L’Observatoire du Moyen-Orient (MEMRI) rend hommage au regretté dramaturge égyptien, auteur et critique politique Ali Salem, courageux protagoniste de la paix, de la liberté, et grand humaniste.
Ali Salem, né en 1936, fut l’un des dramaturges égyptiens les plus éminents de ces dernières décennies. Il est réputé pour ses pièces satiriques qui pointent du doigt divers aspects de la société et de la politique égyptiennes, avec un humour incisif caractéristique. Ses pièces sont imprégnées d’allégorie et de fantaisie.
Ali Salem s’est fait connaître dans le monde arabe par sa pièce L’École des fauteurs de trouble, interprétée peu après la guerre d’octobre 1973. Des vidéos de la pièce ont été diffusées sur plusieurs chaînes télévisées arabes. Par l’allégorie, la pièce critique la tyrannie du régime et montre que l’on peut accéder à l’ordre et au progrès par l’amabilité et l’empathie. Écrites en dialecte égyptien parlé, les pièces d’Ali Salem sont très accessibles au public. Il laisse un patrimoine littéraire de 25 pièces de théâtre et de quinze autres ouvrages.
Ali Salem fut l’un des rares intellectuels égyptiens à avoir ouvertement soutenu l’initiative de paix du président Anouar Sadate. En 1994, il a décidé de se rendre en Israël, et a publié ses impressions généralement positives dans un livre intitulé A Drive to Israel: An Egyptian Meets His Neighbors [Voyage en Israël : Un Egyptien rencontre ses voisins].
Il a payé un lourd tribut, à la fois sur le plan personnel et professionnel, pour son soutien à la paix et à la normalisation des relations avec Israël. Depuis la publication de son livre sur son voyage en Israël, pas un seul producteur égyptien n’a accepté ses nouvelles pièces. Ali Salem n’a pas cédé à la pression et a continué de soutenir la normalisation avec Israël. Il a émis une critique acerbe de l’islam politique et de la violence perpétrée au nom de la religion dans le monde arabe en général, et en Egypte en particulier.
Extraits de divers interviews et débats avec Ali Salem depuis 2004, diffusés sur les chaînes de télévision et dans les médias arabes :
Israël n’a pas l’intention d’occuper le Sinaï ; la coopération entre les peuples israélien et égyptien profitera à la région
Le 8 juillet 2015, suite à la série d’attaques brutales menées dans le Sinaï par des organisations terroristes, notamment Ansar Bait Al-Maqdis, affiliée à l’État islamique (EI), le quotidien égyptien Al-Masri Al-Yawm a publié un article d’Ali Salem critiquant la négligence de la péninsule par le gouvernement égyptien. Selon Salem, les Egyptiens n’ont pas développé le Sinaï de crainte qu’Israël n’occupe le territoire. Salem estime qu’Israël ne commettrait pas un acte aussi stupide.
Il a également critiqué la réticence de l’Egypte à normaliser les relations culturelles avec Israël, due selon lui à une crainte que l’influence culturelle israélienne ne mette en danger le régime égyptien. Selon lui, ce sont les révolutions du Printemps arabe qui ont renversé les régimes arabes, et non les liens culturels avec Israël, qui auraient profité à la région.
Salem a en outre déclaré que l’Egypte vaincrait le terrorisme dans le Sinaï et qu’Israël n’exploiterait pas les infractions égyptiennes au Traité de paix pour créer des tensions entre les deux pays, estimant qu’Israël aspire au renforcement des relations à long terme. Salem conclut que la situation régionale s’améliorera quand les peuples égyptien et israélien accepteront de coopérer.
Le Hamas est l’ennemi, pas Israël
Dans une interview télévisée, diffusée le 17 décembre 2014, Ali Salem déclare que le Hamas et l’EI, et non Israël, sont les ennemis de l’Egypte : « Nous devons faire la guerre et mourir [pour détruire les tunnels du Hamas] », dit-il. Concernant Israël, Ali Salem déclare : « Nous devons vivre en harmonie avec nos voisins, d’autant plus que nous avons un traité de paix avec eux ».
