Dans une article du quotidien londonien Al-Sharq Al-Awsat intitulé « Ne vous jetez pas dans la perdition », l’éminent cheikh saoudien Abd Al-Muhsin Al-Obikan [1] critique les actions du Hezbollah. [2] Il écrit que le Hezbollah n’est pas habilité à déclarer le djihad et qu’il y a plus à perdre qu’à gagner de son action. Il ajoute que puisque les musulmans n’ont aucune chance de gagner cette campagne contre les Juifs, une solution provisoire est nécessaire – sur l’exemple de la trêve de Hudaybiyya (en 628 avant J.C.) entre le prophète Mahomet et les polythéistes de la Mecque. [3] Extraits:
Plusieurs personnes entreprennent des tâches qui ne sont pas de leur ressort – comme (de déclarer) le djihad pour Allah
« Dans le déluge des événements qui ont dernièrement secoué le pays, et pris au cœur des furieux combats, on en vient à rechercher l’aide et la direction d’Allah – d’autant plus que certains entreprennent des actions qui ne sont pas de leur ressort. Celles-ci incluent le djihad pour Allah, quand la noble Sharia islamique a clairement déterminé (qui est en droit de déclarer le djihad).
La noble Sharia établit que l’on doit rechercher et maximaliser les gains tout en évitant et en réduisant au minimum les pertes, ainsi que l’établit un principe (religieux) bien connu. Un autre principe de la Sharia établit qu’il est plus important d’éviter les pertes que de faire des gains.
La Sharia met des conditions et des limites à la déclaration du djihad ; il faut en tenir compte afin d’assurer le maximum de gains à la nation et de lui épargner des pertes – afin de limiter les dégâts. L’une de ces conditions est que (les combattants du djihad) doivent avoir la capacité d’atteindre l’ennemi et de repousser le mal, afin d’assurer la vie, la propriété et l’honneur des musulmans, et de les préserver de l’agression, du mal, de la destruction de leur propriété, de la violation de leur honneur et des effusions de sang. »
Ceux qui déclarent le djihad sans être sûrs de gagner violent la sharia
« En l’absence des forces nécessaires (pour vaincre l’ennemi), ceux qui déclarent le djihad violent le principe (religieux) établissant que les gains doivent être plus importants que les pertes. Le Coran et la Sunna insistent sur ce principe. Allah a dit: « Ô Prophète ! Pousse les croyants à combattre. S’il se trouve parmi vous vingt personnes déterminées, elles auront le dessus sur deux cents personnes, et s’il se trouve parmi vous cent personnes (déterminées), elles auront le dessus sur mille impies, parce que (les non croyants) ne comprennent pas (…) Pour le présent, Allah a allégé votre fardeau, car il sait qu’il y a de la faiblesse en vous. Donc, s’il se trouve parmi vous cent personnes déterminées, elles auront le dessus sur deux cent personnes, et s’il se trouve parmi vous mille (personnes déterminées), elles auront le dessus sur deux milles personnes, si Allah le veut. Allah est avec ceux qui tiennent bon (Coran, 8:65-66).
De ce verset qui exprime l’allègement du fardeau (par Allah), plusieurs dignitaires religieux, commentateurs du Coran et oulémas ont conclu que les combattants musulmans doivent éviter (de se battre) si le nombre d’ennemis est plus de deux fois plus important que le nombre de musulmans. C’est ce que le Prophète nous a expliqué dans sa Sunna, par (ses) paroles et actions. Il a agi conformément aux paroles d’Allah: ‘Ne vous jetez pas dans la perdition, et faites le bien (aux autres) ; il est certain qu’Allah aime ceux qui font le bien (le Coran, 2:195)’ (…)
(Mahomet) a consenti à ce que (le commandant militaire) Khaled bin Al-Walid et ses hommes fuient l’ennemi dans la bataille de Mu’ta (en 629 avant J.C.) en raison du plus grand nombre (d’ennemis). Les Compagnons du Prophète pensaient que fuir (la bataille) était interdit, disant: ‘Nous sommes des fuyards.’ Mais (Mahomet) a répondu: ‘Vous vous retirez afin d’attaquer (plus tard)’ (…) Ainsi, au temps où le Prophète se trouvait à la Mecque, Allah ne lui a pas permis de mener un djihad défensif, parce qu’il n’en avait pas la possibilité. »
La situation du Prophète et des polythéistes ne peut pas être comparée à celle des Palestiniens et des Juifs
« En comparant la situation du Prophète et de ses hommes lors de la signature de la trêve (hudna) d’Al-Hudaybiyya et de la paix (sulh) avec les polythéistes, et la situation actuelle de nos frères palestiniens vis-à-vis des Juifs, nous nous apercevons que le Prophète et ses frères étaient dans une situation plus dangereuse et nuisible (que les Palestiniens vis-à-vis des Juifs).
Ainsi, si certains disent – dans le but d’empêcher une trêve ou la paix – que les Juifs désacralisent Jérusalem (et qu’il faudrait donc déclarer le djihad), ce n’est pas une raison suffisante. Nous leur répondons que les polythéistes (aussi) ont désacralisé la Kaaba et le Haram (emplacement sacré de la Mecque), et de plus, qu’il existe un consensus selon lequel la mosquée Al-Haram de la Mecque est plus importante que Jérusalem et bénéficie d’un statut supérieur.
