Par Yigal Carmon*
Il y a vingt-trois ans, sur la pelouse de la Maison blanche, les Accords d’Oslo étaient signés. Tant Israël que les Etats-Unis supposaient que l’OLP représentait la seule et unique possibilité de paix avec le peuple palestinien. De fait, c’était bien la situation à l’époque. Toutefois, cette situation était la conséquence des politiques menées par toutes les parties concernées – les Etats-Unis, Israël et, à sa manière, l’OLP, qui avait systématiquement éliminé ses adversaires. Quinze ans plus tôt, un mouvement palestinien qui voulait parvenir à la paix avec Israël avait vu le jour dans les territoires palestiniens, en opposition à l’OLP. Il a échoué. Bien que 38 années se soient écoulées depuis cet échec, l’OLP et ses partisans en Occident sont toujours hantés par ce mouvement. J’ai été personnellement impliqué dans cette tentative et l’ai suivie en tant que témoin de premier plan. Voici l’histoire des Ligues de villages.
En août 1978, Mustafa Dodin et un groupe d’activistes palestiniens ont soumis une requête à l’administration militaire en Cisjordanie, pour créer une ligue de villages dans la région de Hébron. Dodin, ancien ministre jordanien, était une personnalité importante dans la région ; il était connu pour son opposition à l’OLP et pour ses liens avec le gouvernement jordanien, en particulier avec le cercle de Wasfi Al-Tal, qui avait été Premier ministre de Jordanie.[1] Etant revenu de Jordanie pour retrouver son village natal de Dura, près de Hébron, Dodin voulait créer un mouvement politique qui s’efforcerait de parvenir à un accord avec Israël. Toutefois, l’administration israélienne refusait d’autoriser une quelconque activité politique dans les territoires occupés, même lorsque l’objectif était de négocier un traité de paix avec Israël. Dodin a donc été contraint de soumettre une nouvelle requête pour créer un organe social et administratif, comme l’autorisait la loi jordanienne (qui était restée en vigueur dans les territoires occupés sous administration militaire israélienne), à savoir une ligue de village. Cette requête est également restée sans réponse pendant un an et demi, jusqu’à son approbation définitive en août 1978.
L’objection à toute activité politique résultait de ce qu’on appelait alors la “doctrine Dayan”, appliquée depuis l’été 1967. Cette politique n’a jamais été formulée méthodiquement par Dayan lui-même, mais découlait de principes généraux, de lignes directrices et de directives ad hoc qu’il transmettait à ses subordonnés. Ceux-ci incluaient l’interdiction de toute activité politique, ainsi que l’instruction de ne pas accorder de traitement préférentiel aux éléments modérés. Cela s’appliquait également aux partisans de la Jordanie et à une poignée d’individus qui luttaient pour l’autonomie palestinienne sous l’égide d’Israël, dont le représentant le plus notoire était l’avocat bien connu de Ramallah Aziz Shehadeh.[2] Dans les faits toutefois, la mise en oeuvre de cette politique est allée encore plus loin : les partisans extrémistes de l’OLP étaient traités avec sympathie par les autorités israéliennes, tandis que des journaux extrémistes comme Al-Fajr et Al-Shaab recevaient des autorisations sur l’instruction directe du ministre de la Défense Moshe Dayan. L’explication officielle est qu’Israël ne devait pas entraver la conduite publique et la liberté d’expression des résidents des territoires, tant qu’ils s’abstenaient de toute activité terroriste.
La « doctrine Dayan » et la création des ligues de villages
L’autorisation accordée à l’ancien ministre du gouvernement jordanien Mustafa Dodin et à ses partisans, qui avaient déclaré ouvertement leur objectif de parvenir à un traité de paix négocié avec Israël, constituait par conséquent une déviation brutale des principes de la doctrine Dayan. Cette bifurcation résultait de la lutte prolongée menée par le bureau du Conseiller aux Affaires arabes du quartier général de Cisjordanie, qui était dirigé par le professeur Menahem Milson. Mais même après que cette autorisation eut été donnée, les membres des ligues des villages ont dû faire face à l’opposition de la quasi-totalité des organes impliqués – directement ou indirectement – dans les affaires de Cisjordanie, des représentants de l’administration militaire jusqu’aux journalistes locaux et étrangers.
Pourquoi une telle opposition à une politique qui était apparemment tant nécessaire que souhaitable ? La réponse est que la doctrine Dayan était considérée comme une réussite et bénéficiait du soutien de la plupart de ces organes. Jamais clairement formulée, la doctrine Dayan présentait plusieurs volets, comme la politique des ponts ouverts, la tenue d’élections locales, une gouvernance éclairée et une attitude libérale à tous les niveaux incluant une liberté maximale sur le plan public.
