Le 31 octobre, le quotidien saoudien Al-Watan publie un article sur la crise sans précédent des relations entre le Yémen et l’Iran, dans le double contexte de la poursuite des hostilités entre le gouvernement yéménite et les rebelles houthis dans la région de Saada au nord du Yémen, et de l’attitude du gouvernement yéménite à l’encontre de l’Iran, accusé de soutenir les rebelles. L’article fait état d’une appréhension croissante en Arabie saoudite concernant les ramifications des activités iraniennes au Yémen et dans la Mer Rouge. Points forts de l’article:
Le gouvernement yéménite craint que le soutien iranien aux Houthis n’ait pour objectif de miner la stabilité au Yémen et de transformer le pays en arène de guerre
Selon l’article, l’annonce par le gouvernement yéménite de la capture d’un bateau iranien transportant des armes à destination des Houthis [1] signifie que les relations entre le Yémen et l’Iran se trouvent à un tournant: “Bien que Téhéran ait réfuté les rapports faisant état de la capture sur la côte yéménite d’un vaisseau iranien transportant des armes perforantes à destination des rebelles houthis, l’incident a contribué à la détérioration des relations entre le Yémen et l’Iran, jusqu’à atteindre [ce point critique]. Il semblerait que la colère de Sanaa face aux ingérences iraniennes croît avec la conviction des hauts responsables yéménites que l’Iran trouve de plus en plus de moyens de soutenir les Houthis – par des fonds, des armes ou le soutien des médias.
Les tensions ont atteint un pic il y a deux semaines, avec l’annulation par Sanaa du voyage du ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki, qui venait discuter des relations entre les deux pays, lesquelles se trouvent dans une phase critique depuis l’éclatement, il y a dix semaines, de la sixième guerre entre l’armée yéménite et les Houthis.
Selon Al-Watan, le gouvernement yéménite craint que le soutien iranien aux Houthis n’ait pour objectif de miner la stabilité au Yémen et de transformer le pays en arène de guerre, menaçant ainsi l’Arabie saoudite. On peut y lire: “Sanaa évoque encore en [langage] diplomatique le soutien de l’Iran aux Houthis, affirmant que [certains] éléments au sein de l’establishment religieux iranien en sont à l’origine, et non les dirigeants iraniens. Toutefois, des éléments qui suivent les relations entre le Yémen et l’Iran confirment que la patience de Sanaa a été mise à dure épreuve par les ingérences iraniennes dans les affaires intérieures [du Yémen] et qu’il n’est pas exclu que les Houthis aient des contacts directs avec des responsables iraniens de haut rang.
Ces mêmes éléments estiment qu’en s’ingérant davantage [au Yémen], Téhéran entend transformer le Yémen en arène de conflit régional, dans le cadre de la querelle qui l’oppose à plusieurs pays de la région, augmentant ainsi les tensions dans la région, sensible en termes de sécurité du Royaume [d’Arabie saoudite].”
“Il existe en Erythrée un camp d’entraînement des forces de soutien aux Houthis, qui bénéficie de l’appui et du soutien de l’Iran”
Le journal souligne que la préoccupation du Yémen se trouve accrue par l’ampleur des activités iraniennes dans la Mer Rouge, lesquelles ont pour but d’équiper et d’entraîner les Houthis: “Sanaa redoute l’éventualité d’un grand plan régional dans le but de faire de la Mer Rouge, et notamment des régions proches de la Côte d’Erythrée, une sphère d’influence iranienne. Il y a dernièrement eu de nombreux rapports relatifs au rôle de l’Erythrée dans la région, dont le but serait d’assurer le transport des armes iraniennes aux rebelles – armes qui arrivent dans des bateaux se déplaçant entre la côte d’Erythrée et le port de Maydi au Yémen. Ceci à la lumière de la [récente] capture de plusieurs bateaux transportant des armes aux Houthis.