S’ils affirment que l’on souille Jérusalem, (et que nous devrions donc mener le djihad), nous leur répondons que les polythéistes ont souillé la Kaaba en associant (d’autres déités à Allah – et le Prophète a néanmoins signé une trêve avec eux). Et s’ils disent que les Juifs sont le peuple le plus mauvais et le plus agressif qui soit envers les musulmans, nous leur dirons que les polythéistes sont plus impies que les Juifs, et qu’il existe un consensus selon lequel Ahl Al-Kitab (le peuple du Livre) – dont les Juifs font partie – sont plus proches des musulmans que les polythéistes (…)
S’ils disent que l’on persécute, opprime et atteint le peuple de Palestine, nous répondons que les infidèles ont agi de même, et ont fait pire encore, aux musulmans de la Mecque. Certains (des musulmans de la Mecque) ont été tentés d’abandonner leur religion, ont été torturés, fouettés, emprisonnés, tués et atteints de diverses façons. »
La paix ou la trêve avec les Juifs, ou des solutions pacifiques et diplomatiques, c’est ce qu’il nous faut à présent.
« Si nous savons tout cela et comparons les deux cas, il devient clair que faire la paix ou une trêve avec les Juifs, ou trouver des solutions pacifiques et diplomatiques, c’est ce qu’il faut à présent. Il doit en être ainsi jusqu’au moment où les musulmans auront la capacité de rétablir leurs droits et jusqu’à ce que la condition d’un potentiel (suffisant) soit remplie, et que la Sunna du Prophète, en parole et en action, puisse être appliquée (…)
Si nous répondons à ces appels hâtifs, émotionnels et imprudents, nous ne réussirons jamais et n’atteindrons jamais nos objectifs. La preuve en est l’action du Hezbollah au Liban, qui a indépendamment pris la décision de (mener la) guerre. Cette décision n’est pas venue (de la source naturelle des décisions: le gouvernement libanais) ; il n’y a pas eu d’accord relatif à la déclaration de guerre contre les Juifs et pas de prise en compte des intérêts (primordiaux). La capture des deux soldats juifs – considérée par (le Hezbollah) comme un gain, a (en vérité) conduit au désastre et à des pertes évidentes.
Voilà ce que nous avons obtenu en échange (de la capture) des Juifs: un de nos pays a été entièrement détruit ; ses infrastructures ont été sérieusement endommagées ; ses habitants ont été expulsés et ont connu la famine ; (plusieurs d’entre eux) ont été tués, les musulmans ont été affaiblis, divisés (…)
« Mon conseil à mes frères musulmans est de laisser les décisions fatidiques (…) aux dirigeants de la nation
Il est regrettable que des gens ordinaires, qui ne savent pas et ne comprennent pas, aient décidé d’interférer sur des sujets importants de ce type. Seuls les dirigeants et les commandants sont habilités à prendre des décisions les concernant. Ainsi que les érudits religieux l’ont décrété, (la décision de la guerre) doit venir du dirigeant (…) Mon conseil à mes frères musulmans est de laisser aux dirigeants les décisions relatives au destin de la nation, à la guerre et à la paix, et de consulter les oulémas instruits et les personnes connues pour leurs sages conseils, afin de décider de ce qui est préférable.
[1] Pour plus d’informations sur le cheikh Al-Muhsin Al-‘Obikan, voir:
MEMRI Inquiry and Analysis No. 287, « Egyptian Sheikh Dr. Abd Al-Sabour Tantawi – Islamic Reformist: A Religious and Intellectual Profile, » July 13, 2006, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=ia&ID=IA28706 ;
MEMRI Inquiry and Analysis No. 260, « Reeducation of Extremists in Saudi Arabia, » January 18, 2006, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=ia&ID=IA26006 ;
MEMRI Special Dispatch No. 1099, « Saudi Clerics Criticized Following Death of Hundreds in Mecca Stampede: ‘We Must Stop the Disregard for Human Life Based on Rulings That Adhere [Strictly] to the Written Word,' » February 23, 2006, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=sd&ID=SP109906 ;
MEMRI Special Dispatch No. 956, « Moderate Senior Saudi Cleric Sheikh Al-‘Obikan in Lectures and Writings: Jihad in Iraq is Illegitimate; The Muslim Brotherhood’s Ideology is the Cause of Terrorism, » August 12, 2005, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=sd&ID=SP95605 ;
MEMRI Inquiry and Analysis No. 245, « Anti-Soccer Fatwas Led Saudi Soccer Players to Join the Jihad in Iraq, » October 7, 2005, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=ia&ID=IA24505 ;
MEMRI Inquiry and Analysis No. 206, « A Saudi Public Debate on Women’s Participation in the Municipal Elections, » February 11, 2005, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=ia&ID=IA20605 ;
MEMRI Special Dispatch No. 896, « Reactions and Counter-Reactions to the Saudi Clerics’ Communiqué Calling for Jihad in Iraq, » April 21, 2005, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=sd&ID=SP89605 ;
MEMRI Special Dispatch No. 968, « Leading Progressive Qatari Cleric: By Permitting Suicide Operations, Al-Qaradhawi and His Ilk Have Caused a Moral Crisis in Islam, » August 25, 2005, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=sd&ID=SP96805 ;
MEMRI Special Dispatch No. 971, « Sheikh Al-Qaradhawi and Other Islamic Scholars Debate Suicide Operations in a Counter-Terrorism Conference, » August 26, 2005, http://www2.memri.org/bin/articles.cgi?Page=archives&Area=sd&ID=SP97105.
[2] Al-Sharq Al-Awsat (Londres), 27 juillet 2006.
[3] La trêve de Hudaybiyya, signée en 628 entre le prophète Mahomet et ses ennemis de la Mecque, la tribu de Quraysh, était pour une durée de 10 ans.