Répondant, le 14 juin 2014, aux appels américains à la coopération avec l’Iran pour empêcher les extrémistes sunnites de l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) de prendre le contrôle des villes irakiennes, le président iranien, Hassan Rohani, déclarait que l’Iran n’excluait pas cette proposition.
Les déclarations de Rohani et de son conseiller politique, évoquant l’éventualité d’une collaboration américano-iranienne, ont dans un premier temps reçu un accueil plutôt positif, selon une source proche des Gardiens de la révolution islamique (GRI) et des adeptes du courant pragmatique de Rafsandjani.
Divers porte-parole iraniens ont souligné les conditions nécessaires à toute action conjointe : les Etats-Unis devront se distancier de l’Arabie saoudite, considérée comme le défenseur du pouvoir sunnite, ainsi que l’a rappelé l’EIIL. Autre condition : les États-Unis devront prouver la fin de leur hostilité envers l’Iran, et éviter que ne se reproduise l’incident de 2003, lorsque, suite à la collaboration américano-iranienne en Irak, le président Bush avait inclus l’Iran à « l’axe du mal ».
En outre, selon le site iranien Asr-e, l’Iran a déclaré que l’éradication de l’EIIL sunnite serait une manière de mettre au défi les Etats-Unis dans leur prétention de combattre le terrorisme et de tester les intentions américaines vis-à-vis de l’Iran.
Pourtant, au lendemain de ces manifestations de soutien, le gouvernement Rohani, le ministère des Affaires étrangères iranien et des adeptes du camp idéologique de Khamanei durcissaient leur position sur l’Irak, arguant qu’aucune collaboration n’était envisageable. Ce changement est probablement dû à la demande du président Obama que les chiites irakiens partagent la direction du pays avec les sunnites. Pour la porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères Marzia Afkham, cette demande constitue une ingérence américaine dans les résultats des récentes élections irakiennes -par lesquelles les chiites ont obtenu une nette majorité.
Ce changement de position quant à une éventuelle collaboration américano-iranienne provient peut-être aussi de la radicalisation des positions américaines au cours des négociations nucléaires de Vienne. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, et son adjoint Abbas Araghchi, responsables des négociations nucléaires, ont informé les médias iraniens qu’il n’y avait pas eu de pourparlers avec les Américains sur l’Irak. Pourtant, un rapport de Reuters a cité un responsable de la délégation iranienne indiquant que des pourparlers avaient bien eu lieu.
Après qu’il fut devenu clair que les États-Unis et l’Iran ne s’étaient pas entendus sur la nature d’une solution politique en Irak – à savoir sur l’inclusion des sunnites au pouvoir – devant résulter d’une action militaire américaine contre l’EIIL, un nouvelle exigence a vu le jour lors des négociations, provenant apparemment du côté iranien : le consentement à une action militaire américaine en Irak devrait désormais être lié aux concessions américaines sur le dossier nucléaire (ces négociations concernent les États-Unis et l’Iran, plutôt que l’Iran et les 5 +1).
Notons que le slogan habituel qualifiant les Etats-Unis de « grand Satan » et celui de« Mort à l’Amérique » n’ont pas été entendus en Iran. Le langage utilisé par les commentateurs est resté strictement politique.