Cette attitude allait jusqu’à donner l’impression que la doctrine Dayan visait à établir un condominium jordano-israélien dans la région. Au niveau politique, toutefois, l’objectif était juste le contraire : Dayan voulait restreindre les prétentions politiques jordaniennes dans les territoires, en partie au moins, en affaiblissant le statut des partisans de la Jordanie sur le terrain.[3]
Malgré les intentions de la politique de Dayan, les cercles journalistiques et politiques libéraux la soutenaient pour diverses raisons : certains parce qu’ils n’appréciaient pas le régime monarchique et autocratique jordanien et d’autres parce qu’ils étaient favorable à une autonomie palestinienne. Une partie de la droite israélienne soutenait aussi la politique de Dayan, en raison de son orientation anti-jordanienne, conforme à celle des partisans du “Grand Israël”.
Tant que les territoires restaient calmes au niveau politique et sécuritaire, la doctrine Dayan apparaissait comme une réussite, et de fait, le calme prolongé était attribué de manière erronée à cette politique, plutôt qu’à la présence d’éléments palestiniens modérés, à qui était du en réalité le maintien du calme. Toutefois, au lendemain de la décision du Sommet arabe d’octobre 1974, reconnaissant l’OLP comme seul représentant légitime du peuple palestinien, l’OLP se renforça dans les territoires, et le sentiment anti-israélien aussi. La violence augmenta encore lorsque le ministre de la Défense Shimon Pérès, qui avait remplacé Dayan tout en poursuivant sa politique, ordonna que des élections municipales se tiennent dans les territoires.
Deux ans s’étaient écoulés depuis que la résolution [du sommet arabe] de Rabat eut reconnu l’OLP comme seul représentant légitime du peuple palestinien, et depuis la reconnaissance de cette organisation par l’Assemblée générale des Nations unies. Mais l’administration militaire israélienne, ainsi que de nombreux membres des cercles politiques israéliens, ignoraient totalement la signification de ces événements historiques et continuait d’adhérer à la doctrine Dayan. Aussi, lorsque des émeutes ont éclaté dans les territoires occupés en 1975, ces personnes n’ont pas voulu y voir la conséquence de l’érosion du statut public de la faction pro-jordanienne et des autres éléments modérés, et la conséquence de la politique de l’administration militaire israélienne, qui avait délibérément porté atteinte au statut des éléments pro-jordaniens, tout en laissant la liberté d’action à la faction anti-jordanienne, c’est-à-dire à l’OLP. Ils avaient cru que les élections de 1976 déboucheraient sur un résultat différent et lorsque, contrairement à leurs attentes, les candidats de l’OLP ont été élus, ils ont essayé par tous les moyens de les considérer sous un jour positif : ”Ce ne sont que des fonctionnaires qui nettoieront les rues et développeront les villes, parce qu’ils ont été élus pour cela – ils ne feront pas de politique”. Mais les espoirs des auteurs de ces prévisions optimistes ont rapidement été déçus, car la première décision du maire soi-disant pragmatique de Hébron n’a pas été le nettoyage des rues, mais le rejet des primes gouvernementales offertes à sa municipalité, car il souhaitait éviter de devoir signer un contrat avec les autorités israéliennes, conformément à la formule en vigueur depuis 1967. Très vite, les maires pro-OLP se sont unis dans leur opposition à l’application de la TVA dans les territoires, question purement financière qui découlait de l’introduction de la TVA en Israël, qu’ils ont exploitée pour les besoins de leur propagande anti-israélienne. Les directeurs des chambres de commerce, toutefois, qui étaient connus pour être pro-jordaniens, ont adopté une position pragmatique et mené des négociations pratiques sur la mis en oeuvre de la TVA.
Il convient de souligner ici que la conséquence cumulée de la mise en oeuvre de la doctrine Dayan au fil des ans a été la radicalisation de la population dans la direction de l’OLP et de ses objectifs. Néanmoins, l’administration militaire et ses officiers supérieurs ont continué d’agir conformément à l’esprit de la doctrine Dayan, qui était toujours en vigueur dans les bureaux du Coordinateur des activités dans les territoires et de l’Administration militaire, même après que Dayan eut été contraint de démissionner et été remplacé par Shimon Pérès. Un changement significatif d’approche politique n’est intervenu qu’à l’été 1976, lorsque le professeur Menahem Milson est entré en fonction comme conseiller aux Affaires arabes pour la Cisjordanie. Dès lors, la doctrine Dayan cessa d’être sacralisée et une nouvelle approche put voir le jour.
En novembre 1976, j’ai rejoint le Département des Affaires arabes en tant qu’adjoint du professeur Milson. Nos activités contredisaient la doctrine Dayan dans la pratique, à tous les niveaux. Il convient d’observer toutefois que nous n’avons rien fait dans la clandestinité, ni dérogé à la discipline militaire. A la différence des politiques de Dayan, qui minaient tacitement la politique officielle du gouvernement, nous avons agi conformément aux principes fondamentaux du gouvernement israélien : à savoir que, la Jordanie étant considérée comme une entité non-hostile, nous nous sommes efforcés d’en faire un partenaire de dialogue politique, en dépit des résolutions de Rabat, et les éléments pro-jordaniens étaient désormais soutenus, et non plus écartés.
