Le ministère égyptien du Waqf, dirigé par Mohamed Mokhtar Gomaa, a récemment appelé à uniformiser les sermons du vendredi dans les mosquées financées par le ministère, et à exiger des prédicateurs de prononcer des sermons fournis par le ministère. Pour le ministre Gomaa, l’initiative d’uniformiser les sermons participe de la stratégie de lutte contre l’idéologie extrémiste islamique et vise à éviter toute dérive vers des sujets politiques. Il semble toutefois que le but soit aussi d’empêcher les prédicateurs d’inclure des critiques du régime à leurs sermons. Notons que le ministère diffuse fréquemment des sermons tout prêts, mais il a laissé jusqu’à ce jour le choix de les utiliser, ou pas, aux prédicateurs.
Al-Azhar, l’instance religieuse suprême d’Egypte, a opposé sa résistance à cette initiative, arguant que celle-ci était contraire à la pratique islamique et n’était qu’une tentative de limiter la liberté des prédicateurs d’Al-Azhar – dont certains sont des employés du ministère, la qualifiant d’abus de pouvoir du ministère.
Al-Azhar étant réputée pour son soutien au président égyptien Abd Al-Fattah Al-Sissi, ce dernier est intervenu dans le conflit, et aurait pris parti pour l’institution. [1] Devant la position du président, le ministre du Waqf se serait quelque peu rétracté, déclarant que les prédicateurs ne seraient pas tenus de lire un sermon préparé et que le ministère ne fera que déterminer son sujet et sa longueur.
L’initiative de forcer tous les prédicateurs à prononcer des sermons préparés, ainsi que le fossé entre Al-Azhar et le ministère du Waqf, ont soulevé un débat en Egypte. Ces deux dernières semaines, la presse égyptienne comportait des dizaines d’articles favorables et défavorables à l’initiative du ministère. Les partisans de l’initiative font valoir que certains prédicateurs en Egypte utilisent leurs sermons pour cultiver des opinions radicales. Selon eux, il est impératif de les obliger à délivrer des sermons conformes afin d’éradiquer l’extrémisme dans le pays.
Les détracteurs de l’initiative ont pour le part critiqué le ministère, qui selon eux tente de « limiter », d’ « éliminer », et même de « tuer » le rôle du prédicateur. Pour eux, la société est loin d’être uniforme, et le pluralisme et les divergences d’opinion sont les bienvenus. Des sermons uniformes et préparés par le ministère favoriseraient en fait le discours extrémiste, en ce qu’ils empêcheraient les prédicateurs de réfléchir par eux-mêmes et d’effectuer leur propre recherches, les transformant en pions de leur employeur – le ministère, nuisant ainsi à leur prestige et diminuant leur influence sur la société.