Dans un article paru le 27 avril 2011 dans le Daily Times, journal pakistanais à grand tirage, Daniel Jouanneau, ambassadeur de France au Pakistan, défend la décision française d’interdire le port du voile intégral dans les lieux publics en France. Dans l’article, intitulé « Le niqab et le pacte social français », l’ambassadeur estime en revanche que le niqab est un élément culturel au Pakistan: « Au Pakistan, le niqab fait partie de la culture et des traditions de plusieurs régions. En tant qu’étranger, je le respecte totalement. » Extraits:
« On a beaucoup écrit dans la presse française au sujet de la loi interdisant ‘de se voiler le visage dans les lieux publics’, actuellement en vigueur en France. Si certains commentaires font montre de compréhension vis-à-vis des raisons à l’origine de cette loi, la plupart manifestent étonnement et désapprobation.
D’abord, une précision importante: cette loi porte sur la dissimulation du visage uniquement et donc, s’agissant des musulmans français, elle leur interdit uniquement le port de la burqa et du niqab, nullement celui du hijab.
Pourquoi le parlement français a-t-il considéré comme nécessaire la promulgation d’une telle loi ? Et pourquoi a-t-elle été approuvée à l’unanimité ? La réponse est très simple: de plus en plus de gens en France étaient incommodés et inquiétés par le nombre croissant de femmes portant le niqab. Au Pakistan, le niqab fait partie de la culture et des traditions de plusieurs régions. En tant qu’étranger, je le respecte totalement. Mais ce vêtement est complètement étranger à notre culture et à nos traditions.
« …le niqab, un symbole d’auto-exclusion sociale, en contradiction avec le principe d’égalité des sexes, essentiel pour nous »
Pour faire face à cette situation, notre gouvernement a décidé de lancer un grand débat national. Un comité spécial incluant tous les partis a entendu des centaines de personnes, d’avocats, de guides religieux, de sociologues, de militants pour les Droits de l’Homme, dont un nombre important d’érudits musulmans. Plusieurs d’entre eux considéraient le niqab comme un symbole d’auto-exclusion [sociale], en contradiction avec le principe d’égalité des sexes, essentiel pour nous. Un projet de loi a été élaboré, prenant en compte toutes les recommandations pertinentes. Il a été voté par les représentants élus des Français. C’est aujourd’hui la loi de notre pays.
Il n’y a peut-être que 2000 femmes qui portent actuellement le niqab. Mais ce n’est pas une question de nombre ; c’est une affaire de principe. Peut-être ont-elles librement choisi de porter le niqab, mais elles vivent dans une société où chacun veut voir le visage de l’autre.
« … dans un contexte européen, le port du niqab pourrait susciter des réactions islamophobes «
Cette loi ne vise en aucun cas l’islam. Lors des sessions parlementaires, le représentant musulman a souligné que la situation aurait été tout à fait différente si le Saint Coran avait rendu obligatoire le port du niqab.
La France abrite la plus importante communauté musulmane d’Europe, soit près de 5 millions de personnes. L’islam est donc la deuxième religion de mon pays. Il y a [en France] plus de 2000 mosquées et lieux de culte [musulmans] ; une grande mosquée a dernièrement été inaugurée ; une autre est en voie de construction. Il existe en France des institutions élues représentant le culte musulman.
Avec notre gouvernement, elles travaillent dur pour une intégration réussie de notre communauté musulmane dans la société française. Plusieurs d’entre elles comprennent la nécessité de l’interdiction, vu que dans un contexte européen, le port du niqab pourrait susciter des réactions islamophobes. Comme l’a dit le président du Conseil français du culte musulman, ‘le port de la burqa ou du niqab n’est pas une prescription religieuse. C’est une pratique extrême que nous ne voulons pas voir se développer sur le sol national. Il empêche les femmes d’avoir une vie sociale normale’. »