Le quotidien londonien en langue arabe Al-Hayat [1] a récemment publié la lettre d’un lecteur syrien, Ismaïl Dajab, adressée au directeur du journal; celle-ci critique les médias arabes qui, selon son auteur, ne comprennent pas le phénomène des objecteurs de conscience en Israël. Voici des extraits de l’article:
L’analyse arabe des problèmes israéliens aboutit rarement à une connaissance exacte des faits. Pour preuve le débat diffusé sur le talk show bien connu d’une chaîne satellite arabe [2], traitant du phénomène des objecteurs de conscience qui refusent de servir dans l’armée israélienne. L’un des invités, « spécialiste » des affaires israéliennes [3]…a montré comment l’idéologie tue la connaissance… Au bout de quelques minutes seulement, [il a affirmé]: « La société sioniste… se désintègre et souffre de fragmentation… Le mouvement des objecteurs de conscience reflète le pessimisme… Il n’y a pas de démocratie dans l’entité sioniste ou son système militaire… Tout cela… [s’ajoute à] d’autres problèmes, comme l’abondance de drogues en Israël, le vol et la vente d’armes au sein de l’armée [etc.…] » Il en a conclu que l’armée israélienne était en train de se désintégrer.
Le fait est que chacune de ces conclusions sans équivoque est inexacte. L’expression « entité sioniste »… ne décrit pas la réalité avec précision. Le sionisme est le mouvement politique qui a créé l’Etat d’Israël. Il ne qualifie pas une société… Tout le monde n’est pas sioniste en Israël. Bien souvent, les discours en disent plus sur la culture de leurs auteurs… que sur le sujet abordé : la société israélienne parle ouvertement et en public des ses désaccords et contradictions, leur permettant d’être institutionnalisés d’une façon ou d’une autre. Prétendre que les désaccords existant au sein de la société israélienne… sont un symptôme de désintégration et de fragmentation… révèle que notre culture politique… cache ou rejette systématiquement les différences et le pluralisme, et considère donc ce genre de phénomènes comme de la désintégration et de la fragmentation.
…Nous souhaitons [la désintégration de la société israélienne]… mais en réalité, c’est tout le contraire qui se passe. Je n’essaie pas de faire valoir l’ennemi… mais je suis contre l’attitude qui consiste à développer des illusions sur cet ennemi.
Notre école de pensée est experte en détection des « défauts » de la société israélienne, qu’elle décrit ensuite de façon exagérée pour pouvoir impliquer que cette société court à sa perte – prochaine.
Peut-être dans nos sociétés suppose-t-on que ce pays, qui nous a menés de défaite en défaite, est utopique, parfait, qu’il ne comprend aucun de ces défauts qui existent… dans toute société humaine. [C’est pourquoi] quand un élément susceptible d’entacher cette illusion se présente à nous, nous nous hâtons de le rendre public et d’établir qu’il représente le début de la fin [pour Israël]. Mais est-ce qu’un pays dans l’histoire s’est déjà effondré pour de telles raisons?
Personne ne peut nier qu’Israël est en proie à des conflits internes, mais nous devons examiner ces conflits de façon rationnelle. Nous devrions voir comment l’establishment politique de ce pays accepte ces conflits et les gère [dans le cadre d’une]… unité globale.
Le plus désolant, c’est que l’émission [d’Al-Jazira] et son invité insistaient sur l’absence de démocratie en Israël. S’ils entendaient par là ce que nous savons tous, que cette démocratie n’inclut pas les Palestiniens, je n’aurais rien à dire. Mais le débat se focalisait sur l’absence totale de démocratie dans la vie israélienne.
Si ces affirmations étaient justes, comment expliquerait-on les changements de gouvernements, les institutions civiles, les [activités des] groupes de pression de la société israélienne? Comment expliquerait-on l’existence de la presse [israélienne] et des autres médias… ainsi que le droit de dénoncer et de critiquer? Et l’existence d’un système judiciaire [israélien] (s’occupant des affaires juives internes) ainsi que les autres institutions de contrôle? Qu’est ce que la démocratie si ce n’est toutes ces choses-là?
Est-ce à nous de critiquer les défauts de la démocratie israélienne? Si seulement ils existaient tous vraiment! Si seulement Israël n’avait pas de système politique démocratique… ! Alors nous pourrions anéantir toute l’entreprise [sioniste]; en tous cas elle ne serait pas aussi solide et bien développée que ce qu’elle est actuellement, et il nous serait plus facile de l’affronter et de l’éliminer.
Nous devons reconnaître que l’existence du système [démocratique] israélien est ce qui a donné à Israël…sa puissance… C’est ce qui a fait de l’Etat d’Israël ce qu’il est. Notre but stratégique devrait être d’affaiblir cette démocratie – et non de critiquer ses défauts.
…Si l’armée israélienne est véritablement en proie au pessimisme et si la société [israélienne] souffre vraiment de désintégration et de fragmentation; si tout le pays est sur le point de s’effondrer, alors qu’est-ce que nous attendons? Pourquoi n’attaquons-nous pas?~