires, dans le but de les détruire, correspondent très exactement aux intentions énoncées dans l’initiative du Secrétaire d’Etat américain. [Les difficultés] rencontrées par plusieurs pays arabes et islamiques, à commencer par l’Arabie Saoudite, attestent peut-être de l’activité des forces hostiles qui tentent d’abolir l’éducation religieuse, la pudeur liée à l’islam, la valeur des bonnes actions, du djihad, de la charité – l’un des cinq piliers de l’islam, victime aujourd’hui des bien naïfs efforts américains et européens pour l’éradiquer, de peur que les fonds destinés [aux institutions de] bienfaisance ne financent ceux que l’Occident qualifie de ‘terroristes islamistes’.” [4]
C – Ce qui motive les Américains estleur désir de gouverner le monde – dont ils ignorent tout. Ce sont les Américains qui devraient changer de programme.
Dans un article du quotidien égyptien officiel Al-Ahram, le chroniqueur Salah Muntassir déclare que c’est aux Américains de modifier leur programme scolaire: “L’Amérique, avec ses 50 Etats, est un continent immense. Hormis ceux qui vivent à New York, Washington et quelques autres villes célèbres, les Américains, pour la plupart, ne connaissent rien du monde, vu qu’une telle connaissance ne leur serait d’aucune utilité dans leur vie de tous les jours…
L’agriculteur américain – parfaitement représentatif de l’Américain moyen – n’est relié au reste du monde que par la télévision, où il regarde de préférence les spots publicitaires vantant des produits susceptibles de lui apporter plus de confort et de distractions… Quand les Américains se réunissent, ils parlent de tout sauf de l’actualité mondiale – une situation qui n’a commencé à changer que le 11 septembre…
Quand l’URSS – la superpuissance rivale – s’est effondrée, les Etats-Unis ne se sont pas contentés d’étendre leur influence. Ils ont également cherché à imposer leur loi au reste du monde, au point d’aller exiger de certains pays qu’ils modifient le programme scolaire de leurs écoles et d’essayer de mettre en place de nouvelles forces [politiques] au sein des autres pays dans un but de démocratisation. Ce qui motive l’Amérique, c’est son désir de diriger le monde, de le gouverner au moyen de l’économie, la science et la puissance militaire…
Comment un peuple ignorant de l’actualité mondiale, de données géographiques, historiques et ethniques simples pourrait-il gouverner le monde? Si certains Américains considèrent qu’ils peuvent exiger de pays en voie de développement qu’ils modifient leurs programmes scolaires, n’avons-nous pas également le droit de demander aux Etats-Unis de changer leur propre programme scolaire, afin que celui-ci soit à même de produire des citoyens américains capables de situer l’Afghanistan, l’Egypte ou l’Irak, et possédant le minimum de culture générale qu’on est en droit d’attendre de quiconque prétend vouloir diriger le monde?” [5]