Voir le débat sous-titré en anglais sur MEMRI TV:
http://www.memritv.org/clip/en/0/0/0/0/0/0/2689.htm .
Voir la page web consacrée à Sayyed Ayad Jamal Al-Din sur MEMRI TV:
http://www.memri.org/subject/en/821.htm
L’écrivain saoudien Dr Turki Al-Hamad: Si nous voulons rejoindre le monde moderne et nous adapter à notre époque, je crois que nous devons séparer l’establishment religieux de l’Etat. L’establishment religieux doit faire partie intégrante de l’Etat, mais ne doit pas lui imposer son hégémonie. Sinon, la souveraineté de l’État est perdue.
Ainsi, les objectifs modernes ne peuvent être atteints que par un Etat moderne aux valeurs modernes – ce qui est impossible dans un Etat religieux.
[…]
Cheikh Khalil Al-Mays, mufti de la vallée de la Bekaa au Liban: Qui étaient les Arabes avant l’avènement de l’islam, et qui sont les Arabes après l’avènement de l’islam ? La réponse est connue de tous.
Modérateur: Vous voulez dire que c’est l’islam qui a donné aux Arabes leur identité.
Cheikh Khalil Al-Mays: Bien sûr, Ils se sont ouverts au monde par l’islam.
Modérateur: Et sans l’islam…
Cheikh Khalil Al-Mays: Ils n’auraient pas quitté la péninsule Arabique.
Modérateur: Soyons encore plus clairs. Vous ne voyez aucune justification à la séparation de la religion et de l’Etat.
Cheikh Khalil Al-Mays: Comment une telle chose serait-elle possible ?
Modérateur: Vous ne croyez pas à une telle séparation ?
Cheikh Khalil Al-Mays: Le prophète Mahomet a établi un Etat religieux, non ?
[…]
Dr Abd El-Mounim Abu Al-Futuh, Frères musulmans en Egypte: Il ne peut y avoir de séparation entre la religion et l’Etat. Cela est vrai de toute l’histoire de l’humanité – que la religion ait été l’islam, le christianisme ou le judaïsme.
Modérateur: Mais en Occident, ils ont bien séparé la religion et l’Etat…
Dr Abd El-Mounim Abu Al-Futuh: La reine d’Angleterre est à la tête de l’Eglise. Rien n’est absolu, tout est relatif. Le plus étrange est qu’alors même que les laïcs arabes – je fais bien sûr allusion aux extrémistes parmi eux – appellent à la séparation de la religion et de l’État, ce sioniste minable, Benjamin Netanyahu, demande à ce qu’Israël soit un Etat juif.
Nous souffrons du contrôle de l’État sur la religion, et non de l’inverse. L’Europe du Moyen-Age souffrait du contrôle de la religion sur le peuple, mais à l’époque moderne, l’Etat contrôle la religion.
[…]
“L’Etat doit fournir eau et électricité aux mosquées, églises et boîtes de nuit.”
Sayyed Ayad Jamal Al-Din, ancien député irakien: Il est nécessaire, d’un point de vue aussi bien religieux qu’humain, de séparer la religion et l’Etat. Il devrait y avoir un tampon entre l’Etat et la religion, afin d’empêcher que la religion ne devienne l’instrument des politiciens, en conséquence de la pression exercée par le système idéologique religieux.
[…]
La religion appartient à l’être humain. L’Etat ne peut pas avoir de religion. L’État est une institution juridique qui n’a ni couleur, ni saveur, ni odeur. Il doit être une institution neutre qui pourvoit des services pour tous. L’Etat doit fournir eau et électricité aux mosquées, aux églises et aux boîtes de nuit.
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Cheikh Khalil Al-Mays: Qui nous gouverne, Arabes ou musulmans, en tant qu’individus ? Allah nous gouverne. Est-il concevable qu’Allah gouverne les individus mais pas la société dans son ensemble ?
[…]
M. Turki Al-Hamad: Nous devons éviter de généraliser. Dire qu’Allah gouverne les individus ainsi que les pays, c’est une généralité. La question est: Allah s’adresse-t-il à nous directement ? Il y a des gens qui écrivent des interprétations. Ce sont des êtres humains, et leurs intérêts et idées propres leur font dépeindre la religion d’une certaine couleur. En parlant de “religion”, on se réfère nécessairement à une dénomination ou interprétation donnée. Ceux qui écrivent ces interprétations imposent leur volonté, pas Allah.