Notre point de départ était en porte-à-faux avec la doctrine Dayan. Dayan s’était efforcé de préserver le contrôle des territoires par Israël, tout en espérant que la Jordanie allait s’effondrer en conséquence du conflit intérieur de 1970 avec les organisations terroristes, et apporter ainsi une solution au problème national palestinien. Ses discours de l’époque apportent la preuve qu’il ne croyait pas en la possibilité de la paix entre Israël et les Palestiniens. Nous ne partagions toutefois pas cette vision pessimiste et fataliste d’une lutte perpétuelle et inévitable. Même si nous étions extrêmement conscients de la profondeur et de la gravité du conflit et de ses racines historiques, notre connaissance des événements sur le terrain nous donnait des raisons de croire en la possibilité d’une politique judicieuse orientée vers la paix, en renforçant les éléments modérés qui comprenaient que le terrorisme mettait en danger les Palestiniens, et qui étaient intéressés à promouvoir la paix. Tout en étant bien conscients du fait que ces éléments n’étaient pas majoritaires et que les positions qu’ils adoptaient n’étaient pas représentatives de l’élite urbaine, qui avait pendant des années constitué le secteur moteur de la société palestinienne, nous savions aussi que la majorité de la population non-urbaine – la majorité silencieuse – était préparée à accepter cette approche si elle était assurée d’un engagement israélien manifesté tant sur le plan politique que par les actions sur le terrain.
Avec l’approbation du ministre de la Défense, sept ligues de villages ont été créées en Cisjordanie, d’abord à Hébron, plus tard à Ramallah et Bethléem, et enfin dans les districts Nord de Naplouse, Djénine et Tulkarem.
Le fait qu’elles aient pu être fondées en dépit de l’opposition massive des dirigeants israéliens et arabes palestiniens montre que nous avions évalué correctement la situation. Nous considérions l’encouragement des modérés favorables à la paix et opposés à la violence de l’OLP comme un principe d’importance morale et politique. Nous ne pouvions pas être certains qu’il conduirait à la paix, mais nous étions certains que la paix avec l’OLP était impossible, car l’organisation incarnait le problème des réfugiés de 1948 et la demande du droit au retour. Nous avions raison sur ce point aussi : l’exigence du droit au retour de l’OLP avait empêché tous les progrès vers un accord de paix, même lorsqu’Israël avait proposé quatre-vingt-dix-sept pour cent des territoires occupés (lorsqu’Ehoud Barak était Premier ministre) ou cent pour cent, avec un échange de territoires (pendant le mandat d’Ehoud Olmert).
Nous ne considérions pas notre combat politique contre l’OLP comme pouvant être résolu de manière décisive en une seule fois ; nous y voyions plutôt une campagne prolongée qui pouvait être gagnée sur des points précis. Nous étions convaincus qu’Israël avait plus intérêt à traiter avec les Palestiniens qui étaient opposés au terrorisme et souhaitaient parvenir à des négociations de paix, qu’avec une organisation dont l’essence même était la lutte armée et le retour [des Palestiniens] en Israël, à l’intérieur de la Ligne verte. Ce principe stratégique, que nous considérions comme naturel et justifié même s’il n’amenait pas la paix, n’était pas acceptable pour les hommes politiques israéliens de gauche comme de droite. Chacun s’accrochait à sa politique : la droite rejetait le dialogue avec les Arabes modérés en raison de sa crainte que de telles négociations conduiraient à un compromis territorial, tandis que la gauche refusait de renoncer à sa croyance et à son espoir que l’OLP se transformerait en un partenaire de paix. Notre création réussie de ligues de villages dans toute la Cisjordanie n’a pas fait long feu, parce que nous étions à contre-courant du consensus politique qui n’était pas seulement international et panarabe, mais aussi, malheureusement, israélien.
L’autorisation de l’activité des ligues de villages résulta, comme indiqué, d’une lutte prolongée et déterminée de plusieurs mois menée sans relâche, contre l’avis du conseiller juridique de l’état major en Cisjordanie, contre le département du droit international du ministère de la Défense et, bien entendu, contre le bureau du ministre de la Défense et celui du Coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires. Afin de promouvoir l’idée des ligues de villages au sein du cabinet du ministre de la Défense, Menahem Milson accepta la proposition du ministre de la Défense du gouvernement du Likoud, Ezer Weizmann, d’occuper le poste de conseiller aux Affaires arabes du bureau du coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires. Milson a inauguré ce poste en janvier 1978 et a fini par réussir à convaincre Weizmann, qui était alors ministre de la Défense, d’accepter à contre-coeur la création des ligues de villages. Le bureau du coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires, qui représentait la doctrine Dayan, n’était pas le seul organisme impliqué dans la controverse sur l’approbation des ligues de villages, vu que de nombreux autres représentants de l’establishment sécuritaire avaient aussi adopté cette politique qu’ils considéraient comme “le sommet de la sagesse politique. »[4] Le général de brigade David Hagoel, commandant des forces israéliennes en Cisjordanie, soutenait pour sa part les ligues de villages et nous a permis de lutter en leur faveur, mais il a été remplacé au printemps 1978 par le général de brigade Ben Eliezer, dont l’attitude envers cette initiative oscillait entre l’indifférence et l’hostilité. Quelques mois plus tard, à la fin septembre, Menahem Milson arrivait à terme de ses fonctions de conseiller aux affaires arabes du coordinateur des activités israéliennes dans les Territoires et reprenait son poste à l’université hébraïque, me laissant poursuivre seul le combat. Bien qu’épaulé par des assistants remarquables – des officiers maîtrisant parfaitement l’arabe et ayant une connaissance approfondie des études moyen-orientales, qui remplissaient leur tâche avec diligence et dévouement, partageant mon approche – je n’avais aucun allié au sein du cabinet du ministre de la Défense, pour soutenir notre initiative.
