Le chroniqueur koweïtien Nasser Bader Al-Eidan a publié un article dans le quotidien Al-Rai intitulé “Les juifs au Koweït”, dans lequel il affirme que les juifs qui sont arrivés dans ce pays à partir de la fin du 18e siècle ont grandement contribué à son économie et à sa culture, et entretenaient même des liens étroits avec certains dirigeants koweïtiens. Il appelle à enseigner l’histoire juive au Koweït, qui selon lui, est une partie inaliénable de l’histoire du pays. Il fait l’éloge de la tolérance religieuse qui caractérisait les Koweïtiens par le passé, et qui n’existe plus, même « parmi ceux appartenant à la même religion, à la même patrie et au même destin ».
Extraits : [1]
La première police religieuse du Golfe a été créée au Koweït pendant le règne de feu le Cheikh Salim Al-Moubarak [2] pour [combattre] l’ivresse et la luxure populaires qui étaient monnaie courante à cette époque. Les juifs koweïtiens excellaient dans la production de vin à cette période. L’histoire des juifs au Koweït est importante, et pourtant, en général, notre génération ignore tout à ce sujet, que nos manuels scolaires occultent. Il fait partie de l’histoire moderne du Koweït, que cela nous plaise ou non, au regard de la contribution des juifs au commerce et à l’art, et l’intégrité scientifique nous dicte de l’enseigner.
La présence des juifs au Koweït a commencé à la fin du 18e siècle. La plupart d’entre eux venaient d’Irak à cause du régime ottoman, qui leur imposait la taxe [jizya] et sapait leur activité commerciale. Le Koweït ne s’est pas comporté comme les Ottomans, et [les juifs] le voyaient comme un lieu sûr de résidence. Ils étaient entre 50 et 800 – les historiens sont divisés sur le nombre. Ils entretenaient de bonnes relations avec feu le Cheikh Moubarak le Grand, [3] qui voyait les liens avec les juifs comme un facteur stimulant pour un commerce fructueux. Pourtant, ces relations se sont refroidies pendant [le règne] de Salim Al-Moubarak, réputé pour être un dévot, et parce que les juifs produisaient du vin.
Dans l’étude sur laquelle je m’appuie, le chercheur koweïtien Yousef Al-Mutairi [de l’Université du Koweït] interviewe Anwar Cohen, le dernier juif qui a émigré du Koweït. Cohen affirme que nombre de juifs ont quitté le Koweït pour l’Irak et d’autres pays pour diverses raisons, principalement [l’ambiance au Koweït après] la fondation de l’Etat d’Israël. Cohen a [lui-même] émigré du Koweït en 1953 en raison d’un article écrit par Dr Ahmad Al-Khatib, qui prétendait que la présence de Cohen au Koweït bafouait l’honneur panarabe et la solidarité avec la Palestine occupée par Israël. [4]
Nous n’oublions pas que certains juifs koweïtiens étaient des hommes d’affaires qui s’associaient avec des hommes d’affaires koweïtiens [musulmans], comme l’homme d’affaires Saleh Mahlab, qui était ami avec Cheikh Moubarak [probablement Moubarak le Grand], et la famille Yehezkel, qui détenait la franchise fournissant de l’électricité au Koweït pendant 35 ans, à l’époque de feu le Cheikh Ahmad Al-Jaber. [5] Les juifs contribuaient aussi aux arts. Par exemple, le musicien koweïtien Saleh Al-Kuwaiti et son frère Daoud, dont une rue leur est dédiée à Tel-Aviv, en geste de reconnaissance pour leur travail. [6]
Ce fut un bref examen de l’histoire des juifs koweïtiens et de l’ouverture manifestée par le peuple koweïtien, qui les acceptèrent en ce temps-là. Les Koweïtiens d’autrefois étaient un brillant modèle de coexistence interreligieuse et de tolérance. Aujourd’hui, cette tolérance n’existe pas [même] parmi ceux appartenant à la même religion, à la même patrie et au même destin. »
Notes :
[1] Al-Rai (Koweït), 10 septembre 2014.
[2] Salim Al-Moubarak Al-Sabah, neuvième souverain du Koweït (1917-1921).
[3] Moubarak Ibn Sabah Al-Sabah alias “Moubarak le Grand”, septième souverain du Koweït (1896-1915), considéré comme le fondateur de facto du Koweït.
[4] Probablement une référence au politicien koweïtien Dr Ahmad Al-Khatib (né en 1927), qui a aidé à fonder le mouvement nationaliste panarabe dans les années 1940.
[5] Ahmad Al-Jaber Al-Moubarak Al-Sabah, dixième souverain du Koweït (1921-1950).
[6] Musiciens juifs qui ont quitté l’Irak pour le Koweït. La rue Al-Kuwaiti Brothers à Tel-Aviv leur est dédiée.