Wafa Idris: Symbole de la femme palestinienne
Lors de funérailles symboliques tenues en l’honneur d’Idris par le Fatah, un membre du Conseil révolutionnaire a fait l’éloge de cette dernière: « Le martyre de Wafa a rendu au rôle national de la femme palestinienne son honneur; ces femmes ont ébauché les plus merveilleuses illustrations d’héroïsme au cours du long combat pour la libération nationale. Wafa est venue aujourd’hui suivre le chemin tracé par la martyre Dalal Al-Maghribi et ses camarades… » [1]
Tandis que les médias iraquiens s’empressaient d’annoncer que le président iraquien Saddam Hussein avait ordonné l’édification d’un monument à Bagdad à la mémoire d’Idris, le Dr Amira Abu-Fatuh, productrice de télévision égyptienne, voyait Idris commémorée d’une autre façon. Dans un article intitulé: « Un film à Oscar », paru dans Al-Wafd, quotidien égyptien de l’opposition, elle écrit: « Ce film n’est pas un film comme les autres. L’héroïne… est la belle, la pure Palestinienne Wafa Idris, habitée par la foi et la volonté. Je ne pourrais pas trouver de personne meilleure qu’elle, ni de film plus beau que celui-là, film qui a été un choc au cœur d’Israël… Des cieux où elle se trouve à présent, elle crie de toutes ses forces: ‘Assez de glorifier les morts! Assez de glorifier les victoires de vos ancêtres! Ils ont joué leur rôle, et maintenant c’est votre tour.’ [2]
D’une manière générale, les médias arabes ont été dithyrambiques à l’égard de cette « courageuse jeune Palestinienne ». Un éditorial d’Al-Qods al-Arabi, quotidien en arabe diffusé à Londres, l’a le premier portée aux nues, avant même que son identité ne soit connue: « C’est la première fois qu’une jeune femme se ceint d’explosifs et de morceaux de métal et se fait sauter sur la rue Jaffa, au cœur de la ville occupée. Elle rejoint ainsi le convoi des martyrs et pose un précédent qui permettra aux femmes de se glorifier de l’histoire des femmes arabes et musulmanes… » [3]
Saïd Sadeq, chroniqueur d’Al-Wafd, écrit: « Soudain, une étincelle de lumière et d’espoir a jailli de l’obscurité, en la personne d’une jeune Palestinienne, courageuse dans ses actes, non dans ses mots… » [4] Salah Muntasir écrit dans Al-Ahram, premier quotidien gouvernemental: « Wafa Idris ne s’est pas effacée de mon esprit depuis que j’ai vu sa photo pour la première fois… Ses yeux rêveurs et le sourire mystérieux sur ses lèvres, comparable au célèbre sourire qu’un certain artiste a dessiné sue les lèvres de Mona Lisa – le sourire de Wafa est plus beau. Tout en elle est plus beau que toutes les représentations de femmes que les artistes ont pu peindre… » [5]
Yasser Zaatrah, Jordanien islamiste, écrit dans le quotidien jordanien Al-Dustour: « … Wafa portait sa valise [d’explosifs], qui est… le plus beau prix qu’une femme puisse remporter. Son esprit était déchaîné, son cœur rempli de colère et ses pensées non convaincues par les appels à la paix et la coexistence… Que la paix règne sur Wafa et les martyrs, hommes et femmes, avant et après elle… » [6]
Encore dans Al-Wafd, Muhammad Al-Amin imagine Idris prenant la décision de perpétrer l’attentat: « Elle n’a pas épargné son âme… Elle a tranquillement pris sa décision, a cherché les explosifs, est allée prier, puis a soigneusement choisi sa cible. Elle s’est rendue à un grand restaurant rempli de clients. Elle a demandé à Allah de lui accorder une mort de martyr et la victoire. Elle n’a pas oublié de lancer un dernier regard sur sa famille et ses voisins. Elle a embrassé le sol de la patrie et s’est rendue calmement vers son destin. Elle a gravé son nom sur le front de l’histoire… »
