Dans une récente interview télévisée, accordée après la prise de contrôle de Mossoul par l’EIIL (Etat islamique d’Irak et du Levant), le politicien irakien Ayad Jamal Al-Din affirme que le Premier ministre Nouri Al-Maliki doit être jugé pour haute trahison. Il critique la politique américaine en ces termes : « Les guerres en Syrie et en Irak ne font qu’une… une guerre contre l’EIIL… Vous ne pouvez pas combattre l’EIIL en Irak, et le soutenir en Syrie. » Ayad Jamal Al-Din, dignitaire religieux chiite et ancien député, qui prône la séparation de la religion et de l’Etat, s’exprimait depuis Washington DC pour la chaîne Al-Arabiya.
Ci-dessous quelques extraits de l’interview, diffusée le 10 juin 2014.
Ayad Jamal Al-Din : J’ai été très surpris par la déclaration américaine, qui promet de soutenir l’Irak dans le respect de l’accord stratégique… Les guerres en Syrie et en Irak ne font qu’une ; en Syrie comme en Irak, il s’agit d’une guerre contre l’EIIL. Les États-Unis veulent affaiblir le régime syrien, ce qui profite à l’EIIL, mais à Bagdad, ils soutiennent le régime contre l’EIIL. C’est suspect et déroutant, pour vous dire la vérité.
S’agissant de l’effondrement de l’armée irakienne à Mossoul, l’armée est le reflet de son commandant. C’est Nouri Al-Maliki, Premier ministre et commandant général des forces armées, qui doit subir un procès pour haute trahison. Les militaires ne sont pas responsables de la chute de Mossoul et d’ailleurs. C’est le commandant général qui doit être tenu responsable et jugé.
Le problème de l’EIIL est ancien. Il n’est pas né aujourd’hui. Il est inconvenant de justifier l’EIIL. Ces deux dernières heures, j’ai entendu plusieurs commentateurs dire ici, sur Al-Arabiya, que les sunnites irakiens sont persécutés et privés de leurs droits, et que c’est la raison pour laquelle l’EIIL a réussi à s’implanter dans le pays.
L’EIIL est composé des mêmes terroristes qui combattent en Libye, en Somalie, en Syrie, en Afghanistan, au Nigeria et ailleurs. Les noms des organisations peuvent varier, mais leur terrorisme est le même.
Les commentateurs devraient éviter de justifier ce terrorisme. Le terrorisme est le terrorisme, et il faut le combattre de la même manière partout. C’est le Premier ministre Nouri Al-Maliki lui-même qui doit être tenu responsable de la situation. Je crois que s’il y avait un parlement d’hommes honnêtes en Irak, Al-Maliki serait démis de ses fonctions et jugé pour haute trahison pour avoir provoqué cette débâcle militaire – parce qu’il a échoué, ou qu’il a collaboré avec les terroristes.
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Al-Maliki ne sera pas touché si Mossoul, Kirkouk, ou tout le nord de l’Irak s’effondrait. Tant que Bagdad reste intact, tout le monde peut aller en enfer.
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Journaliste : Que pensez-vous du soutien [américain] à l’opération militaire et de l’offre de Washington d’aider à résoudre cette crise ?
Ayad Jamal Al-Din : Je m’en réjouis. Nous attendons ce soutien, mais il faut l’étendre à tous les domaines où l’EIIL peut se trouver. La pression sur le régime syrien, qui combat l’EIIL, doit être levée. Ils ne devraient pas tenter de renforcer la faible Armée syrienne libre [ASL]. Il n’y a pas d’ASL. Il y a l’EIIL en Syrie et en Irak. Vous ne pouvez pas combattre ISIS en Irak, et le soutenir en Syrie. Il y a une guerre et un ennemi.
Les États-Unis devraient renoncer à leur hypocrisie. Les gens ne sont pas sans cervelle. Comment se peut-il que le porte-parole du département d’Etat parle de l’Irak, puis qu’un porte-parole de la Maison Blanche dise : « Nous devons faire pression sur le régime [syrien] pour qu’il se rende » ? Se rendre à qui ? A l’EIIL. Où est l’ASL ? Elle n’existe pas. La guerre est la même. Le soutien devrait s’étendre à l’Irak et à la Syrie. Les États-Unis devraient faire pression sur les pays qui parrainent l’EIIL.
Il y a une heure, quand je suis entré dans ce studio, Al-Jazeera qualifiait encore l’EIIL de « rebelles tribaux ». C’est une duperie, un mensonge. Ce ne sont pas des rebelles tribaux. Les rebelles tribaux ont fui au Kurdistan. Les sunnites ont été vaincus par l’EIIL. Ce sont des criminels, des assassins et des terroristes.
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Journaliste : Dans quelle mesure l’environnement sera-t-il favorable à l’EIIL ?
Ayad Jamal Al-Din : Quel environnement favorable ?! Vous-mêmes avez rapporté que 150 000 Arabes sunnites ont fui Mossoul pour le Kurdistan. Ce ne sont pas des chiites. Les habitants de Mossoul ne sont pas chiites. Où est cet environnement favorable ?! A Al-Raqqah ? À Deir Al-Zour ? À Ramadi ? A Falloujah ? Les sunnites ne sont pas coupables des péchés de l’EIIL et d’Al-Qaïda. Affirmer le contraire, c’est une diffamation contre les sunnites – tout comme les chiites ne sont pas coupables des péchés des milices qui prétendent les défendre.
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