Pour marquer le 100e anniversaire de l’accord Sykes-Picot, qui a divisé l’Empire ottoman en plusieurs territoires et a par conséquent largement façonné la carte du Moyen-Orient telle que nous la connaissons aujourd’hui, la presse arabe a publié de nombreux articles sur cet accord et ses conséquences. Certains auteurs abordent les effets négatifs de l’accord, et avertissent que les États-Unis et la Russie élaborent actuellement un nouvel accord Sykes-Picot pour subdiviser les Etats de la région en plusieurs mini-Etats fondés sur des critères communautaires et ethniques. Ceci, dans le but d’affaiblir plus encore le monde arabe et de le soumettre à leur contrôle. Des articles accusent également les régimes arabes de coopérer avec ce projet, consciemment ou inconsciemment, et certains accusent Israël d’y être associé.
A l’inverse, d’autres auteurs affirment que la désintégration du monde arabe selon des critères ethniques et communautaires n’est pas due aux complots extérieurs mais à la division et la haine qui dominent actuellement dans le monde arabe.
Le journaliste libanais Khairallah Khairallah adopte une autre approche : il écrit que l’accord Sykes-Picot est en réalité un « don du ciel », dont les Arabes n’ont pas su tirer profit. Au lieu de l’utiliser pour développer leurs Etats au bénéfice de leurs populations, ils s’en sont servis comme prétexte pour les opprimer et justifier tous leurs échecs. Extraits :
Les États-Unis et la Russie élaborent un nouvel accord Sykes-Picot en coopération avec Israël et certains régimes arabes
Un éditorial du quotidien égyptien Al-Ahram met en garde contre la réapparition des « fantômes de Sykes-Picot » et exhorte les Arabes à s’unir afin d’éviter le danger.
Aujourd’hui, le 16 mai, c’est le 100e anniversaire du maudit accord Sykes-Picot… qui a divisé la patrie arabe entre la France et la Grande-Bretagne… Aujourd’hui, le monde arabe connaît l’une des pires périodes de faiblesse de son existence. De nombreux pays affrontent des guerres internes, des complots extérieurs et une intervention internationale, en plus d’une détérioration intérieure due à la lutte contre le terrorisme et aux crises économiques… Le complot est clair. Les instituts de recherche occidentaux et la presse américaine parlent ouvertement d’un nouvel [accord] Sykes-Picot qui corrigera les erreurs de la précédente partition. Personne ne peut manquer de remarquer que cinq pays arabes – l’Irak, la Syrie, la Libye, l’Arabie saoudite et le Soudan – doivent être divisés en 13 États. Les fantômes de Sykes-Picot sont présents de manière tangible, [et prévoient] de diviser la région arabe en mini-Etats selon des frontières communautaires : des Etats [séparés] pour les chrétiens, chiites, Alaouites, sunnites et Kurdes… Le danger est réel et nous menace tous ; c’est pourquoi nous, Arabes, devons nous réveiller et nous unir, afin de avoir à nous réveiller devant un désastre encore plus grand. »
Nizar Abd Al-Qader, analyste stratégique libanais, écrit dans le quotidien saoudien Al-Hayat, basé à Londres, que les plans de division de la Syrie, l’Irak et d’autres pays du Moyen-Orient, ont été élaborés aux États-Unis dès les années 1970, et qu’aujourd’hui, certains pays arabes coopèrent avec eux :
Les plans américains formulés dans les années 1970 et dans les décennies suivantes ont aiguisé [l’appétit de] certains dirigeants communautaires et ethniques et ont été accueillis avec des encouragements par certains régimes corrompus et tyranniques [qui les voyaient comme un moyen de les] aider à se maintenir au pouvoir. Apparemment, les administrations américaines continuent également d’encourager [ces plans]…
Les dirigeants arabes comprennent-ils le danger de se soumettre à des plans qui redessinent les frontières actuelles, menant à un chaos religieux et ethnique qui pourrait durer un siècle, comme cela est arrivé en Europe au Moyen-Age, [et tout cela] afin de servir les intérêts géopolitiques d’Israël et du monde ?