Voici des extraits d’une interview de Camelia Sadate, fille de l’ancien président égyptien Anouar Sadate, diffusée sur la chaîne télévisée égyptienne Dream 2 le 8 janvier 2006.
VISIONNER L’EXTRAIT VIDEO SUR http://www.memritv.org/Search.asp?ACT=S9&P1=1018 .
Interviewer: Comment avez-vous été mariée à l’âge de douze ans ?
Camelia Sadate: C’est une question qu’il aurait fallu poser à feu Gamal Abdel Nasser, ancien président, et à feu Anouar Sadate, ancien président, mon père, qui était à l’époque président du parlement…
Interviewer: Ils ont légiféré une loi spécialement pour vous…
Camelia Sadate: Et pour feu Abdel Hakim Amar, ancien chef d’état-major. Mon père a dit au fonctionnaire chargé de nous marier que je n’avais pas de certificat de naissance, parce qu’ils voulaient me marier avant l’âge légal. Il lui a demandé: ‘Monsieur le président, qui sont les témoins ? Nous avons besoin de deux témoins pour témoigner que la mariée est légalement en âge de se marier.’ Gamal (Abdel Nasser) a regardé mon père et a dit: ‘Que se passe-t-il, Anouar ? Il y a deux présidents en ville et je n’en savais rien ? ‘ Mon père a répondu au fonctionnaire: ‘(Les témoins sont) le président Gamal Abdel Nasser et le général Abdel Hakim Amar.’ Le fonctionnaire leur a donc remis le document, et ils l’ont signé.
La seule personne qui a trouvé à redire à cela fut l’épouse de Gamal Abdel Nasser, Tahiya, qu’elle repose en paix.
Interviewer: A-t-elle protesté ?
Camelia Sadate: Oui. Tous les membres du Conseil de la Révolution sont allés déjeuner chez elle, et voilà ce que mon père m’a raconté: ‘Tante Tahiya m’a embarrassé. Elle m’a dit: j’appelle la police. Ils vont vous faire monter dans une voiture de police et vous emmener en prison. Ce que vous avez fait à Camelia me fend le cœur.’
Interviewer: Vous dites que les hommes à la tête du pays à l’époque ont falsifié votre âge. Quel âge vous ont-ils donné ?
Camelia Sadate: Ils ont prétendu que j’avais seize ans, l’âge légal pour se marier. Cet événement a brisé mon enfance. Mon enfance fut complètement détruite, parce qu’on s’est mis à me traiter comme une femme.
(…)
Ce mariage m’a appris à être autonome, à me défendre et à être une femme qui dit ce qu’elle pense, pour une seule raison: la rudesse de mon mari à mon égard ne s’exprimait pas uniquement en mots, en malédictions, en mauvais traitements. Il est allé très loin.
(…)
Interviewer: Il vous traitait comme l’un de ses soldats, pas comme sa femme.
Camelia Sadate: Il s’emportait contre moi à chaque fois qu’il en avait envie. Il n’avait pas de limites. Il me traitait exactement comme il traitait ses soldats, peut-être même pire.
(…)
J’ai eu deux fausses couches, à l’âge de treize et de quatorze ans. Pour pouvoir donner naissance à ma fille unique Iqbal, qui porte le nom de ma mère, j’ai dû passer les cinq premiers mois de grossesse allongée sur le dos, les jambes surélevées par des coussins. On m’a fait des injections stabilisantes, parce que j’avais l’utérus d’une enfant, incapable de mener à bien une grossesse.
(…)
La première personne à avoir été mis au courant fut mon père. J’allais le voir après m’être fait battre par mon mari. Or Anouar Sadate était pour ‘la paix des ménages’…
Interviewer: Y avait-il la paix dans ce ménage ?
Camelia Sadate: Il était pour la paix des ménages. Sa fille avait été battue, et voilà que son mari venait la chercher. Elle allait mal. Sadate disait au mari: ‘Pourquoi l’as-tu battue ?’ Et mon mari répondait: ‘Par Dieu, c’est une enfant. Elle se cache derrière les portes et crie: ouah! Elle veut jouer. Je lui dis: Pas maintenant… Puis elle décide de me donner des coups, et je dois me défendre…’ Anouar Sadate acceptait ces excuses. En plus de la violence physique, il y avait aussi la faim.
Interviewer: La faim ? Vous alliez au lit le ventre vide ?
Camelia Sadate: Je lui disais: ‘Papa, j’ai faim. Je n’ai pas mangé depuis deux jours.’ Il allait chercher de l’argent et me disait: ‘Va (t’acheter à) manger.’
(…)
Mon père est devenu président quand j’avais 21 ans. Les journaux ont publié une photo de moi votant pour mon père.
(…)
C’est ainsi que mon mariage s’est achevé, parce que j’ai alors dit que j’allais engager une procédure de divorce.
Interviewer: Vous avez menacé d’aller au tribunal et de divorcer.
Camelia Sadate: L’idée m’est venue en voyant ma photo dans le journal, qui montrait que j’avais atteint les 21 ans. »