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Sayyed Ayad Jamal Al-Din: Le règne du prophète Mahomet à Médine a produit, entre autres, un phénomène inconnu des Arabes de l’époque pré-islamique: l’hypocrisie. Celle-ci était complètement inconnue des Arabes de l’époque pré-islamique. Ils étaient libres comme le faucon, et plus encore.
Le prophète Mahomet a vécu à la Mecque 13 ans, en tant que messager avertisseur. Il n’avait aucune force de police, ni armée, et pas d’argent. Il a [en outre] vécu pendant 10 ans à Médine, en tant que messager avertisseur, mais disposant également de la puissance militaire, et d’une autorité [politique].
Les hypocrites ont émergé à Médine ; il y a une sourate entière du Coran intitulée “Les hypocrites”. De nombreux versets portant sur l’hypocrisie ont été révélés à Médine. Il n’y avait pas un seul hypocrite à La Mecque. Les gens y étaient soit musulmans ou polythéistes. C’est tout.
“L’Etat idéologique suscite un dédoublement de la personnalité.”
Modérateur: Où voulez-vous en venir ?
Sayyed Ayad Jamal Al-Din: Le premier phénomène négatif de l’Etat idéologique – même sous le règne du prophète Mahomet – est qu’il suscite un dédoublement de la personnalité. L’hypocrisie est une réaction non à la religion, mais à l’Etat idéologisé – même dans un Etat idéologisé régi par le prophète Mahomet lui-même. Alors vous imaginez quand il est gouverné par d’autres. […]
Le but de la religion est de former des êtres humains. [Mais] lorsque les dirigeants ont voulu renforcer leur emprise sur le peuple, ils se sont mis à les intimider avec la religion et l’au-delà, afin de contrôler ces musulmans. [C’est pourquoi] j’estime qu’il devrait y avoir un régime civil. Tous les prophètes, et pas seulement le prophète Mahomet, ont été envoyés pour former des êtres humains, pas pour construire des bâtiments. […]
Cheikh Khalil Al-Mays: La confusion laïque nous vient de l’Église. L’islam, c’est la laïcité, et la laïcité c’est l’islam. Nous n’avons ni hiérarchie, ni clergé. Il n’existe pas de pouvoir du clergé en islam. Ce que nous voulons, c’est le règne du Coran et de la Sunna, plutôt que celui de personnes exerçant le pouvoir comme bon leur semble. […]
Les hypocrites sont apparus à Médine parce qu’il y avait des Juifs qui y vivaient. A la Mecque, il n’y avait que des Arabes, et il n’y avait donc pas d’hypocrisie là-bas. La présence de l’élément juif à Médine a causé l’hypocrisie, même à l’époque du prophète Mahomet.
Comme nous pouvons le constater aujourd’hui, ce même élément juif est la principale source d’hypocrisie dans la politique du monde entier. […]
Vous est moi sommes gouvernés par Dieu. Je ne vous gouverne pas et vous ne me gouvernez pas. Je suis gouverné par le Coran et la Sunna. Je suis gouverné par la charia. Je ne suis pas un dirigeant ; je ne fais qu’appliquer la règle. […]
Dr Abd El-Mounim Abu Al-Futuh: Avec tout le respect dû au cheikh, je suis sûr qu’il ne voulait pas dire que nous sommes gouvernés par Allah. Non, l’Etat est gouverné par la majorité. C’est la majorité qui détermine le système de gouvernement. Certains pensent que lorsque nous parlons d’Etat islamique, nous voulons dire que l’islam, avec toutes ses valeurs, principes et règles, sera imposé au peuple, qu’il le veuille ou non.
