L’expulsion de plusieurs familles coptes de Kafr Darwish, dans la région de Beni Suef en Égypte, a récemment suscité un vif émoi dans le pays. Les familles ont été expulsées afin de tenter de calmer les graves tensions entre musulmans et coptes dans le village. Ces tensions avaient surgi après la publication par un membre d’une des familles coptes résidant en Jordanie de photos et de contenu considérés comme attentatoires à l’islam et au Prophète sur sa page Facebook. Enragés par ses publications, des adolescents musulmans du village ont attaqué sa famille et d’autres coptes du quartier. Les forces de sécurité ont dû intervenir, encerclant les maisons des familles coptes pour empêcher de nouvelles violences.
La décision d’expulser les familles a été prise lors d’une réunion de réconciliation qui s’est tenue le 17 mai 2015, en présence des familles coptes et musulmanes et des autorités locales. Cette solution a été présentée comme un mal nécessaire qui empêcherait un mal plus grand, si les affrontements devaient se poursuivre entre coptes et musulmans.
L’expulsion des coptes a suscité de vives critiques de la part de militants coptes et d’activistes des droits de l’Homme en Égypte, pour lesquels cette mesure – décidée dans le cadre d’une procédure arbitraire non officielle – était une violation flagrante des droits de l’Homme et de la Constitution égyptienne. Le gouverneur local et les représentants des forces de sécurité, qui ont donné leur bénédiction à cette décision, étaient les principales cibles de ces critiques. Certains ont même appelé le président égyptien Abd Al-Fattah Al-Sissi à intervenir. Les critiques ont également été diffusées dans les médias égyptiens, avec des hashtags tels que « Non à l’expulsion des coptes de Kafr Darwish ». Les internautes ont condamné cette décision comme une expression de racisme et de communautarisme, et critiqué la coutume consistant à résoudre les conflits dans des cadres informels, comme des réunions de réconciliation, en lieu et place de tribunaux veillant à appliquer la loi.
Des articles de la presse égyptienne ont également exprimé leur désapprobation, affirmant que l’expulsion forcée des familles reflétait la persécution et la discrimination courantes à l’encontre de la communauté copte égyptienne. Leurs auteurs ont fustigé les autorités égyptiennes, affirmant que, sous prétexte de préserver l’ordre social et d’éviter un bain de sang, elles avaient participé aux persécutions des citoyens coptes au lieu de les défendre. L’un des articles, écrit par l’ancien vice-Premier ministre Ziad Bahaa Eldin, fait observer que la question des discriminations anti-coptes de la part de l’appareil étatique était à peine abordée ces derniers temps, du fait que dans le narratif médiatique actuel en Égypte, toute critique envers l’État et ses organes est perçue comme un soutien aux Frères musulmans et une tentative de déstabiliser le pays.
Devant les réactions de colère de la population, les familles coptes ont finalement été autorisées à retourner chez elles le 5 juin, suite à une seconde assemblée de réconciliation, sous l’égide de la présidence égyptienne et d’Al-Azhar, à laquelle assistaient des dignitaires coptes et musulmans, le gouverneur local et le chef de la sécurité, ainsi qu’un représentant local du ministère du Patrimoine.