Par : E. Ezrahi *
Le 28 octobre 2016, le quotidien officiel saoudien Makkah a indiqué que le ministère saoudien de l’Education envisageait de lancer un projet éducatif intitulé « Immunisation » dans les écoles, visant à « immuniser » les écoliers contre les courants intellectuels qui, selon le ministère, menacent la « sécurité idéologique » des enfants. Au sommet de la liste des menaces, on trouve l’occidentalisation, l’athéisme, le libéralisme et la laïcité, et seulement après viennent des menaces comme l’extrémisme takfiri de l’Etat islamique (EI) et Al-Qaïda.
La nouvelle du projet a suscité une série de réactions, tant dans la presse saoudienne que sur Twitter, de la part des médias et des citoyens, protestant contre la perception du ministère selon laquelle la pensée libérale est plus dangereuse que la pensée islamiste extrémiste et violente. Toutefois, de nombreux Saoudiens ont posté des tweets reprenant le hashtag « Le libéralisme est un groupe dangereux » pour dénoncer le libéralisme et ses représentants dans le pays [2].
Projet Immunisation du ministère de l’Éducation saoudien
Comme souligné, le projet « Immunisation » du ministère vise à protéger les écoliers saoudiens de ce que le ministère définit comme les dangers de la pensée plurielle. Dans son article du 28 octobre sur le projet, intitulé « Le ministère de l’Éducation immunise ses élèves contre le libéralisme et la laïcité », Makkah indique que cette « immunisation » se fera par « l’inculcation des valeurs nationales, la lutte contre les idéologies extrémistes et les principes destructeurs, le dépistage précoce et le traitement de tous les comportements extrémistes parmi les étudiants ». Les écoles également, dans le cadre du projet, formeront des « unités de sensibilisation » dans lesquelles des employés du ministère se chargeront de mener à bien les objectifs du projet.
L’article énumère « les courants qui menacent la sécurité nationale : a) les écoles de pensée intellectuelles contemporaines – l’occidentalisation, l’athéisme, le libéralisme et la laïcité b) les flux takfiris extrémistes c) les courants partisans et communautaires et les fomentateurs du schisme et du conflit. » [3]
Notons qu’en mars 2015, le ministère de l’Éducation avait lancé un projet intitulé « Fatin (‘être intelligent’), projet national pour protéger les écoliers et les écolières d’un comportement déviant ». De hauts responsables du ministère avaient souligné que l’objectif était « d’offrir aux écoliers et aux écolières une immunisation spirituelle et de les protéger des drogues, des comportements dangereux et des idées déviantes, en renforçant les valeurs religieuses, sociales et morales au moyen de programmes de formation, ateliers, etc. » En outre, le projet devait présenter un rempart contre les « menaces sécuritaires, sociales, culturelles, sanitaires et économiques » [4]. Pour ce projet-ci, le ministère n’avait pas mentionné de menaces idéologiques, mais avait fait allusion à l’Etat islamique, contrairement au projet « Immunisation ».
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* E. Ezrahi est chargé de recherche à MEMRI