Dimitri et Jejoen Bontinck [1]
Les médias belges ont dernièrement évoqué le problème des jeunes gens qui quittent la Belgique pour rejoindre le djihad dans diverses zones de guerre. Ils ont entre autres rapporté l’histoire de Dimitri Bontinck, d’Anvers, parti en Syrie à la recherche de son fils de 16 ans, Jejoen, qui a rejoint le djihad contre les forces du régime. Selon un journal belge, le père a été forcé de partir pour la Turquie après des efforts infructueux. [2] Toutefois, selon sa page Facebook, il est à présent de nouveau en Syrie et poursuit ses recherches.
Wael Issam, correspondant pour le quotidien saoudien basé à Londres Al-Sharq Al-Awsat, a rencontré Bontinck père et l’a accompagné lors de sa visite en Syrie. Ci-dessous un résumé de son rapport, publié le 30 avril 2013 dans le journal: [3]
« Un jeune Belge disparu sans laisser de traces il y a deux mois… [jusqu’à] ce que son père le voie combattre avec un groupe djihadiste dans une vidéo »
Le rapport commence en ces termes: « De danseur réputé à combattant salafiste dans les rangs d’une brigade du djihad islamiste… Un jeune Belge, de moins de 18 ans, a disparu sans laisser de traces il y a deux mois – [jusqu’à] ce que son père l’aperçoive brusquement dans une vidéo, en train de combattre avec un groupe djihadiste composé principalement de Belges, dans la ville de Khan Tuman, située dans une région rurale à l’ouest d’Alep ».
Issam a indiqué que le père, qu’il a rencontré au siège d’une association d’avocats syriens à Alep, lui a montré des photos de son fils et des clips vidéo où il danse. Il fait remarquer que le garçon a la peau sombre, du fait que sa mère soit nigériane.
Selon le rapport, le fils, Jejoen, converti à l’islam il y a deux ans, se fait appeler Sayyef Allah (« Epée d’Allah »), et a rejoint le groupe Sharia4Belgium, dirigé par le nord-Africain Abu Imran, alias Fouad Belkacem, arrêté en Belgique. Il ajoute que des dizaines de familles belges ont appris que leurs fils avaient été envoyés au combat en Syrie via des réseaux européens, et que les familles avaient intenté des poursuites contre Abu Imran et d’autres dirigeants de Sharia4Belgium.
Rapport: Bontinck est le premier parent venu d’Occident chercher son fils
Bontinck qui, selon Issam, est le premier parent parti en Syrie à la recherche de son fils, a déclaré: « Ils ont pris mon fils et plus de 40 jeunes hommes de Belgique. Ce n’est pas Jabhat Al-Nusrah [qui a fait cela], mais le groupe de Belkacem. » Et d’ajouter que son fils s’était lié d’amitié à une jeune fille d’Afrique du Nord et qu’à travers elle, il avait appris à connaître les musulmans d’Afrique du Nord. Puis il a brusquement annoncé qu’il était devenu musulman et a commencé à s’absenter pendant de longues périodes.
Bontinck a confié à Issam: « Il a changé ; c’est devenu un étranger. Il portait une djellaba et s’est laissé pousser la barbe, refusait de serrer la main d’une femme – même sa propre tante – et s’est mis à sortir dans la rue avec Sharia4Belgium et à appeler les gens à se convertir à l’islam. La police l’a arrêté plus d’une fois. »
Selon Issam, Bontinck a soudainement perdu le contact avec son fils lorsque celui-ci est parti en Egypte étudier la charia. Au début, il ne s’est pas opposé à sa décision, parce qu’il respectait son choix, mais plus tard, dit-il, son fils est devenu un extrémiste.
Issam raconte qu’il a accompagné Bontinck au siège de la brigade Al-Tawheed, la plus grande faction de combattants d’Alep. Là, le commandant de la brigade, Hajji Mari, et le chef du comité de la charia, assurent au père qu’ils ne recrutent pas d’étrangers dans leurs rangs. Issam suit Bontinck au siège de Jabhat Al-Nusrah, également à Alep, et note qu’à ce moment, en posant la main sur l’épaule du père, il a l’impression qu’elle est bandée – mais le « bandage » s’est ensuite avéré être « une ceinture d’explosifs ».
Bontinck rencontre les commandants de Jabhat Al-Nusrah qui lui disent que son fils se trouve avec un autre groupe
Au siège de Jabhat Al-Nusra, seuls Bontinck et un avocat syrien qui l’accompagne sont autorisés à entrer. Bontinck redoutait d’entrer, écrit Issam, mais l’avocat, Abou Harb, le rassure, lui disant: « Ne vous inquiétez pas, ce ne sont pas des bêtes sauvages comme vous pouvez le lire en Occident. »
Bontinck raconte à Issam qu’au siège, il a rencontré quatre commandants de Jabhat Al-Nusrah qui lui ont dit que son fils se battait avec un autre groupe, dont le nom n’a pas pu être révélé, basé dans une ville des régions rurales du nord d’Alep, qui se trouve sous le commandement d’un islamiste égyptien.
Jour après jour, écrit Issam, Bontinck rencontrait des membres de Jabhat Al-Nusrah: « [Ce] sont des héros ici à Alep. Les gens les perçoivent comme des libérateurs… qui en tant que tels les défendent. Ils m’ont beaucoup aidé dans la recherche de mon fils, m’ont offert une protection contre plusieurs groupes qui m’ont détenu et maltraité… Ce sont des combattants de la liberté ». Il ajoute qu’il s’opposait à la participation de son fils au combat: « Mon fils ne doit pas se battre ici, car il est encore jeune, et ils n’ont pas besoin de lui. »
Issam écrit encore que Bontinck a déclaré: « J’ai vu la destruction et la terrifiante cruauté… Ce régime est inhumain, et il n’est pas étonnant que des extrémistes aient émergé, avec tous ces meurtres et cette barbarie. » Quant aux islamistes qui l’entourent, Bontinck dit dans les quelques mots d’arabe qu’il a appris: « Si vous croyez en Allah, il n’y a aucune crainte. »
Bontinck: « Pourquoi un garçon élevé en Occident par des parents chrétiens viendrait-il mourir ici ? »
Issam conclut son rapport avec la réponse de Bontinck à sa question: pense-t-il que son fils reviendra à la maison avec lui s’il le trouve: « Mon fils est libre de prendre ses propres décisions… [mais] pourquoi un garçon élevé en Occident par des parents chrétiens viendrait-il mourir ici ? »
Bontinck à la recherche de son fils en Syrie – Photos de sa page Facebook (facebook.com/dimitri.bontinck)
« A la recherche du fils Jejoen en Syrie », le 25 avril 2013.
Avec le chef de Jabhat Al-Nusrah à une réunion secrète ; j’ai reçu une « autorisation exceptionnelle pour la photo et l’interview réalisée par le journaliste syrien », 25 avril 2013.
« Rencontre avec des amis à la recherche de mon fils… lieu secret », 25 avril 2013.
« Moi et Abu Harb… Des avocats libres de l’organisation d’Alep rencontrent le cheikh à la recherche de mon fils hier en Syrie – avec Abdul M AshAsh », 25 avril 2013.
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[1] http://www.maghreb.nl/2013/04/16/vader-belgische-jihadist-verlaat-syrie/
[2] Flanders Today, Belgique, 24 avril 2013
[3] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), le 30 avril 2013.