Les propos suivants ont été prononcés lors d’une interview de l’activiste égyptienne pour les Droits de la femme Nawal Saadawi sur la chaîne satellitaire Al-Arabia, le 3 mars 2007.
Visionner les extraits vidéo surhttp://www.memritv.org/search.asp?ACT=S9&P1=1396
Interviewer: « Quelle que soit la raison de votre départ [d’Egypte], cela, comme disent certains, ne change rien au fait que vous ayez été accusée de mépriser les religions monothéistes, y compris l’islam, et de blasphème. N’est-ce pas vrai ?
Nawal Saadawi: « Par Allah, je suis écœurée par ces accusations. Ca suffit. Si c’est à cela que nous sommes arrivés dans notre pays, les Arabes finiront par s’éteindre. Ils seront vaincus et disparaîtront. Nous sommes devenus une des nations les plus arriérées, au nom de la soi-disant religiosité et du commerce de la religion. Ca suffit. Ca suffit avec la religion, nous voulons gagner notre pain. »
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« Comment un homme de la rue peut-il poursuivre en justice l’auteur de 45 ouvrages [Nawal Saadawi] ? Le monde est-il chaotique ? »
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« Je ne suis pas responsable du fait que des prétendus intellectuels ne comprennent pas ce que j’écris, ou que de prétendus journalistes publient des bêtises. Ce que je dis c’est que Dieu est une âme, et non pas un corps physique. Un corps est sexué, n’est-ce pas ? Un corps est masculin ou féminin, mais Dieu est une âme et un symbole. Donc il ne doit être ni masculin, ni féminin. »
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« Vos questions sont écœurantes. »
Interviewer: « Et pourquoi donc ? »
Nawal Saadawi: « Vous me citez tous ceux qui m’insultent et m’accusent d’hérésie, bien qu’il y ait des milliers et des millions de personnes qui écrivent sur Internet qu’elles me soutiennent et qu’elles soutiennent [ma fille] Dr. Mona. Ce sont des gens intelligents et éclairés. Pourquoi ne m’apportez-vous pas [de citations de] tous ces gens-là ? »
Interviewer: « Parce que nous voulons vous faire entendre un autre point de vue. »
Nawal Saadawi: « D’accord, j’en ai assez du point de vue des ignorants. Montrez-moi un point de vue éclairé. »
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Interviewer: « Certains pensent que vous faites exprès d’évoquer des questions polémiques, sachant préalablement qu’elles provoquent les autres. N’est-ce pas vrai ? »
Nawal Saadawi: « [Pensez-vous que] j’en ai besoin ? Ai-je le temps de… Je suis occupée par mes écrits. Je viens d’avoir 75 ans et je suis médecin. Je suis un des plus grands médecins et écrivains ; j’ai remporté des prix internationaux. Pourquoi vous provoquerais-je ? Ai-je le temps de vous provoquer ? »
Interviewer: « Pensez-vous que vos livres auraient été traduits en autant de langues s’ils ne contenaient pas ce genre de provocations ? »
Nawal Saadawi: « Et comment les livres de Nagib Mahfouz ont-ils été traduits ? Et comment a-t-il eu le prix Nobel ? Si je reçois le prix Nobel – et je le recevrai -, vous continuerez à dire: ‘Elle écrit pour l’Occident.’ »
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« J’écris en sachant que je serai emprisonnée. Je n’ai pas peur. Je ne veux pas devenir ministre. J’aurais pu être ministre de la Santé ou Premier ministre si j’avais dit ‘oui’ à Nasser, à Sadate et à Moubarak. »
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« Le voile [musulman] n’a rien à voir avec les valeurs morales. Les valeurs morales de la femme se reflètent dans ses yeux, dans sa façon de parler et dans sa conduite. Elles portent le voile, vont s’exhiber sur de hauts talons et mettent du rouge à lèvres. Elles mettent des jeans serrés et dévoilent leurs ventres. Elles font cela en Egypte. »
Interviewer: « Justement, je voulais vous interroger sur ce sujet. Vous parlez d’islamisation et d’américanisation des vêtements féminins en Egypte. En d’autres mots, vous critiquez le voile pour son islamisation, et le jeans pour son américanisation. Alors, comment voulez-vous que la femme s’habille ? »
Nawal Saadawi: « [Qu’elle s’habille] comme l’homme. Portez-vous le voile ou exposez-vous votre ventre ? Vous portez des vêtements convenables. Je porte [aussi] des vêtements convenables. Je ne mets pas de jeans qui découvre mon ventre, et je ne me couvre pas la tête. Vous pouvez reconnaître ma morale à ma voix, à la façon dont je vous regarde et à la façon dont je me tiens. »