Les adversaires des ligues des villages et leurs motivations
Comme cela était prévisible, notre combat ne nous a pas permis d’obtenir l’autorisation du ministre de la Défense. Au lieu de cela, il s’est durci, car tous ceux qui y étaient opposés et qui avaient prédit, sur le fondement de leur prétendue expertise, que l’initiative échouerait, se battaient maintenant de toutes leurs forces pour faire en sorte que leur prédiction s’avère exacte. Parmi nos adversaires les plus notoires se trouvaient des journalistes spécialistes des territoires occupés, et des personnalités de gauche ; certains officiers de l’administration militaire ; des membres de l’armée, et notamment le général de division Moshe Levi de l’état-major général et son successeur Ori Or ; la presse étrangère ; les consuls, en particulier celui des Etats-Unis à Jérusalem-Est ; la Jordanie ; l’OLP ; les colons.
Pourquoi tous ces groupes étaient-ils opposés à une initiative qui avait été approuvée par le ministre de la Défense et qui aurait dû sembler naturelle et justifiée à tous points de vue, tant moral que politique ?
La majorité écrasante des journalistes rendant compte des événements dans les Territoires avaient des opinions politiques bien définies et considéraient l’OLP comme le représentant légitime des Palestiniens. Ils soutenaient que, même si les positions affichées par l’OLP étaient radicales, ses positions réelles étaient modérées, ou du moins elles le deviendraient. La plupart de ces journalistes connaissaient personnellement des partisans de l’OLP dans les territoires, qui leur économisaient du temps et des efforts en leur fournissant régulièrement – de manière évidemment sélective – des informations sur tout ce qui se passait sur le terrain. Mais cette volonté de personnalités palestiniennes pro-OLP de fournir des informations avait un prix, car les journalistes devaient rendre la pareille en publiant des comptes-rendus favorables [à l’OLP]. Ces journalistes étant dans tous les cas fatigués, au point de parfois abhorrer la Jordanie et ses partisans, ils n’avaient aucune difficulté à faire publier des articles favorables aux personnalités pro-OLP comme Fah Qawasmé (maire de Hébron), Mohammed Milhem (maire de Halhul) et leurs pairs. Pour certains journalistes israéliens, le fait d’encourager les relations avec des personnalités palestiniennes radicales dans le contexte de la doctrine Dayan était aussi un moyen de se présenter dans les médias étrangers comme éclairés et progressistes. En bref, leur ligne n’était pas professionnelle et était en revanche clairement orientée.
Les milieux politiques de gauche en Israël considéraient les Palestiniens modérés comme des Quisling [5] et qualifiaient les partisans de l’OLP de “personnalités nationales” et de “dirigeants authentiques”. Aussi, leur opposition aux activités des ligues de villages était à la fois d’ordre politique et sentimental.
Les membres du personnel civil de l’administration militaire, au crédit desquels il faut porter la gestion quotidienne de la vie dans les Territoires pendant des années et qui étaient, dans leur immense majorité, des fonctionnaires consciencieux, étaient opposés aux activités des ligues de villages du fait de leur volonté de conserver leurs postes et leur statut, ce qui les rendait très réticents à l’idée de transférer une partie de leurs responsabilités à la population locale. Parfois, leur comportement en devenait pathétique, à tel point que nous avions l’habitude de dire en plaisantant que certains d’eux préféreraient peut-être conserver leurs postes sous domination palestinienne plutôt que de perdre leur emploi. Cette situation était très différente de celle des mois qui avaient suivi la guerre des Six Jours, quand ces postes étaient occupés par des officiers d’état major gradés (des “ministres” travaillant en coopération avec le commandant régional et s’occupant des questions civiles) qui avaient occupé des postes haut-placés dans les ministères concernés avant d’être délégués à ces fonctions nouvellement créées au lendemain de la guerre des Six Jours. Douze ans plus tard, ces mêmes postes étaient occupés par des fonctionnaires israéliens de niveau intermédiaire qui avaient été délégués par leurs ministères dans cet “exil” où ils avaient obtenu d’un coup le statut de “ministres” – position qu’ils étaient bien entendu réticents à abandonner en transférant leurs responsabilités à la population locale.