Ibrahim Nafi, rédacteur en chef d’Al-Ahram, premier quotidien égyptien (subventionné par le gouvernement), écrit dans un péan dédié à Idris: « Elle a décidé de mettre fin à sa toute jeune vie à une période où le sentiment d’oppression a atteint un degré qu’aucun peuple n’a connu, mis à part les Palestiniens. Mais avant cela, elle a décidé que sa mort aurait un impact susceptible d’attirer l’attention sur la tragédie créée par les Israéliens, qui emploient des avions et des tanks contre un peuple sans défense. Elle s’est fait sauter sur la rue Haïfa [sic], peuplée d’innocents, comme Wafa elle-même… Elle est sortie ce matin, comme tous les matins. Personne n’a remarqué de signes de tension. Elle a souri aux enfants de la famille, a suivi son chemin qui devait la conduire à se faire sauter sur la rue Haïfa… pour montrer au monde que le corps lui-même peut se transformer en bombe à retardement n’importe quand, et que l’idée selon laquelle une organisation est terroriste tandis que l’autre est pacifique n’a aucun sens. La politique inhumaine des Israéliens a transformé tout le peuple [palestinien] en bombes à retardement. » [7]
Dans Al-Wafd, Wagdi Zein Al-Din insiste sur le caractère exceptionnel d’Idris: « La plus belle des beautés palestiniennes, un merveilleux modèle de sacrifice, a agi comme le font les hommes forts et fiers. Wafa Idris, qui venait de finir ses études universitaires, ne raisonnait pas comme les autres personnes du même sexe; elle a endossé les habits des martyrs et a perpétré l’opération, qui a été une réponse au verseur de sang Sharon. Comme son nom l’indique [‘loyauté’ en arabe], en faisant son sacrifice, elle s’est montrée loyale à la nation palestinienne. La fiancée des cieux a préféré la mort aux plaisirs de la vie, afin de transmettre un puissant message à la nation arabe… » [8]
Abd Al-Wahab Adas, chroniqueur au quotidien gouvernemental Al-Gumhuriya, écrit: « Elle a donné, pour la première fois, un exemple différent d’héroïsme féminin ; elle a restauré dans nos esprits l’image de l’héroïne algérienne Jamila Boukhreid, qui a lutté de toutes ses forces contre l’occupation française de son pays. Si Jamila a eu la chance d’assister à la libération de sa terre, l’esprit pur de Wafa ira brandir avec les autres le drapeau de la Palestine sur le dôme d’Al-Aqsa. Wafa Idris a gravé son nom avec fierté, force et honneur… dans la conscience de chaque Arabe musulman. » [9]
Ahmed Baghat, chroniqueur à Al-Ahram, écrit: « Wafa a révélé le sens de la personnalité palestinienne; elle a révélé l’héroïsme des femmes palestiniennes, passant de l’état de créature marchant sur la terre à celui de symbole qui traverse l’histoire et dont la trace est indélébile. En tant qu’infirmière, elle agissait comme les anges miséricordieux. Elle prenait soin des malades et des blessés, sauvant ces derniers. Et voyez comme elle a étendu sa sphère d’action: passant du sauvetage de Palestiniens à celui de la nation palestinienne [toute entière]. » [10]
Adel Hammuida, directeur de Saut al-Oumma, hebdomadaire égyptien de l’opposition, écrit: « La plus belle et la plus fière des photos que j’ai vues cette semaine est celle de la fiancée des cieux, Wafa Idris, qui s’est transformée en engin explosif pour se faire sauter en Israël. Wafa Idris a valorisé la femme arabe et, en une fois, avec un courage enviable, a mis fin au débat éternel de l’égalité entre hommes et femmes. » [11]
Dans Al-Arabi, hebdomadaire égyptien de tendance nassérienne, Ahmad Abu Al-Maati écrit: « Wafa Idris ne s’est pas assise aux cafés de la colère où se retrouvent les habitués, nos intellectuels, qui y deviennent des proxénètes, ou ces écrivains qui se vendent pour un shekel ou un dollar. Elle n’est pas allée manifester… Elle n’a pas signé de pétitions à soumettre à la communauté internationale. Tout ce qu’elle a fait, c’est se ceindre d’une ceinture d’explosifs et parler à Israël, à l’Amérique et au monde le seul langage qu’ils comprennent. » [12]
Finalement, dans un article d’Al-Usbu, hebdomadaire égyptien de l’opposition, Nagwa Tantawi a comparé Idris aux filles du président Georges Bush: « Bush, qui mène une campagne d’oppression pour éduquer le monde, n’est pas capable d’éduquer ses propres filles!! Notez la différence entre Wafa, fille de l’arabisme et de l’islam, et les filles de Bush. C’est la même différence qui existe entre notre culture, basée sur des valeurs belles et nobles, sur les valeurs de la patrie et du martyre, et la culture matérialiste [occidentale]. Cela prouve que quelle que soit la manière dont les choses évoluent, la victoire sera à nous – parce que nous avons de la culture et des valeurs. » [13]