Dans un article paru dans le quotidien Okaz le 10 octobre 2016, le journaliste et auteur saoudien Khalaf Al-Harbi a appelé le gouvernement saoudien à lever l’interdiction de conduire pour les femmes. Selon lui, ce n’est pas un péché pour les femmes de conduire, mais un droit naturel et normal, et cette interdiction empêche l’Arabie saoudite d’entrer dans la modernité.
Harbi a mentionné la décision « courageuse » prise par le gouvernement en avril, visant à redéfinir le fonctionnement et les compétences de la Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice [la police religieuse]. [1] Cette mesure, a-t-il expliqué, a mis fin aux violations des droits de l’Homme par la police religieuse et aux critiques publiques visant cet organisme en Arabie saoudite et dans le monde entier. Evoquant le succès de cette mesure, il a appelé le gouvernement à adopter des réformes similaires sur l’interdiction de conduire et à autoriser les femmes à conduire, mettant fin à la situation « illogique » qui sépare l’Arabie saoudite du reste du monde. Extraits : [2]
Suffisamment de temps a passé pour évaluer [l’efficacité] de la décision de réguler le fonctionnement de la Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice et déterminer que les résultats de cette décision historique aient été positifs sur la plupart des sujets, car les incidents malheureux [survenus depuis cette décision] qui ont préoccupé l’opinion publique et dont les échos honteux sont parvenus dans les médias internationaux ont presque totalement cessé. En outre, les tensions sociales engendrées par ces multiples incidents se sont tues. La coopération entre la Commission et le personnel de sécurité a été fructueuse, permettant [aux autorités] d’assurer l’ordre public sans incidents susceptibles de porter atteinte à la dignité humaine. Tout s’est déroulé normalement, et grâce à Allah, nous n’avons témoigné d’aucun effroyable événement anticipé par les opposants [à cette décision].
Cette décision importante et courageuse a instantanément permis de briser la barrière imaginaire qui nous empêchait de devenir une société moderne normale, à l’instar de toutes les sociétés du monde actuel. Ceux qui bénéficiaient de [l’existence de cette] barrière imaginaire ont exercé des pressions psychologiques sur la population, en prétendant que même le fait de s’approcher [de cette barrière] éloignerait la société des directives de l’islam, comme si l’islam était opposé au développement, à la planification et à la protection des droits de l’Homme.

Aujourd’hui, l’Etat a besoin d’une décision gouvernementale similaire autorisant les femmes à conduire des voitures, car cela aussi est une barrière imaginaire qui sépare notre société de toutes les autres sociétés humaines. [Cette barrière] impose une réalité illogique qui était et demeure l’une des raisons pour laquelle la société saoudienne se préoccupe de questions subalternes, dont elle débat sans fin. En outre, nous vivons aujourd’hui dans une situation économique très différente de celle [que nous avons connue dans le passé et que nous] utilisions pour couvrir nos fautes, connues de tous. J’ignore comment il est possible que notre [besoin de] nous développer nous oblige à encourager les femmes à exercer des métiers simples, tout en les contraignant à employer un chauffeur étranger pour les conduire sur leur lieu de travail. Avez-vous déjà vu une femme qui travaille employer un chauffeur à qui elle reverse la moitié de son salaire ?
Lorsque nous hésitons à prendre une décision qui éliminerait l’une des barrières imaginaires séparant notre société du monde moderne, nous défendons surtout une situation illogique, car tant le gouvernement que les citoyens, hommes et femmes, paient le prix de cette hésitation de différentes manières. Je ne pense pas que nous puissions avancer vers la Vision 2030[3] tant que nous nous restreignons par des entraves dénuées de sens et n’ayant rien à voir avec la religion. Nous autres [Saoudiens], et plus encore notre gouvernement, ne pouvons affirmer que le fait de priver les femmes du droit naturel de conduire soit une attitude normale. [Certainement], nous pouvons imaginer d’innombrables problèmes [susceptibles d’être générés par l’autorisation de conduire des femmes], tout comme nous avions imaginé des problèmes avant de réformer [la police religieuse], mais nous ne pouvons affirmer qu’une femme au volant d’une voiture est un péché. Quand cette décision sera-t-elle finalement adoptée et quand l’Etat et la société se débarrasseront-ils de cette énorme idée fausse ?
Lien vers l’article en anglais
Notes :
[1] Le 11 avril 2016, le Conseil des ministres saoudien a adopté une nouvelle réglementation limitant les compétences de la Commission pour la promotion de la vertu et la prévention du vice. Les principaux éléments étaient que la commission ne sera plus compétente pour procéder à des arrestations, des enquêtes criminelles, des surveillances et des interrogatoires, mais seulement pour faire état de soupçons à la police ou à l’Autorité de lutte antidrogue. Ses officiers opéreront uniquement dans le cadre d’horaires spécifiques et porteront des badges d’identification. Pour plus de détails sur les mesures prises par le gouvernement dans ce contexte, voir alarabiya.net, 12 avril 2016.
[2] Okaz (Arabie saoudite), 10 octobre 2016.
[3] Plan saoudien exposant les mesures économiques pour la survie du Royaume à long terme. Voir english.alarabiya.net, 26 avril 2016.