Certains des généraux qui avaient dirigé le commandement central de l’armée étaient également offusqués par notre activité. Leur indignation était avant tout personnelle, car nous les avions privés de leur statut de dirigeants tout puissants dans les territoires occupés et de représentants du Commandement central aux échelons les plus élevés du gouvernement – à savoir, le ministère de la Défense et parfois aussi le cabinet du Premier ministre – statut qui signifiait beaucoup pour eux. La situation était telle du fait que, jusqu’en 1981, les territoires se trouvaient sous contrôle de l’administration militaire subordonnée aux autorités militaires, et en premier lieu au Commandement central de l’armée. Les généraux s’efforçaient de s’exonérer de toute responsabilité concernant nos activités, qui attiraient les critiques des médias et des éléments de gauche ; ces officiers souhaitaient être clairs sur le fait qu’ils n’avaient rien à voir avec cette initiative et qu’ils devaient donc être exempts de toute critique. Ils sapaient nos efforts, qui empiétaient souvent sur celles de l’armée, et aidaient en général les colons, en raison notamment de leur devoir militaire de les défendre. Dans la plupart des cas, ils considéraient aussi la doctrine Dayan comme “le sommet de la sagesse politique” et arguaient que Dayan “comprenait les Arabes” mieux que le reste d’entre nous.
Il y avait une raison supplémentaire au mécontentement de l’armée face à nos activités. Lorsque le professeur Milson avait été désigné chef de l’administration civile en 1981, il avait demandé au ministre de la Défense Ariel Sharon de destituer plusieurs gouverneurs militaires que nous considérions comme inadaptés, pour des raisons diverses, et de les remplacer par un groupe d’officiers de réserve, originaires pour la plupart des kibboutz de l’Hashomer Hatzair [N.d.T. Mouvement de jeunesse de gauche]. Ces suppléants potentiels avaient les qualités suivantes : ils avaient servi dans le renseignement militaire, parlaient l’arabe et avaient effectué des études moyen-orientales ; ils comprenaient l’importance de l’idéologie politique et connaissaient les projets, les manifestations et les tracts politiques et, plus important encore, ils avaient été éduqués dans l’aspiration à la paix. Le ministre de la Défense avait immédiatement approuvé cette demande, apparemment étrange. Naturellement, il avait ses propres raisons de le faire : il avait compris tout de suite que des personnes possédant ces qualités aideraient à calmer la situation sur le terrain. Milson avait approché le vétéran du Mapam [N.d.T. Parti de gauche auquel était affilié le mouvement Hashomer Hatzair], Yaakov Hazan, car les officiers devaient obtenir une autorisation du mouvement pour devenir soldats de carrière. Hazan l’avait interrogé sur nos activités, sur leurs objectifs et sur les buts des Palestiniens modérés, qu’il souhaitait encourager. Après s’être assuré que l’objectif était de parvenir à un accord de paix avec Israël, il autorisa les officiers à s’engager. Toutefois, lorsqu’Aliza Amir, secrétaire exécutive de la Fédération du Kibboutz national, eut vent de tout cela, elle appela immédiatement le secrétaire du parti, Victor Shem-Tov, et cria : “Le vieux (c.-à-d. Hazan) est devenu fou, il veut aider Sharon” et Shem-Tov retira l’autorisation. Deux personnes seulement étaient prêtes à enfreindre le règlement du kibboutz pour nous rejoindre, mais aucun ne fut autorisé à rester avec nous pour très longtemps.
Presque tous les médias étrangers soutenaient l’OLP, qui avait alors déjà obtenu la reconnaissance internationale. Comme les journalistes israéliens locaux, ils essayaient de compenser leur ignorance de la situation et de l’arabe en maintenant des liens étroits avec des extrémistes qui leur fournissaient des informations qu’ils n’avaient eux-même pas eu de difficulté à obtenir. Les informations qui en découlaient n’étaient pas professionnelles et soutenaient inconditionnellement [l’OLP], de manière toutefois moins flagrante que dans le cas des reporters israéliens dans les territoires, car ils étaient dépourvus de cette identification émotionnelle caractérisant les journalistes israéliens. (Par exemple, lorsque les ligues des villages tinrent leur grande conférence à Hébron en novembre 1982, en présence de milliers de personnes et avec la couverture de toutes les chaînes de télévision internationales, durant laquelle les dirigeants des ligues des villages appelèrent à la paix avec Israël, le journaliste de Davar Danny Rubinstein intitula son article “Une journée triste et déprimante à Hébron”).
Les consuls étrangers, menés par le consulat des Etats-Unis, appliquaient la politique de leurs ministères des Affaires étrangères, opposés à l’occupation israélienne et soutenant l’OLP, laquelle avait obtenu la reconnaissance internationale de l’ONU. Pour autant qu’ils pouvaient, les consuls sabotaient notre politique et apportaient leur aide aux partisans extrémistes de l’OLP.
