Dans un discours de mai 2010 donné dans le cadre de l’Organisation pour l’honneur de l’imam Khomeiny, Hadi Khamenei, frère cadet du Guide suprême iranien Ali Khamenei, a durement critiqué la politique de son frère, laquelle permet à des membres du cercle messianique Hojjatieh d’infiltrer les rangs du régime – en violation flagrante des instructions du fondateur de la Révolution islamique, l’ayatollah Ruhollah Khomeiny.
Dans les années 1980, le mouvement Hojjatieh en Iran, selon lequel aucun gouvernement islamique ne doit être établi avant l’apparition de l’Imam caché (le messie des chiites), entre en conflit avec l’ayatollah Khomeiny. En 1983, les membres du mouvement annoncent qu’ils mettent un terme à leurs activités, en raison de la ferme opposition religieuse de l’ayatollah Khomeiny à leurs vues ; depuis, ils ont été tenus à l’écart de la vie politique et religieuse iranienne. Mais après la nomination d’Ali Khamenei comme Guide suprême, et surtout après l’arrivée au pouvoir du président iranien Mahmoud Ahmadinejad, ils sont revenus sur le devant de la scène, et aujourd’hui, leur influence sur les centres du pouvoir iraniens ne cesse de croître. Ahmadinejad est apparemment affilié au groupe Jamkaran au sein du mouvement Hojjatieh, lui-même dirigé par le mentor du président, l’ayatollah Mohammad Taqi Mesbah Yazdi. [1]
Les critiques de Hadi Khamenei à l’encontre de son frère, le Guide suprême Khamenei, portent sur la légitimation des cercles messianiques de la Hojjatieh, ceux-ci ayant pénétré le régime et y ayant imposé leur vision messianique. Les cercles messianiques évoquent fréquemment la venue imminente de l’Imam caché ; en cela, ils sont critiqués par les ayatollahs traditionnels, qui rejettent la légitimation et la politisation du courant chiite messianique.
Dans son discours du mois dernier, Hadi Khamenei a évoqué la possibilité d’un coup d’Etat messianique au sein du régime révolutionnaire islamique, lequel serait orchestré par ceux-là mêmes qui s’étaient dans le passé opposés à la voie du fondateur de la Révolution islamique, l’ayatollah Khomeiny.
Il convient de noter que le quotidien Hayat-e No de Hadi Khamenei a été fermé par le régime en décembre 2009 en raison de son opposition à Ahmadinejad.
Voici les principaux points du discours de Hadi Khamenei: [2]
Ceux qui avaient été écartés de l’ayatollah Khomeiny interprètent aujourd’hui ses dires
« …L’un des dangers qui menacent la Révolution [islamique] et la ligne [idéologique] de l’Imam [l’ayatollah Khomeiny] est la présence de ceux qui avaient été écartés de l’imam [Khomeiny] avant la Révolution et faisaient partie de ses adversaires. Tous les amis de l’imam [Khomeiny] et de la Révolution attestent que ces éléments, qui n’étaient pas du tout proches de la ligne [idéologique] de l’imam, se permettent aujourd’hui d’offrir leur point de vue sur la pensée de l’Imam [Khomeiny] et d’interpréter sa ligne [de pensée].
Aujourd’hui, ils peuvent être considérés comme dangereux pour la Révolution [islamique]. Bien sûr, il n’est pas possible de formuler un avis clair sur leur mode de fonctionnement, celui-ci étant très tortueux. »
La population doit être mise en garde face au mouvement Hojjatieh, qui pourrait l’induire en erreur
« En fait, il faut dire que l’association de la Hojjatieh est l’une des branches de ce courant [messianique] ; certains disent qu’elle est au cœur de la faction opposée à l’Imam [Khomeiny] tout en prétextant soutenir sa voie. La génération actuelle n’en est pas consciente et pourrait se trouver induite en erreur par ce courant. Les partisans de la Révolution doivent révéler la vérité.
Malheureusement, la plupart des médias du pays se trouvent entre les mains de ce mouvement ; ils ont réussi à imposer leur façon de penser à la société et à infiltrer le régime par une ‘guerre douce’, afin de ne pas être identifiés. C’est un problème très dangereux, vu que ce qui caractérise une ‘guerre douce’, c’est que personne ne la remarque… »
Le Guide suprême Khamenei permet également aux militaires de faire de la politique – ce à quoi l’ayatollah Khomeiny était opposé
« L’une des instructions [les plus] claires de l’Imam [Khomeiny] fut son interdiction de toute ingérence militaire dans les affaires politiques. Et pourtant il y a eu ingérence… en violation des instructions de l’imam – et [certains] le justifient.
Il convient maintenant de demander clairement à ce mouvement [la Hojjatieh] quelle est sa position par rapport aux instructions de l’imam. »
[1] Ce groupe radical chiite a été nommé d’après la mosquée de Jamkaran près de Qom, qui, selon la croyance chiite, est le lieu où l’Imam caché a disparu et où il réapparaîtra. Le gouvernement d’Ahmadinejad a investi des sommes immenses pour faire de cette mosquée un lieu de pèlerinage.
Il n’existe aucune preuve de l’appartenance d’Ahmadinejad à la Hojjatieh ; il est en revanche clair qu’il partage leurs croyances messianiques et leur orientation idéologique. Pour plus d’informations sur les croyances messianiques d’Ahmadinejad, voir l’Enquête et analyse n° 357 du MEMRI « The Doctrine of Mahdism: In the Ideological and Political Philosophy of Mahmoud Ahmadinejad and Ayatollah Mesbah-e Yazdi »: http://www.memri.org/report/en/0/0/0/0/0/0/2217.htm et l’Enquête et analyse n° 229 du MEMRI « Iran’s ‘Second Islamic Revolution’: Fulfilled by Election of Conservative President »: http://www.memri.org/report/en/0/0/0/0/0/0/1402.htm .
[2] ILNA (Iran), 31 mai 2010.