C’est une grave erreur. Elle ne peut que produire une armée d’hypocrites, parce que, comme je l’ai dit une fois à l’Université américaine du Caire, nous ne ferions que remplacer le socialiste Abu Za’bal [en prison] par un Abu Za’bal musulman. […]
Il est interdit de diriger un peuple, quel qu’il soit – musulman ou non musulman – selon une quelconque loi, constitution ou charia, sauf si celle-ci est conforme à la volonté du peuple. Si la majorité refuse d’être gouvernée par l’islam, c’est son droit, et il est interdit de lui imposer l’islam. […]
“L’Etat doit être une institution neutre, qui applique la loi civile. La loi humaine, non celle d’Allah.”
Sayyed Ayad Jamal Al-Din: Le cheikh [Al-Mays] dit que c’est Dieu qui gouverne. Ma question est: Quel Dieu ? Le Dieu des musulmans ? Le Dieu des chrétiens ? Le Dieu des juifs ? Il existe plus d’une [façon de se représenter] Dieu. […]
Tout le monde veut instaurer la loi d’Allah. Soyons précis: s’agit-il de faire appliquer la charia, ou non ? Je ne suis pas pour l’instauration de la charia. La charia constitue un engagement personnel. Que vous soyez musulman sunnite, chiite, chrétien ou juif, cela ne regarde que vous. Quant à l’Etat, il devrait être une institution neutre, qui applique la loi civile. La loi humaine, non celle d’Allah. […]
Le cheikh [Al-Mays] a dit que les hypocrites sont les juifs. Absolument pas. Pas un seul des hypocrites [de Médine] n’était juif. Ils étaient tous arabes. À l’époque pré-islamique, l’Arabe était “mon serviteur”. À La Mecque, l’Arabe est devenu “Son serviteur”, le serviteur d’Allah. Et à Médine, l’Arabe est devenu le “serviteur de l’État”. […]
M. Turki Al-Hamad: À mon avis, lorsque la religion devient un Etat, ou devient politisée, elle n’est plus au service de l’unité nationale ou de la stabilité sociale. Dans l’Etat moderne, l’identité du peuple se fonde sur l’identité civique, qui implique l’égalité – entre musulmans et chrétiens, noirs et blancs, hommes et femmes. Mais dans un Etat religieux, il y a nécessairement discrimination, parce que la religion discrimine entre hommes et femmes, hommes libres et esclaves, et ainsi de suite. Donc le fondement même de l’identité civique – l’égalité – est nié.
Modérateur: Existe-t-il une identité civique digne de ce nom dans les pays arabes ?
M. Turki Al-Hamad: Non. Tous parlent d’égalité devant la loi, mais la vérité est que certains groupes sont marginalisés, tandis que d’autres sont privilégiés. […]
Cheikh Khalil Al-Mays: Les Arabes ont-ils connu, depuis l’époque du Prophète jusqu’à la chute du Sultanat ottoman, un régime non religieux – indépendamment du fait que le dirigeant ait été juste ou non ? Il y avait la religion, et il y avait des croyants d’autres religions, et l’islam n’excluait pas les personnes des autres confessions. Au contraire, la charia leur accordait de la latitude… Ils avaient leurs propres loi religieuse, croyances, etc. Ainsi, selon notre jurisprudence, l’identité civique existe bien. Qui a dit que l’islam veut exclure les autres ? L’islam s’efforce de guider les autres. Qu’ils l’acceptent ou non, c’est leur affaire. […]
Dr Abd El-Mounim Abu Al-Futuh: Les peuples occidentaux, qui respectent les Droits de l’Homme, assurent l’égalité, et organisent des élections libres – pas des élections truquées, comme dans le monde arabe… Si vous dites que ces valeurs de l’État moderne sont contraires à l’islam, [je vous réponds que] ce n’est pas vrai. Au contraire: elles ont été inventées par l’islam. Le premier contrat citoyen fut établi par le prophète Mahomet à Médine. […]
Modérateur: Pourquoi ne fonctionne-t-il pas chez nous [Arabes] ? Parce que nous ne l’appliquons pas ?
Dr Abd El-Mounim Abu Al-Futuh: Non, ce n’est pas la seule raison. Il y a des groupes qui se prétendent islamiques, mais qui véhiculent une conception erronée de l’islam aux jeunes de la nation. Si vous enseignez aux jeunes de la nation qu’une femme n’a pas le droit de conduire, qu’est-ce que cela a à voir avec l’islam ? Quand, dans les pays du Golfe, ils prétendent que les femmes n’ont pas le droit de vote, quel rapport avec l’islam ? […]
“Sous le règne de l’islam, il n’existe pas d’égalité. Un musulman n’est pas comme un dhimmi.”
