S’exprimant à un forum de juristes arabes à Beyrouth, un keffieh sur la tête, Fayçal Al-Husseini, ministre des affaires de Jérusalem de l’Autorité palestinienne, a déclaré qu’il ne fallait pas donner sa chance à Sharon, ni le laisser rétablir la sécurité, parce que cela représenterait la défaite politique des Palestiniens. Or le but de la stratégie palestinienne est un Etat allant du Jourdain à la Méditerranée. Voici des extraits du discours de Fayçal Al-Husseini:
“Bénie soit Beyrouth qui a brisé l’ennemi et prouvé que nous pouvons vaincre les super puissances. Béni soit le mouvement de résistance (le Hezbollah) qui nous laisse espérer que l’avenir est entre nos mains. La victoire libanaise est un magnifique exemple de la réalité dans laquelle se trouve l’ennemi israélien, dont la défaite fut amorcée quelques semaines après celle des Arabes en 67…
En 1969, je faisais partie de l’armée de libération de la Palestine en Syrie, et de là je me rendis dans les villes occupées de Palestine. Je visitai Jaffa et Haïfa. Un journaliste me demanda quel était mon sentiment. Je répondis que Jérusalem finirait comme Haïfa, qui est devenue essentiellement juive, si nous n’étions pas assez avisés pour nous battre et nous préparer convenablement.
L’Intifada actuelle a des causes inhérentes aussi bien qu’externes, qui ne sont pas toutes dépendantes de nous. Ce n’est pas un acte de protestation, mais un mouvement de libération, qui ne prendra fin que quand sera atteinte une indépendance totale de la Palestine.
Au cours de la première Intifada, nous avons réussi à briser de nombreux tabous israéliens. Golda Meir avait déclaré qu’il n’y avait pas de peuple palestinien, mais nous avons été reconnus comme tel. A l’époque, les Israéliens refusaient l’idée d’un Etat palestinien, mais nous avons brisé ce tabou. A l’époque ils refusaient aussi de reconnaître l’OLP, alors qu’ aujourd’hui ils considèrent que c’est le seul représentant légitime du peuple palestinien. Et au cours de l’Intifada actuelle, nous avons réussi à briser les tabous israéliens sur la question de Jérusalem et des réfugiés.
Quand Barak était au pouvoir, nous avons brisé plusieurs tabous, en dépit de nos grands malheurs et du comportement barbare des israéliens. Maintenant, Sharon essaie de revenir en arrière. Barak a accepté un retrait de 95% des territoires palestiniens occupés. Si aujourd’hui nous laissons Sharon réussir dans ses projets politiques dont le point de départ est la sécurité israélienne, nous devrons retourner à la table des négociations sur la base d’un droit à seulement 42% du territoire. Par contre, si nous faisons tomber Sharon dans le domaine de la sécurité, personne d’autre ne nous empêchera de reprendre les négociations là où nous les avons laissées avec Barak, c’est-à-dire à notre droit à 95% du territoire.
C’est pourquoi nous ne pouvons pas laisser Sharon s’en sortir L’Autorité palestinienne n’accordera pas de filet de sécurité à Sharon, bien qu’aujourd’hui son discours soit modéré, car sa politique reste la même.
Le sommet arabe (de la semaine prochaine) doit s’éloigner de la logique qui veut que l’on accorde sa chance à Sharon. Nous nous attendons à ce que dans les mois qui viennent, il y ait un grand nombre d’affrontements sérieux avec les Israéliens, principalement à Jérusalem. Tous les ingrédients de l’explosion sont réunis. Nous sommes convaincus que la confrontation à Jérusalem ébranlera le monde entier, du Maroc à l’Indonésie. Les Etats-Unis seront bien obligés de comprendre que soutenir Israël revient à déstabiliser toute la région.
Nous sommes au seuil d’un combat et nous y préparons dès à présent. Nous ne pouvons permettre à Sharon de réussir sur le plan de la sécurité, parce qu’alors, il nous vaincra sur le plan politique. Le peuple palestinien attend le combat main dans la main avec l’Autorité palestinienne. Il n’y a aucune confrontation interne. C’est pourquoi la priorité doit être donnée à l’Intifada. Il se peut qu’il y ait des disfonctionnements internes, des erreurs commises. Quoi qu’il en soit, pour le présent, la priorité est à l’Intifada.
Il y a un point délicat qui doit être éclairci: je peux me trouver amené à entrer en contact avec le gouvernement Sharon dans le but de satisfaire les besoins vitaux de notre peuple, mais cela ne signifie pas que tous (les pays arabes) doivent en faire autant. Je reste en contact dans le but de mettre fin à toute relation, ce qui n’a rien à voir avec la politique de pays cherchant à établir des contacts.
Il faut différencier entre le but stratégique du peuple palestinien, qui n’est prêt à renoncer à aucune parcelle de la terre de Palestine, et l’effort politique qui doit tenir compte de la balance des pouvoirs et du système international tel qu’il est. Que nous sortions vainqueurs ou vaincus à court terme, nous ne perdrons pas de vue notre but à long terme, qui est: la Palestine de la rivière à la mer. Quelles que soit nos victoires du moment, elles ne nous feront pas oublier cette vérité suprême.” [1]