Face à l’administration Trump, l’Iran fait preuve de retenue militaire, met fin à ses provocations et ses menaces – tout en remontant le moral de sa population et en se déchargeant du poids du conflit sur ses agents.
Par A. Savyon, Yigal Carmon et U. Kafash*
Introduction
Depuis l’entrée en fonctions de l’administration Trump, considéré comme un adversaire du régime révolutionnaire iranien, l’Iran doit affronter une réalité nouvelle. D’une part, les Etats-Unis agissent en vue d’organiser les pays du Golfe et les pays arabes en une formation que les médias arabes ont surnommée l’“OTAN arabe”, dirigée contre l’Iran, d’autre part, l’Iran a le sentiment qu’en dépit de la coopération Iran-Russie de ces dernières années dans différents domaines, la Russie l’abandonne au profit de ses autres intérêts vitaux, comme un arrangement avec les Etats-Unis, afin d’obtenir la levée des sanctions à son encontre, et avec la Turquie, son premier partenaire régional.[1]
Face à la cristallisation d’un front Etats-Unis – Russie – Etats arabes (incluant Israël) dirigé contre le régime révolutionnaire iranien, Téhéran a le sentiment d’une menace existentielle. Le présent rapport examine la réaction iranienne globale à cette nouvelle situation :
La réaction iranienne aux nouveaux développements
La réaction de l’Iran à ces nouveaux développements est caractérisée par la crainte d’une activité américaine hostile au régime, comme cela peut se voir dans plusieurs domaines :
- Une retenue militaire considérable et la cessation des essais de missiles longue portée, en réaction à l’avertissement du président Trump : après le lancement raté par l’Iran le 29 janvier 2017 de son missile longue portée Khorramchahr, l’administration Trump a annoncé que l’Iran était “mis en garde”. A cette époque, l’Iran menait des préparatifs pour lancer un autre missile longue portée, et avait pris des mesures concrètes dans cette perspective ; le lancement a été annulé suite à l’avertissement américain. Le commandant des forces aéroportées du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGRI), Amir Ali Hajizadeh, s’est plaint le 9 mars que l’Iran avait été si fermement dissuadé qu’il s’abstenait même d’utiliser un missile pour mettre un satellite en orbite : “Nous avons un missile à usage civil pour lancer des satellites. Mais il a été placé dans un entrepôt en raison du ton menaçant de l’Amérique. Combien de temps allons-nous être victimes de chantage et contraints à des compromis ? Si nous ne changeons pas de stratégie, et continuons d’agir conformément aux ordres d’officiels embourbés, notre situation va se détériorer de jour en jour”.[2]
Les images satellite ci-dessous, prises par ImageSat International (ISI) [3], montrent le site de lancement de Semnan. La première image, prise le 17 janvier, montre le site de lancement et la rampe de lancement inactive ; elle montre aussi, au sol, l’emblème de l’Agence spatiale iranienne (ISA) et celui de la fusée-porteuse de missiles Simorgh (“Phoenix”) utilisée pour lancer des satellites. La seconde image, prise le 3 février, montre la rampe de lancement prête au lancement et de nombreux véhicules sur le site de lancement.
De gauche à droite : Image 1 : Site de lancement à Semnan montrant la rampe de lancement inactive, avec les emblèmes, prise le 17 janvier 2017 ; Image 2 : site de lancement montrant la rampe de lancement prête au lancement et des véhicules entourant le site, prise le 3 février 2017.
Les images 3 et 4 ci-dessous, prises également le 3 février, montrent l’installation d’assemblage lors d’une visite d’un VIP avant le lancement. Le véhicule du VIP, et beaucoup d’autres, y compris des jeeps de l’escouade motorisée du VIP, sont visibles.
De gauche à droite : Images 3 et 4, montrant l’installation d’assemblage pendant la visite du VIP ; prise le 3 février 2017.
L’mage 5, prise deux jours plus tard, montre que le site de lancement est de nouveau inactif.
Image 5 – Site de lancement de nouveau inactif, prise le 3 février 2017.
Le jour suivant l’annulation du lancement de missile, le 4 février, le commandant de la force aérospatiale du CGRI, Amir Ali Hajizadeh a déclaré : “L’Amérique cherche des excuses concernant nos essais de missiles, parce que l’ennemi a pour objectif de [porter atteinte à] notre sécurité. L’ennemi s’occupe de questions comme celle de nos capacités et de notre science nucléaires, de la capacité de nos missiles, etc. Ce sont toutes de simples excuses [pour justifier] leur hostilité envers le régime islamique et la nation iranienne”.[4]
Un autre signe de la retenue de l’Iran a été donné par les déclarations faites le 9 février 2017 par le ministre de la Défense Hossein Dehghan. A la veille du Jour de la Révolution iranien, il a évoqué les “nouveaux arguments de certains éléments et médias américains concernant un nouvel essai de missile par l’Iran. Ces fausses affirmations”, a-t-il ajouté, “sont un moyen pour créer un ennemi et [susciter] l’iranophobie. Cela est planifié par le régime sioniste, qui pour à l’hostilité [à notre égard] tout en diffusant des mensonges.
Tout d’abord, c’est une affirmation fausse, et rien de similaire [au lancement d’un missile] ne s’est produit. Deuxièmement, même si un tel essai avait été réalisé, cela n’a absolument rien à voir avec eux. Et troisièmement, le programme de missiles de l’Iran est un programme standard, et les essais de missiles font partie de ces projets, qui sont établis à l’avance ; ces essais sont menés afin de maintenir la Défense du pays en état de réagir”.[5] (…)