Introduction
Les pourparlers nucléaires avec l’Iran, qui doivent reprendre à Genève le 7 novembre 2013, se sont transformés en discussions à deux voies. L’une des voies est celle des pourparlers entre l’Iran et les 5+1, tandis que l’autre, qui contourne le 5+1, est celle des pourparlers directs entre les Etats-Unis et l’Iran. Cette voie bilatérale inclut peut-être aussi des discussions secrètes. Notons que les contacts officiels entre l’Iran et les Etats-Unis sont tenus sous l’égide des 5+1 pour la simple raison que l’Iran n’accepterait pas de contacts officiels directs avec les Etats-Unis – sans encouragement maximal en ce sens.
Pourquoi l’Iran et les Etats-Unis contournent-ils les 5+1 ?
L’Iran et les Etats-Unis contournent les 5+1 parce qu’ils sont tous deux intéressés à le faire. Notons que l’administration Obama est seule à adopter une position souple vis-à-vis de l’Iran, tentant de parvenir à un accord direct avec l’Iran ; l’administration Obama présentera ensuite cet accord au forum des 5 +1 en s’efforçant de le faire accepter et d’en faire l’objet d’un consensus international. Il a été rapporté récemment que dans le cadre de la nouvelle approche européenne visant à renforcer son régime de sanctions contre l’Iran, celle-ci envisage de révoquer les exemptions accordées au cours des derniers mois à plusieurs entreprises. Or, cela va à l’encontre des efforts de l’administration américaine pour empêcher le Congrès d’imposer des sanctions supplémentaires.
S’efforçant de dissimuler l’écart entre leur position et celle de l’Europe, les États-Unis exigent que les négociations entre les 5+1 et l’Iran se déroulent en secret. A l’inverse, les Iraniens souhaitent que les pourparlers avec les 5+1 soient ouverts et transparents, afin de ne pas se voir accusés à l’intérieur de leurs frontières de vendre les intérêts nucléaires du pays.
Il convient de souligner que l’administration Obama envisage de dégeler des dizaines de milliards de dollars d’actifs iraniens, une décision qui sera vraisemblablement accompagnée de l’annonce par l’Iran de la réduction de son niveau d’enrichissement d’uranium. Ce faisant, l’administration Obama contourne aussi bien les sanctions du Congrès que le consensus des 5+1, selon lequel les sanctions contre l’Iran ne seront pas levées tant que l’Iran ne prendra pas de mesure véritablement significative.
L’Iran est intéressé par des pourparlers directs avec les Etats-Unis parce que le consensus au sein des 5+1 – c’est-à-dire la position de la communauté internationale – demeure inchangé: il consiste en une opposition fondamentale au fait que l’Iran puisse devenir une puissance nucléaire ; en un refus fondamental de répondre à la demande iranienne d’enrichir de l’uranium sur son sol, exigeant au contraire que l’Iran cesse immédiatement toute activité d’enrichissement, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU ; en critiques portées sur le refus iranien de coopérer avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et son manque persistant de transparence, et en soupçons quant à l’exercice d’une activité nucléaire militaire.
En porte-à-faux avec la position des 5+1, les Etats-Unis ont laissé entendre, ces derniers mois, qu’ils seraient prêts à reconnaître un Iran nucléaire à des fins civiles sous stricte surveillance, et qu’ils verraient la fin de l’enrichissement d’uranium à 20 % par l’Iran comme un geste positif. (Il convient de noter qu’au vu des efforts de rapprochement avec Téhéran déployés par l’administration américaine, et ses allusions laissant entendre qu’elle pourrait reconnaître le droit de l’Iran à enrichir de l’uranium à un faible niveau, la Russie a elle aussi tenté de renforcer ses liens avec l’Iran au moyen de concessions non moins intéressantes que celles des Américains.)
Le but de chacune des parties est de contourner les pourparlers des 5+1
L’Iran a besoin de pourparlers directs avec les Etats-Unis pour atteindre son objectif – la reconnaissance de l’Iran comme Etat nucléaire, un statut qui découle de la reconnaissance de son droit à enrichir de l’uranium sur son sol. Les États-Unis contournent les 5+1 et discutent directement avec l’Iran afin d’atteindre leur propre objectif: une réconciliation historique avec l’Iran, ou tout au moins des pourparlers directs sur une base permanente. Il convient de souligner que l’objectif de l’administration américaine, comme l’indique l’approche adoptée au cours des négociations, n’est pas d’empêcher l’Iran de devenir une puissance nucléaire, mais de limiter son statut de puissance nucléaire au domaine civil, sous strict contrôle international, afin de l’empêcher de développer des armes nucléaires.
À l’heure actuelle, il est difficile de savoir si l’administration américaine se contente de faire miroiter la possibilité de reconnaître le droit de l’Iran à enrichir de l’uranium à un faible niveau – ou si elle est réellement disposée à l’autoriser.
Toutefois, même une telle autorisation, et une stricte surveillance de l’enrichissement, pourraient en venir à menacer l’ordre nucléaire mondial, pour les raisons suivantes:
La proposition américaine d’un tel arrangement ignore le fait que l’Iran représente déjà une menace pour l’ordre nucléaire mondial. L’Iran est opposé par principe à la division sur laquelle se base le TNP, entre pays en droit de posséder des armes nucléaires et pays dépourvus de ce droit. Ainsi, des officiels iraniens ont émis des déclarations telles que « les armes nucléaires pour personne, l’énergie nucléaire pour tous ».
« , sous la direction de l’Iran: Il se fera au dépens des anciens alliés des Etats-Unis – l’axe composé par l’Egypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite et les Etats du Golfe. La reconnaissance américaine d’un Iran nucléaire renforcerait considérablement les foyers chiites au Moyen-Orient, qui combattent les sunnites, par exemple au Liban (Hezbollah), en Irak, au Yémen et à Bahreïn.
* A. Savyon est directrice du projet sur les médias iraniens ; Y. Carmon est président du MEMRI.