L’attitude de la Jordanie envers les ligues des villages peut être considérée sur deux périodes : au début, la Jordanie leur apporta son soutien tacite, car elle comprenait que leurs activités étaient destinées à renforcer la position de la Jordanie dans les territoires et à soutenir son statut de représentant politique des zones occupées, au mépris des résolutions de Rabat et de l’ONU de 1974.[6] Toutefois, après le 8 mars 1982, date à laquelle le commandant des Garde-frontière Zvi Bar révéla que ceux-ci fournissaient un entraînement au maniement des armes aux membres des ligues des villages pour assurer leur auto-défense,[7] la Jordanie n’eut pas d’autre choix que de déclarer officiellement que les ligues étaient illégales selon le droit jordanien. Après avoir pris cette décision, il suffit de quelques décisions administratives pour décourager les détenteurs de passeports jordaniens – c’est-à-dire tous les résidents des territoires occupés – de rejoindre les ligues des villages. La Jordanie fut obligée de prendre cette décision pour ne pas donner l’impression d’agir contre le consensus arabe qui, au lendemain de la résolution de Rabat, considérait l’OLP comme seul représentant légitime du peuple palestinien. Il convient d’observer ici qu’il n’a jamais été question de créer des milices de quelque nature que ce soit dans le cadre des ligues de villages ; un petit nombre de membres des ligues ont été armés par Tsahal après que des terroristes eurent assassiné le dirigeant de la ligue de Ramallah, et cette décision était uniquement destinée à permettre aux membres de se défendre eux-mêmes. Le chef du Commandement central de Tsahal avait refusé de laisser le personnel de l’armée fournir un entraînement au maniement des armes, problème qui fut résolu par le ministère de la Défense en contactant Tzvi Bar, proche d’Arik Sharon.
L’opposition naturelle de l’OLP aux ligues de villages s’est traduite par l’assassinat du chef de la ligue de Ramallah et, quelques années plus tard, par celui du chef de la ligue de Djénine. Pendant toute cette période, cette opposition s’est exprimée également de manière quotidienne par des menaces, par le boycott et par diverses actions destinées à paralyser les activités des ligues.
Depuis le début, les services de Sécurité intérieure (GSS) avaient émis des réserves sur la politique de soutien aux modérés et avaient parallèlement continué de soutenir des éléments hostiles. Cela s’expliquait par plusieurs raisons, notamment le désir de se conformer à la doctrine Dayan, qui refusait d’aider les modérés et préférait les extrémistes, considérés comme les “dirigeants authentiques”. De plus, le mandat du GSS étant défini comme la prévention du terrorisme et de l’espionnage, l’organisation ne considérait pas l’incitation à la haine ou les activités publiques hostiles [à Israël] comme entrant dans ses prérogatives, alors même qu’elles menaient directement à l’extrémisme et aux actes de terrorisme. Et le GSS avait encore une autre raison de s’opposer aux ligues : certaines personnalités palestiniennes hostiles, très haut placées, avaient acquis en toute duplicité la protection du GSS en échange d’informations. Je pense qu’il était difficile pour le GSS d’accepter le fait que le département des Affaires arabes fonctionne à tous égards comme un réseau de recherche et de renseignement dans un domaine si étroitement dépendant de lui, tout en diffusant ses conclusions au sein de l’échelon politique et des médias.
Les habitants juifs des territoires étaient un autre élément influent dans les territoires occupés. Leur attitude envers les ligues des villages, tout comme leur attitude envers le reste de la population locale, allait de l’indifférence à l’hostilité. Certains cercles et individus de la région de Hébron étaient particulièrement hostiles. Parmi ceux-ci se trouvait Elyakim Haetzni, personnalité bien connue en raison de son combat à l’intérieur d’Israël en tant qu’activiste de l’organisation Shurat HaMitnadvim au début des années 1950. Tout en ayant choisi de résider dans les territoires, c’était, contrairement à la plupart des colons, un Juif laïque, et il maintenait une attitude impartiale envers ses voisins arabes. En tant qu’avocat, il représentait ainsi les résidents arabes locaux dans des procédures contre les autorités israéliennes lorsqu’il pensait qu’ils avaient été traités de manière injuste, et il avait aussi de bonnes relations personnelles avec plusieurs activistes des ligues de villages. Sur le plan public et politique, toutefois, il était favorable à une annexion totale des territoires : il était totalement opposé aux activités de la Ligue et appelait les ministres de la Défense israéliens à empêcher leur développement. Il a expliqué son opposition en arguant qu’il ne craignait pas l’OLP, vu qu’Israël ne discuterait jamais avec elle. Les ligues des villages, par contre, posaient problème, et c’était Mustafa Dodin, plutôt qu’Arafat, qui faisait peur à Haetzny, car ses efforts pour parvenir à la paix risquaient d’amener Israël à se retirer des territoires pour parvenir à un accord avec lui. Plus tard, après les massacres de Sabra et Chatila, lorsque le ministre de la Défense Arik Sharon se trouva politiquement isolé et qu’il eut un besoin vital du soutien des colons, les pressions exercées par Haetzny sur Sharon pour faire cesser les activités des ligues des villages acquirent un poids significatif.
