A l’approche du Nouvel An et du Noël orthodoxe le 7 janvier 2018, Al-Azhar, principale institution islamique d’Egypte et du monde sunnite en général, a lancé une campagne d’information intitulée “Partager la patrie”, enseignant aux musulmans l’attitude appropriée à adopter lors des fêtes et envers les chrétiens à cette période. Selon Al-Azhar, la campagne vise à promouvoir un islam modéré, à renforcer les valeurs de la citoyenneté et de la coexistence au sein des Egyptiens et à contrer les « fatwas déviantes » émises chaque année à l’approche des fêtes chrétiennes, en traitant de questions comme l’autorisation de souhaiter aux chrétiens leurs fêtes religieuses.[1]
Cette campagne entre dans le cadre des efforts actuels d’Al-Azhar de se donner l’image d’une institution qui combat l’extrémisme religieux et les interprétations erronées de l’islam, et qui promeut le renouveau du discours religieux.[2] Les chefs religieux d’Al-Azhar, menés par le cheikh d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb, et son adjoint Abbas Shuman, ont souvent souligné leurs actions dans ce domaine, qui incluent des campagnes d’information et la réévaluation des programmes de ses écoles religieuses, souvent critiqués pour leur extrémisme et pour leur incitation au terrorisme.[3]
Toutefois, des études récentes publiées dans la presse égyptienne révèlent que des éléments haut-placés d’Al-Azhar favorisent des programmes scolaires qui contredisent les déclarations de ses chefs religieux en faveur de la tolérance et de l’acceptation de la minorité chrétienne copte du pays. En conséquence, des critiques envers Al-Azhar ont été émises par des intellectuels et des députés égyptiens, selon lesquels ces programmes encouragent l’extrémisme.
Le présent rapport opposera la campagne d’Al-Azhar avant les fêtes défendant la tolérance envers les chrétiens et son refus de mettre en pratique ladite tolérance.
La campagne d’information d’Al-Azhar envers les déclarations musulmanes extrémistes concernant les chrétiens : ils partagent notre patrie, nous pouvons leur souhaiter de joyeuses fêtes et consommer leurs mets
Le 23 décembre 2017, le Centre mondial des fatwas en ligne d’Al-Azhar, qui publie des fatwas et des conseils religieux en ligne, y compris sur les réseaux sociaux, se concentrant sur la modération et la tolérance de l’islam, a annoncé le lancement d’une campagne d’information « Partager la patrie » à l’approche du Nouvel An chrétien et du Noël orthodoxe oriental. Un post sur sa page Facebook et sur la page d’Al-Azhar, a cité le vice-président pour l’éducation de l’institution, Yousouf Amar, également inspecteur-général du centre des fatwas, affirmant que la campagne est destinée à « établir des valeurs de citoyenneté et de coexistence parmi les fils d’une seule patrie, en présentant l’islam modéré et convenable, et en soulignant les préceptes modérés de l’islam, dans tous les domaines concernant le traitement des membres des religions monothéistes ». La campagne, a-t-il ajouté, est également destinée à réfuter tout ce que les organisations terroristes déclarent faire partie de l’islam mais qui n’a aucun lien avec lui. Il a ajouté que les matériels de la campagne seraient traduits en d’autres langues et envoyés aux ambassades des pays d’Europe, des Amériques, d’Afrique et d’Asie en Egypte et dans de nombreux autres pays.
Selon cheikh Tamr Matar, coordinateur du centre des fatwas, la campagne vise à clarifier les droits religieux, politiques, sociaux et économiques des membres des religions monothéistes dans les pays musulmans, et la manière dont les non-musulmans doivent être traités à l’égard du commerce, des souhaits à l’occasion des fêtes religieuses, des visites à leur rendre, de leurs mets et du respect de leurs lieux saints. Il a affirmé que le centre lançait la campagne pour rectifier les perceptions erronées de l’islam et répondre à des « fatwas déviantes et extrémistes » diffusées chaque année à l’approche des fêtes de Noël. Il a également appelé à s’abstenir d’émettre des fatwas qui ne reposent pas sur des faits, et à laisser la tâche d’émettre des fatwas aux cheikhs spécialistes.
Un autre post sur la page Facebook d’Al-Azhar a observé que la campagne serait lancée du 24 au 30 décembre, que les gens étaient invités à appeler, ou à poser des questions par le biais des réseaux sociaux, et a fourni un hashtag à utiliser, #Partagerlapatrie.[4]
Le 24 décembre, le centre a posté la première question, « Quelle est la règle concernant les souhaits de bonnes fêtes aux chrétiens ? » avec la réponse suivante : « Il est permis de souhaiter de bonnes fêtes aux chrétiens, car cela est un acte de grâce et de respect pour eux, et fait partie d’un discours approprié et plaisant à leur égard. Allah nous a enjoint [d‘agir de la sorte] envers quiconque, et en particulier envers les Gens du Livre, qui partagent la patrie et qui sont nos frères en humanité. La preuve qu’il est autorisé de souhaiter de bonnes fêtes aux chrétiens [se trouve] dans le Coran, dans la Sourate Al-Mumtahanah [60:8] : « Allah ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Car Allah aime les équitables » [5] ; et dans la Sourate Al-Baqarah [2:83] : « [nous avons pris l’engagement] d’avoir de bonnes paroles avec les gens. » [6]
De même, l’autorisation de souhaiter de joyeuses fêtes aux chrétiens est compatible avec les intentions de la religion musulmane, souligne sa modération et sa tolérance, cultive l’esprit de fraternité dans la patrie et préserve l’unité nationale… [7]

Le 26 décembre, le centre a émis une nouvelle décision indiquant qu’il ne faut pas forcer les non-musulmans à se convertir à l’islam, même dans le cadre de la campagne « Partager la patrie ».[8] De même, le 27 décembre, le centre a émis une troisième décision stipulant que la consommation des mets des Gens du Livre est permise par le Coran.[9]