Après l’entrée en fonction du président américain Donald Trump, des éditorialistes saoudiens ont commenté la passation de pouvoir en douceur qui a eu lieu aux Etats-Unis, en dépit des grandes différences d’opinion entre les deux présidents, conformément à la Constitution et à la tradition démocratique américaine. Les journalistes se sont interrogés pourquoi les pays asiatiques et africains ne pourraient adopter la même pratique, au lieu de conserver des régimes dictatoriaux qui se prétendent démocratiques. Ainsi, l’éditorialiste Hatoun Al-Fasi a mentionné la Gambie, où le président a récemment refusé de laisser la place au vainqueur des élections présidentielles. Elle s’est demandé s’il existait un défaut interne empêchant de tels pays d’être démocratiques, laissant entendre que c’était peu probable, au vu du fait qu’Obama lui-même est d’origine africaine.
L’éditorialiste Hamoud Abou Taleb : Les pays arriérés se disent démocratiques, mais n’appliquent la démocratie que sur le papier
Dans un article publié par le quotidien Okaz, l’éditorialiste Hamoud Abou Taleb a salué la passation de pouvoir en douceur aux Etats-Unis, écrivant : « Le 20 janvier est la date d’investiture des présidents américains, et aucun officiel, parti ou administration, peu importe leur identité, ne peut la retarder. L’investiture se déroule calmement et en douceur, suivant une tradition qui reflète des valeurs bien ancrées dans la vie politique [américaine]. Nous voyons le président sortant remettre les rênes du pouvoir de son plein gré et de bonne foi, car il incarne ces valeurs, y croit et les applique. Nous voyons les anciens présidents assister à l’événement, pour montrer qu’ils le saluent et sont fiers de la démocratie pratiquée par leur régime. Nous voyons et comprenons ici la mise en pratique du concept de passation ordonnée de pouvoir. [En outre], tandis que cet événement historique se déroule, la vie suit son cours normal à travers les Etats-Unis. Il n’y a aucun état d’urgence, aucune perturbation du commerce ou des services publics, et le pays ne se transforme pas en [sorte de] camp militaire. C’est ainsi que la passation de pouvoir se déroule dans des pays qui respectent leur constitution et leurs lois, appliquent la démocratie et la mettent en pratique dignement.
« La vraie blague est ce qui se passe dans les pays arriérés qui prétendent avoir une constitution et assurent [permettre] une participation politique par le biais de partis bénéficiant de droits égaux. [Soi-disant, ces partis] représentent le peuple et prennent part à des élections libres et équitables, qui débouchent sur l’arrivée au pouvoir d’un candidat pour un laps de temps spécifié. Mais ce qui se passe en pratique mine tous ces principes, qui n’existent que sur le papier, et la conséquence est un parti unique – le parti au pouvoir – et un dirigeant unique qui est réélu [à plusieurs reprises] dans des élections officielles simulées, puis reste en fonction jusqu’à ce qu’il décède, soit assassiné ou emprisonné. [Les dirigeants mènent] des coups d’état et des assassinats, sèment le chaos, détruisent le pays, oppriment le peuple et répandent le sang simplement pour garder le pouvoir. Et pourtant, les politiciens répètent sans la moindre honte leur [engagement envers] la démocratie et la passation du pouvoir en douceur. » [1]
L’universitaire Hatoun Al-Fasi : Pourquoi les Etats-Unis n’ont-ils pas réussi à nous transmettre leur démocratie ?
Hatoun Al-Fasi, professeure saoudienne à l’université du Qatar qui écrit dans le quotidien saoudien Al-Riyadh, a également commenté l’investiture du nouveau président américain et s’est demandé pourquoi les pays asiatiques et africains étaient incapables d’adopter le modèle démocratique. Elle a écrit : « Le 20 janvier 2017 était une date spéciale pour le monde, qui a suivi de près l’investiture du 45e président américain, un président qui avait suscité des inquiétudes dans le monde dès le moment où il a lancé sa campagne électorale et jusqu’à son assermentation. Malgré cela, il n’y a pas eu un seul média dans le monde qui n’a pas couvert [l’investiture] du président américain Donald Trump et n’a consacré des heures et des heures à la suivre, la commenter, l’expliquer et détailler chaque étape de la cérémonie traditionnelle américaine d’investiture… »
Hatoun Al-Fasi (Photo : alriyadh.com)
« Mais pourquoi nous intéresser à ce qui se déroule là-bas, dans ce continent situé à des milliers de kilomètres ? Peut-être parce qu’il nous donne matière à réflexion. Oui, matière à réflexion sur la procédure exacte de la passation de pouvoir d’un président à l’autre. [Cela commence par] une cérémonie de départ de son prédécesseur… qui dure environ une heure. Ensuite, le nouveau président prête serment… et prend congé de son prédécesseur… [tandis que ce dernier] redevient un citoyen américain ordinaire, qui porte le titre d’‘ancien président’ mais ne conserve plus aucun de ses pouvoirs [présidentiels]. [Ces pouvoirs] sont transférés en douceur au nouveau président, qui n’est pas nécessairement d’accord avec [son prédécesseur] sur quoi que ce soit ou ne le respecte pas forcément, mais cela n’a aucune importance. La seule chose que [l’ancien président] respecte est la Constitution et la tradition démocratique (…). »
« Cette tradition ne laisse pas d’étonner notre peuple dans cette partie du monde, et de nous interpeller quotidiennement : pourquoi, et comment cela se fait-il, que les Etats-Unis n’aient pas réussi à nous transmettre leur démocratie ? Pourquoi, lorsque [la démocratie] nous touche, l’image est inversée ? Y a-t-il un défaut dans ce que [les Américains] nous transmettent, ou bien le défaut est-il en nous ? La question que nous devons poser est : qui sont les Américains ? Ne sont-ils pas des gens venus du monde entier ? Et qui est l’ancien président Barack Obama, sinon l’un de nous, le fils d’un immigrant musulman venu d’Afrique ? [C’est la même Afrique] où, le 19 janvier, la veille de l’investiture de Trump, il y a eu une tentative d’investir le [nouveau] président de Gambie, qui avait remporté l’élection présidentielle de façon juste et honnête. Mais l’ancien président a refusé de devenir un ‘ancien’ [président], a simplement changé d’avis et rejeté les résultats des élections. Le président élu n’a pas eu d’autre choix que de rejoindre le Sénégal pour prêter serment à l’ambassade de Gambie là-bas. C’est un phénomène étonnant qui soulève des questions sans réponse. » [2]
Notes :
[1] Okaz (Arabie saoudite), 22 janvier 2017.
[2] Al-Riyadh (Arabie saoudite), 22 janvier 2017.