« Aucun danger en provenance d’Israël ne menace l’Egypte »
Le dramaturge égyptien Ali Salem, interviewé sur la chaîne de télévision égyptienne Al-Kahera Wal-Nas, défend le traité de paix avec Israël. Selon lui, l’Egypte ne fait face à aucun danger en provenance d’Israël car il existe un traité de paix israélo-égyptien approuvé par la communauté internationale. Il révèle que son jeune frère a été tué dans le Sinaï lors de la guerre de 1967, et déclare que les dirigeants « jouent avec la vie de la jeunesse égyptienne ».
« Un combat commun contre l’extrémisme »
Dans un débat diffusé sur la chaîne de télévision égyptienne Al-Hayat, le 6 septembre 2011, le dramaturge Ali Salem a défendu l’accord de paix égyptien avec Israël, soulignant qu’ « Israël veut un pays stable de l’autre côté de sa frontière ». « Nous menons un combat commun contre l’extrémisme », dit-il. Récusant les différentes théories du complot répandues en Egypte, Ali Salem a déclaré : « J’écarte l’hypothèse selon laquelle Israël nous enverrait des produits laitiers qui stimulent sexuellement les femmes ou… des ceintures qui détruisent la fertilité des hommes… J’écarte l’hypothèse selon laquelle Israël aurait dépêché un requin pour attaquer la population en Egypte. »
La « culture du déni » dans la presse gouvernementale égyptienne
Peu de temps après le déclenchement de la révolution du 25 janvier en Egypte, Ali Salem a accusé les médias et les intellectuels égyptiens de servir le régime en exprimant ses opinions au lieu de présenter la situation telle qu’elle est dans le pays. Cette « culture du déni total », dit-il, est la cause des manifestations de masse en Egypte. Notant que cette mentalité est obsolète et en désaccord avec l’ère de l’information moderne, où toutes les nouvelles sont mises à la portée immédiate du public, il avertit que l’Egypte doit acquérir un média mature et un leadership culturel, car sinon, le pays sera perdu.
Les Egyptiens qui se marient à des Israéliens ne posent pas de danger pour la société égyptienne
Dans un débat télévisé, Ali Salem fustige une décision du tribunal égyptien de révoquer la citoyenneté des hommes égyptiens qui épousent des Israéliennes. « Il semble que nous soyons dans un état de guerre », dit-il. Répondant à l’avocat égyptien Nabih Al-Wahsh et à l’intervieweur, qui mettent en garde contre le « danger » d’une « infiltration » israélienne, Ali Salem demande : « Pourquoi, qu’est-ce qu’il va bien nous faire ?… Révélera-t-il des secrets sur l’hôtel où il est descendu ?… Déambulera-t-il sur la promenade, verra-t-il des gens manger du maïs et le signalera-t-il au Mossad israélien ? »
Supplément spécial de « Roz Al-Yousuf » pour marquer le 30ème anniversaire des Accords de Camp David
Pour marquer le 30ème anniversaire des Accords de paix de Camp David, l’hebdomadaire égyptien Roz Al-Yousuf a publié un supplément spécial sur les aspects politiques, économiques et culturels de la normalisation des relations avec Israël. Une partie importante du supplément est consacrée à Ali Salem, considéré comme « le plus célèbre de ceux roussis par les flammes de la normalisation ». Dans une interview, Ali Salem parlait de son voyage en Israël en 1994, de son soutien à la normalisation et à la paix avec Israël, et du lourd tribut qu’il avait payé pour ses opinions. Salem, toujours boycotté par les médias et les salles égyptiennes, affirmait qu’il n’avait aucun regret, car « il n’y a pas de regret à avoir pour une bonne action ».
« Mon voyage, une tentative pour me débarrasser de la haine »
Dans un entretien d’avril 2009 paru dans le quotidien koweïtien Al-Nahar, Ali Salem parle longuement de sa première visite en Israël en 1994, et du livre qui a suivi. Il affirme que les intellectuels égyptiens l’ont ostracisé, car ils se sont vus contraints d’affronter la vérité et d’emprunter une nouvelle voie de paix à laquelle ils n’étaient pas préparés. Salem ajoute que son désir de se rendre en Israël a été inspiré par l’initiative courageuse du président égyptien Anouar Sadate de conciliation avec Israël, ainsi que par le simple désir de connaître l’autre côté et de se « débarrasser de la haine ». Il conclut que la paix a largement bénéficié à l’Egypte et à la région dans son ensemble.
Lire la suite du rapport sur Ali Salem en anglais et voir les extraits vidéos sous-titrés