Par : Tufail Ahmad
Le 7 janvier 2015, les frères djihadistes Cherif et Saïd Kouachi ont attaqué les bureaux de l’hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo à Paris, tuant huit journalistes, deux policiers, et deux autres personnes, pour venger la publication par le journal de caricatures du prophète Mahomet, jugées blasphématoires par certains groupes islamiques. Les meurtres de Paris ont suscité un débat international sur les lois islamiques relatives au blasphème. Cherif et Saïd Kouachi ont été déclarés « martyrs » de l’islam, pas seulement par des groupes djihadistes, mais aussi islamistes – expression édulcorée désignant djihadistes armés – dans plusieurs pays. En Inde, le religieux musulman Maulana Naseeruddin a dirigé une prière funéraire par contumace en l’honneur des « martyrs » dans la ville sud de Hyderabad, le 11 janvier.
Un mois après les attentats, le grand quotidien pakistanais en ourdou, Roznama Ummat, a publié une série d’articles sur la question des lois islamiques relatives au blasphème, intitulée “Martyrs de l’honneur du Prophète” – ou martyrs du blasphème – qui examine le point de vue islamiste sur le blasphème. Le dossier, divisé en 43 parties, retrace principalement des incidents historiques en Inde unie sous domination britannique au 20e siècle, et au Pakistan, après sa création en tant qu’Etat islamique en 1947.
Dans l’optique musulmane, le prophète Mahomet n’est pas l’unique cible d’un acte blasphématoire, qui peut aussi viser ses proches et compagnons, comme les califes de l’islam, ou le Coran. Toute critique d’un acte du Prophète peut être considérée comme blasphématoire.
Une section spéciale est réservée aux religieux barelvis du sous-continent indien, qui enjoignent de tuer quiconque critique le prophète Mahomet. De hauts religieux barelvis, tels que l’érudit pakistano-canadien Maulana Tahir-ul-Qadri – glorifié en Occident pour avoir émis une fatwa (décret islamique) contre le djihad et condamné publiquement les attaques djihadistes en tout lieu – n’ont pourtant pas condamné Malik Mumtaz Qadri, le gardien de sécurité d’élite qui a assassiné en janvier 2011 Salman Taseer, le gouverneur libéral de la province du Pendjab, pour avoir défendu des réformes dans la législation sur le blasphème.
En fait, les idées et les croyances qui ont motivé l’assassinat des journalistes de Charlie Hebdo à Paris font partie intégrante de l’enseignement des religieux barelvis à travers le sous-continent indien. Malik Mumtaz Qadri a été glorifié par les juristes pakistanais et défendu devant la cour par Khawaja Muhammad Sharif, l’ancien juge en chef de la Haute Cour de Lahore, tout comme le fondateur du Pakistan Muhammad Ali Jinnah avait défendu un autre assassin à l’époque coloniale.