Le journal cite Bashir Ishaq, un adversaire érythréen chargé des relations étrangères pour l’Alliance démocratique d’Erythrée [2] ; il affirme qu’il “existe un camp d’entraînement des forces de soutien aux Houthis, qui bénéficie de l’appui et du soutien de l’Iran, dans la région de Dengolo, à l’Est de la ville de Ginda [à une trentaine de km d’Asmara, capitale de l’Erythrée].” Ishaq met en garde contre “la dimension dangereuse de la récente coopération entre l’Iran et l’Erythrée, qui constitue une menace à la sécurité générale de la région et de ses pays.” Il ajoute que “l’Iran a des objectifs et des intérêts qu’il s’efforce d’atteindre et qui font partie de sa stratégie pour étendre son influence dans la région de la Mer Rouge.”
Al-Watan rapporte que le gouvernement yéménite détient des informations selon lesquelles “il existe des camps d’entraînement houthis en Erythrée, lesquels comportent des unités du Corps des Gardiens de la Révolution islamique. On estime qu’ils entraînent les rebelles et les équipent avec des armes via le port d’Erythrée d’Asab. [Ces unités] facilitent les mouvements des rebelles du port d’Asab vers le port de Maydi au Yémen – une distance de quelques km seulement”.
Suite à la publication du rapport dans Al-Watan, l’Erythrée a nié l’existence de camps d’entraînement iraniens pour les Houthis sur son sol, dans une déclaration émise par son ambassade de Riyad. Elle a en outre déclaré n’avoir aucune intention de déstabiliser le Yémen ou la région et qu’elle maintenait des liens forts avec les autres pays de la Mer Rouge, c’est-à-dire le Yémen, l’Arabie saoudite, l’Egypte et le Soudan. [3]
L’Iran s’efforce d’obtenir le contrôle d’un port du Yémen
Le rapport affirme en outre que l’Iran s’efforce de prendre le contrôle du port du Yémen et qu’il a présenté au gouvernement yéménite une “requête relative aux investissements iraniens dans le port de Maydi, mais le gouvernement [yéménite] a refusé de répondre à la requête. De même, les médias yéménites rapportent que des personnes proches du régime [iranien] liées aux Houthis avaient acquis des terres importantes à Maydi pour les rebelles houthis. En outre, suite à la capture d’un bateau iranien à proximité de Maydi, des sources de la province de Hajjah [au Yémen] ont rapporté que les autorités locales de la sécurité avaient appréhendé plusieurs personnes impliquées dans la contrebande, le transfert et l’approvisionnement d’armes au mouvement rebelle.
Cela renforce l’hypothèse du soutien de Téhéran au mouvement rebelle au moyen de ce [port, se trouvant dans une région] qui n’a pas suscité un grand intérêt de la part du [gouvernement du] Yémen. Cela a motivé les autorités yéménites à accroître leur présence sécuritaire dans cette région et à la renforcer afin de bloquer tout possibilité de soutien des Houthis.
Al-Watan ajoute que des sources de la province de Hajjah au Yémen “se sont déclarées préoccupées par le fait que les régions sans forces militaires ne soient utilisées à la contrebande d’armes et de fonds à destination des Houthis, notamment après le trafic accru observé dans ces régions durant la dernière guerre – en contraste avec la situation actuelle – lors d’un cessez-le-feu…
Un commandant houthi, le cheikh Abdallah Al-Mahdoun, qui [s’est rendu], a révélé [en octobre 2009] le rôle que l’Iran a joué en attisant les flammes du conflit à Saada, reconnaissant dans une interview que les “Houthis ont reçu une aide illimitée en armes et en approvisionnement, sous la surveillance du Corps de Gardiens de la Révolution islamique ainsi que d’experts du Hezbollah.” [4] Il ajoute que le “leader rebelle” Abdel Malik Al-Houthis lui avait dit que les choses allaient bon train et que c’est ainsi qu’ils rétabliraient [la gloire de] la culture persane, sans s’arrêter devant aucune frontière.”
[1] Voir “Yemen Seizes Iranian Weapons Ship,” 27 octobre 2009, http://www.thememriblog.org/blog_personal/en/21362.htm.
[2] L’Alliance démocratique d’Erythrée est une organisation qui parraine 13 mouvements d’oppositions érythréens.
[3] Al-Watan (Arabie saoudite), 1er novembre 2009.
[4] Voir “Former Houthi Leader: Iran Funding, Training Houthi Rebels,” 15 octobre 2009, http://www.thememriblog.org/blog_personal/en/20943.htm.