Sharon et les ligues des villages
En 1981, après la désignation d’Ariel Sharon au poste de ministre de la Défense, les ligues des villages semblaient avoir trouvé un nouveau souffle, car Sharon avait invité le professeur Milson à devenir commandant de Cisjordanie. Malgré de nombreux doutes, nous voulions espérer que le simple fait que Sharon ait choisi de désigner Milson à ce poste prouvait son intention sincère d’initier de nouvelles décisions dans les territoires. Sharon avait exprimé oralement son soutien à l’idée de ligues de villages et semblait désireux de nous aider. Ces espoirs furent cependant vite déçus. Au début, il résista aux pressions des nombreuses personnes opposées à nos activités et à nous personnellement. Au lieu de maintenir l’administration militaire dans les territoires – situation que les Palestiniens eux-mêmes avaient fini par accepter depuis 1967, car elle était justifiée par le droit international applicable aux territoires occupés – il transforma l’administration militaire en une nouvelle entité désignée comme administration civile, qui n’avait aucun fondement en droit international. Cette nouvelle structure compliqua d’emblée nos activités, en nous forçant à mener un combat inutile et superflu pour établir sa légitimité. Elle apporta aussi une bonne raison de la combattre à tous les partisans de l’OLP, cette nouvelle structure étant considérée comme une étape en vue de l’annexion des territoires.
Deuxièmement, Sharon ne tint aucune de ses promesses d’aider les ligues de villages ; il n’apporta aucune aide financière au développement des territoires, et ne mena aucune discussion – ni en tête-à-tête ni au sein de forums élargis – sur la politique globale dans la région. A notre regret, nous comprîmes que toutes ses promesses ne se traduisaient par rien de plus qu’une immense déception : il n’avait pas le moindre intérêt pour le sujet et pas la moindre intention d’y consacrer son temps ou les ressources du ministère de la Défense. En conséquence, les ligues, qui s’étaient constituées début 1981 dans une structure nationale de Fédération des ligues de villages, continuèrent de s’étioler face à leurs problèmes internes et externes sans la moindre perspective d’amélioration. Ceci malgré tous leurs efforts déployés et l’élargissement du cercle des partisans, qui pensaient que les ligues représentaient une nouvelle orientation politique et que le gouvernement israélien devait coopérer avec elles en vue de parvenir à la paix.
En septembre 1982, moins d’un an après sa désignation, Milson démissionna de son poste, au lendemain des massacres de Sabra et Chatila, et je fus désigné pour le remplacer. Ce fut le début d’un déclin inévitable, le ministre de la Défense étant entièrement préoccupé par les massacres et leurs répercussions.
Après que Sharon eut été contraint de démissionner et eut été remplacé par Moshe Arens, Shlomo Ilya fut désigné à la tête de l’administration civile. Il traita les ligues de villages avec hostilité et complota contre leurs dirigeants jusqu’à ce qu’en fin de compte, en raison également de la pression que leurs nombreux opposants exerçaient sur le nouveau ministre de la Défense, la fédération des ligues fut dissoute et les armes fournies à leurs membres pour assurer leur auto-défense furent reprises, les laissant vulnérables et à la merci du danger. Tous les opposants aux ligues célébrèrent ce qu’ils qualifièrent d’“échec”, alors que ce n’en était pas un : ni l’OLP ni les Etats arabes, ni aucun des autres éléments hostiles n’avaient été en mesure de les défaire – le gouvernement israélien seul était responsable de leur échec, n’ayant jamais même discuté de l’idée, de son importance ou de ses perspectives.
On pourrait dire que cet échec était inévitable, dès lors qu’une tentative était en cours pour initier un processus politique historique confronté à une opposition universelle. L’initiative consécutive menée par le gouvernement israélien avec l’OLP en 1993, avec le soutien total d’un consensus national et international, n’eut pas plus de succès, pour des raisons que nous avions nous-mêmes prévues et contre lesquelles nous avions émis des mises en garde.
Erreurs courantes au sujet des ligues de villages
Je voudrais saisir cette occasion pour tordre le cou à deux fausses conceptions diffusées par les adversaires des ligues de villages. La première est que la création des ligues de villages et l’aide qu’elles ont reçue faisaient partie d’un prétendue “plan Sharon-Milson”. Comme nous l’avons vu précédemment, les ligues avaient été créées trois ans avant que Sharon ne devienne ministre de la Défense, et il ne fut aucunement impliqué dans leur création : il entra en fonctions des années après qu’elles eurent vu le jour. L’expression “plan Sharon-Milson”, qui fait évidemment référence à quelque chose qui n’a jamais existé, a été inventée par plusieurs journalistes afin de discréditer les ligues, en les présentant comme une création de Sharon, et d’autres ont repris cette expression par ignorance.