Sayyed Ayad Jamal Al-Din: Tout d’abord, la notion d’identité civique est une notion totalement occidentale. Elle n’a absolument rien à voir avec l’islam. Même le hadith du Prophète, ‘L’amour de la patrie est un élément de la foi’, n’a rien à voir avec la conception moderne d’identité civique, basée sur l’égalité devant la loi. Sous le règne de l’islam, il n’existe pas d’égalité. Aucune égalité. Un musulman n’est pas comme un dhimmi. Le terme ‘dhimmi’ véhicule une grande part de dédain et de mépris. C’est comme si un chrétien disait: “Je suis sous votre protection, sous votre pouce.” Voilà ce que cela signifie…
Modérateur (au Dr Abd El-Mounim Abu Al-Futuh): Il ne vous a pas interrompu…
Sayyed Ayad Jamal Al-Din: La notion d’identité civique est fondée sur l’égalité des droits et des devoirs, mais sous le règne de l’islam, musulmans et non-musulmans ne sont pas égaux – ni en devoirs, ni en droits. […]
L’ancien régime taliban en Afghanistan représentait un pouvoir purement islamique et sunnite. [On peut trouver un exemple de] régime clairement chiite dans le pouvoir du Légiste de la jurisprudence, qui prétend se substituer au prophète Mahomet et… Il est l’équivalent d’Allah sur Terre.
Quiconque veut l’application de la charia doit aller voir du côté du gouvernement taliban ou du gouvernement des ayatollahs en Iran. Autrement, il devrait tendre vers le régime occidental des croisés, infidèle, qui a créé la Nouvelle-Zélande et le Canada, par exemple, ainsi que les Droits de l’Homme et la notion de libertés. Ces Droits de l’Homme n’existent pas dans l’islam. […]
“La combinaison du Coran et de l’épée est dangereuse ; elle est plus dangereuse que la technologie nucléaire.”
Membre de l’auditoire: Je suis chrétien, et j’ai été exilé d’Irak. Il y a des milliers de réfugiés chrétiens ici, au Liban. Je voudrais demander à Sayyed Ayad si c’est l’islam ou la politique qui nous a exilés d’Irak. […]
Ayad Jamal Al-Din: La combinaison du Coran et de l’épée est dangereuse ; elle est plus dangereuse que la technologie nucléaire. Aujourd’hui, les gens sont exilés pour des motifs religieux et communautaires. Les chrétiens ont été exilés d’Irak, de même que les Sabéens… Les pacifiques yezidis d’Irak ont été attaqués. Il ne reste que quelques rares Sabéens en Irak, alors même qu’ils représentent une communauté pacifique.
L’expulsion communautaire est perpétrée au nom d’Allah. Nous avons eu droit à un émir qui massacrait la population en louant Allah. Aujourd’hui, on tue au nom d’Allah, on expulse au nom d’Allah, on met le feu aux habitations au nom d’Allah.
Ce n’est pas nouveau. On a assisté à des faits similaires dans le passé. Un émir des musulmans venu de Tunisie, alors appelée “Afrique”, a vendu en esclaves un million de garçons à Damas, la capitale des Omeyyades. En outre, 300 000 fillettes âgées de 5 à 6 ans ont été vendues comme filles-esclaves. 1.3 million d’enfants furent arrachés à leurs mères et les pères et vendus comme esclaves. Est-ce pour cela que le prophète Mahomet a été envoyé ?! A-t-il été envoyé pour assujettir les gens ? Pour les vendre comme esclaves sur les marchés de Damas, du Caire et de Bagdad ? […]
“L’union de la laïcité d’Atatürk et du soufisme de Jalal Al-Din Rumi est le seul espoir de survie des musulmans en tant que nation”
L’union de la laïcité d’Atatürk et du soufisme de Jalal Al-Din Rumi est le seul espoir de survie des musulmans en tant que nation, de survie de l’islam en tant que religion, de survie de l’humain chez le musulman. […]