Dans une chronique publiée sur plusieurs sites arabes israéliens, Said Badran, journaliste arabe israélien qui a été candidat aux élections parlementaires israéliennes de 2013 sur la liste du parti “Espoir israélo-arabe pour le changement”, critique les méthodes utilisées par les Arabes israéliens pour protester contre le meurtre de l’adolescent palestinien Muhammad Abou Khdeir à Jérusalem.
Badran fustige également les dirigeants arabes israéliens, qui selon lui, provoquent ces émeutes inutiles au sein de la jeunesse arabe et fuient ensuite leurs responsabilités lorsque les événements dérapent.
En outre, il exhorte les parents de ces jeunes à faire leur devoir et à protéger leurs enfants, au lieu de remettre leur sort entre les mains de dirigeants « de papier ». Il souligne que cette perte de contrôle de la rue arabe pourrait avoir des répercussions graves sur le quotidien des citoyens arabes israéliens. C’est pourquoi les Arabes israéliens doivent protester de manière plus efficace en utilisant des méthodes légales et non violentes, estime-t-il. Extraits :
Incontestablement, les méthodes de lutte utilisées par les citoyens arabes en Israël pour protester contre l’oppression perpétuelle du régime [israélien] sont devenues molles et totalement inutiles. Si elles devaient prouver quelque chose, ce serait l’échec total des dirigeants et leur incapacité à apporter une alternative pratique et convaincante qui réponde aux exigences du public. Elles [constituent également] une preuve décisive que [la population] a perdu toute confiance en ces dirigeants, devenus sans aucun doute obsolètes, en état d’échec politique, et incapables de contrôler le moins du monde les événements.
Nous voyons comment ces leaders ont fait descendre le public dans la rue pour qu’il puisse exprimer son mécontentement, mais ont perdu le contrôle des événements, qui ont engendré chaos et perdition. Les répercussions au jour le jour, pour les citoyens arabes de ce pays, peuvent être désastreuses.
Par exemple, j’ai remarqué que les dirigeants qui fanfaronnaient et dansaient de joie quand le public est sorti à la jonction Umm Al-Fahm [pour manifetser] ont rapidement perdu le contrôle [de la situation], puis, après avoir fait leurs déclarations habituelles aux médias, ils ont pris la fuite. Qu’il est comique et en même temps triste de voir que leur excuse pour se soustraire à leurs responsabilités fut de blâmer la municipalité d’Umm Al-Fahm, comme si la municipalité avait les moyens de redresser une pente qui descend vers l’abîme.
J’ignore quel avantage on pensait tirer de la fermeture d’une rue ici et là, de la mise à feu de pneus ici et là, ou quel intérêt il y a à lancer des pierres sur les véhicules qui passent, vu que beaucoup de véhicules endommagés appartiennent à des citoyens arabes. Même si l’on hissait le drapeau palestinien, cela libérerait-il vraiment la Palestine ? Dans le même temps, ces actions ont conduit à l’arrestation de dizaines de jeunes, et le dénouement semble encore loin.
Devant l’éclipse de ces dirigeants, qui bénéficient de l’immunité de la Knesset israélienne, la seule façon de contrôler [les émeutiers] est de le faire par le biais de leurs parents, et la question est : où sont-ils, quel est leur rôle moral et social et qu’en est-il de leur obligation de protéger leurs enfants, dont la plupart sont des adolescents dans la deuxième décennie de leur vie ?! Le sort de ces jeunes dépend-il davantage de ces leaders de papier que de leurs propres tuteurs légaux ?
Oui, nous sommes en danger. Nous sommes en grand danger car l’establishment israélien ne peut, et peut-être ne veut, nous protéger, en tant que citoyens, de l’agression de hordes de colons et de leurs acolytes… Par conséquent, nous devons agir avec logique et sagesse. Au lieu de nous laisser entraîner dans des émeutes, il vaudrait mieux que, dans chaque municipalité et en tout lieu, nous préservions nos maisons et nos biens en créant des comités locaux de sécurité, qui fonctionneraient grâce à des bénévoles, et utiliseraient tous les moyens légaux contre les colons criminels qui veulent s’introduire dans une ville arabe, comme des chauve-souris dans la nuit.
Pourquoi ne pas tirer les leçons des événements passés ? Pourquoi ne pas changer et revoir les moyens de lutte afin d’en tirer un bénéfice plus important et de gagner en efficacité, et afin que nos cris de minorité opprimée atteignent les conventions des droits de l’Homme, en Israël et à travers le monde, mais de manière sérieuse et professionnelle ? Pourquoi ne pas planifier des manifestations pacifiques, pour lesquelles nous aurons obtenu des autorisations légales, au cœur des villes juives, et organiser des rassemblements de protestation aux carrefours ?
Parfois, j’ai l’impression que ce chaos, notamment dans la région [arabe] du Triangle [des villages arabes autour d’Umm Al-Fahm], n’est rien qu’une conspiration programmée… dont les héros sont des agents qui profitent secrètement de l’enthousiasme [de la jeunesse] pour mener à bien le plan d’échange [de territoires entre Israël] et l’autorité Antoine Lahad [1] [l’Autorité palestinienne]. De même, je n’écarte pas la possibilité d’un retour imminent du méprisable gouvernement militaire dans la région du Triangle, sous prétexte que l’insécurité et les émeutes constituent une menace pour Israël ». [2]
Notes :
[1] Le général libanais Antoine Lahad était le commandant de l’Armée du Liban Sud de 1984 jusqu’à sa dissolution, après le retrait d’Israël du Liban en 2000 ; certains l’ont accusé de collaborer avec Israël.
[2] Kufur-kassem.com ; Bldtna.com, 6 juillet 2014.