La deuxième erreur est celle de prétendre que notre objectif en créant les ligues de villages consistait à semer la discorde entre les populations palestiniennes rurale et urbaine, selon la doctrine consistant à “diviser pour mieux régner”. Cet argument est lui aussi dénué de substance. Comme nous l’avons vu plus haut, la raison véritable derrière la demande de Mustafa Dodin de créer une ligue de villages était qu’il avait été empêché de créer un mouvement politique qui oeuvrerait ouvertement en faveur de négociations de paix avec Israël. Lorsqu’il vint nous voir avec sa demande en 1977, nous lui avons dit qu’il n’avait aucune chance d’obtenir une réponse positive, car le ministre de la Défense refusait d’autoriser la création de mouvements politiques, même lorsque leur objectif déclaré était de parvenir à un règlement de paix, et qu’en conséquence sa seule chance était de créer un organe administratif, avec la sanction du droit jordanien. Quelques jours plus tard, Dodin avait proposé de résoudre ce problème en créant une ligue de village. En d’autres termes, la structure de ligue de village fut imposée à Dodin et à ses partisans contre leur gré – et elle nous fut également imposée, car nous voulions aider les Palestiniens qui étaient désireux de parvenir à des négociations de paix avec Israël.
Le mouvement HaDerech LaShalom
Nous ne pouvons conclure cet article sans mentionner le fait que le consensus israélien contre les ligues de villages n’était pas total. En 1983, un mouvement soutenant les ligues se répandit au sein de la gauche israélienne. Ce mouvement, dénommé HaDerech LaShalom (« Le chemin vers la paix ») ne représentait aucun organisme officiel, mais était constitué d’activistes importants du mouvement kibboutzique appartenant à l’Hashomer Hatzair, au Ihoud Hakvoutzot (Mouvement kibboutzique unifié) et au Kibboutz Hameouhad. Des personnalités de premier plan comme Yonah Eisenberg du kibboutz Gan Shmuel, Hanoch Beeri d’Hazorea, Dudik Shoshani de Lahav, Yaakov Yonish de Beit HaShita, Ezra Dloomy de Rosh Hanikra et Shlomo Leshem de Urim en faisaient partie. Ils entrèrent en contact avec des membres des ligues, les rencontrèrent, les aidèrent et organisèrent des conférences et d’autres événements avec eux, et firent de manière générale tout leur possible pour montrer au public israélien qu’une option de paix israélo-palestinienne pouvait être trouvée à l’intérieur du pays, sans devoir chercher à l’étranger. Mais, comme en 1983 les autorités israéliennes étaient déjà engagées dans le processus de démantèlement des ligues, ils ne purent pas faire grand chose et leur soutien ne les sauva pas.
*Yigal Carmon est le Président de MEMRI. Cet article a été publié dans le magazine israélien Kivunim Hadashim, n. 29, Jerusalem, décembre 2013.
Notes:
[1] Al-Tal a été assassiné par l’OLP en 1971, en raison de son activité contre cette organisation en septembre 1970.
[2] Aziz Shehadeh a été abattu le 2 décembre 1985.
[3] La politique des ponts ouverts et l’autorisation de transférer les salaires gagnés par les enseignants et le personnel continuant de travailler dans la fonction publique en Jordanie sous les auspices de l’administration militaire israélienne étaient des aspects auxquels Dayan était obligé de se conformer, alors même qu’ils les avait initialement explicitement interdits. Les résultats des élections locales tenues conformément aux ordres de Dayan en 1972, au cours desquelles les partisans de la Jordanie conservèrent leur statut de maires et de dirigeants des conseils régionaux, n’étaient pas non plus conformes aux intentions de Dayan : il avait espéré installer des éléments anti-jordaniens à ces postes, et les avait encouragés à se présenter aux élections dans cet espoir. Dans un cas, il parvint à faire élire Karim Khalaf, qui avait été procureur dans l’administration israélienne, comme maire de Ramallah, après qu’il se fut présenté aux élections avec l’encouragement des autorités israéliennes. L’année 1967 vit l’élection de partisans réputés de l’OLP, très appréciés du ministre de la Défense, qui donna ordre à l’administration de les aider, apparemment sans faire cas de leurs positions politiques déclarées.
[4] La majeure partie du public israélien considérait Dayan comme un homme qui “comprend les Arabes”.
[5] La première personne à employer cette expression fut le général de division Shlomo Gazit, qui était un partisan infatigable de la doctrine Dayan et qui fut le premier Coordinateur des activités gouvernementales dans les Territoires.
[6] C’était la position du roi Hussein. Le Premier ministre de l’époque, Mudar Badran, s’il n’agit jamais de manière contraire aux instructions du roi, n’avait aucune sympathie envers Mustafa Dodin, auquel il s’était opposé lorsque ce dernier occupait un poste officiel au sein du gouvernement jordanien.
[7] Bar rendit publique cette information de manière déformée dans un but d’auto-glorification, sans tenir compte des conséquences de son acte.