Le magazine hebdomadaire Nichane est de retour dans les kiosques depuis le 17 mars 2007, après deux mois d’interruption pour avoir publié des plaisanteries sur l’islam.
Dans son numéro du 9 décembre 2006, l’hebdomadaire en langue arabe avait publié à la une un article intitulé: « Plaisanteries: comment les Marocains plaisantent de religion, de sexe et de politique. » L’article cite des plaisanteries sur Allah, le Prophète Mahomet et la famille royale du Maroc.
Il n’a fallu que quelques jours pour qu’un site marocain et des organisations islamistes locales entreprennent de publier des condamnations, certains accusant l’équipe de Nichane d’apostasie. Le 20 décembre 2006, le Premier ministre marocain Driss Jettou interdisait la publication du magazine, tandis que des dispositions étaient prises contre l’auteur de l’article incriminé, Sana’ Al-‘Aji, et le directeur du magazine, Driss Ksikes, pour « offense à la religion islamique, publication et distribution d’écrits contraires à la morale et aux bonnes mœurs. » [1] Le 15 janvier, les deux journalistes étaient condamnés à un sursis de trois ans de prison et à près de 10 000 dollars d’amende. En outre, la publication du magazine était suspendue pour deux mois supplémentaires.
Malgré cette peine, Al-‘Aji est resté avec Nichane, tandis que Driss Ksikes a préféré démissionner. [2]
Il semblerait que les élections parlementaires à venir de 2007 aient influencé les réactions à l’affaire. Les sondages d’opinion donnent le PJD (islamiste) grand favori des électeurs, tandis que, selon la presse marocaine, le gouvernement serait en état de « panique ». [3] Les dispositions prises par le gouvernement contre le magazine, et les motifs religieux présentés dans sa déclaration officielle, ressemblent fort à des tentatives pour se draper d’islam à la veille des élections et regagner ainsi une partie de l’électorat perdu au profit des islamistes.
De l’autre côté, le PJD, qui s’est efforcé de faire figure de parti modéré (concernant tout au moins les affaires intérieures) afin de ne pas risquer sa victoire électorale attendue, a eu une position plus nuancée, l’un des responsables du parti exprimant même sa sympathie pour l’équipe de Nichane « en tant que journalistes et en tant qu’individus » – mais condamnant néanmoins très clairement le contenu de l’article.
Consulter le rapport de MEMRI en anglais, contenant des extraits de l’article controversé et des réactions consécutives, ainsi que des articles sur la liberté de la presse au Maroc sur http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=ia&ID=IA34707
[1] Aujourd’hui le Maroc (Maroc), 22 décembre 2006.
[2] http://nichani.wordpress.com/, 17 mars 2007.
[3] Le Journal hebdomadaire (Maroc), 25 décembre 2006.