« L’EIIL [Etat islamique d’Irak et du Levant] est un pur produit du salafisme, et il faut l’affronter en toute transparence. » Cette déclaration a été prononcée, non par des libéraux non musulmans, qui fustigent régulièrement le salafisme, mais par cheikh Aadel Al-Kalbani, ancien imam de la Grande Mosquée de La Mecque, lui-même salafiste, ce qui fait de lui une éminente personnalité. Al-Kalbani n’est pas le premier salafiste à s’opposer à l’EIIL : d’autres Saoudiens condamnent la conduite et les opérations de l’organisation, mais Al-Kalbani va plus loin dans sa critique : il dénonce les principes de la perception salafiste où puisent l’EIIL et ses acolytes. Il appelle à adopter une approche rationaliste de l’islam des premiers temps et à redéfinir la signification de ses préceptes à l’époque actuelle, au lieu de répliquer aveuglément les actions passées.
Dans deux articles parus dans le quotidien gouvernemental saoudien Al-Riyad, Al-Kalbani critique ceux, au sein du courant salafiste, qui s’approprient la vérité et l’islam pour autoriser le meurtre de leurs adversaires. Il critique les prédicateurs et la société qui n’ont pas oser les incriminer. Il déclare que l’appel à suivre aveuglément la voie du Prophète Mahomet et des anciens de l’islam relève d’un défaut de compréhension de l’essence de cette voie. Selon lui, Mahomet lui-même réprouvait l’adoption aveugle des perceptions du passé et des préceptes des prédécesseurs, optant pour une approche rationaliste, capable de s’adapter à une réalité fluctuante. Pour Al-Kalbani, les religieux doivent cesser de se voiler la face et vivre dans leur temps, au lieu de rejeter et de condamner toute idée nouvelle.
Ce n’est pas la première fois qu’Al-Kalbani conteste le courant dominant des autorités religieuses saoudiennes. Il a déjà dénoncé les attentats-suicides, publié une fatwa autorisant la poésie et appelé à permettre aux femmes de conduire.