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4 février 2005
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Administrateur

Elections irakiennes (V) : Les réactions de la presse irakienne et des pays voisins

Introduction [1]

Les millions d’irakiens qui se sont rendus aux bureaux de vote le 31 janvier avec courage et souvent dans une ambiance de fête malgré les actes de violence et d’intimidation, ont démontré leur ardent désir de tourner la page de quatre décennies de dictature, de guerres, d’oppression et de peur et leur désir d’embrasser la liberté et la démocratie. Ces élections ont constitué un premier pas vers ce qui pourrait être une route longue et difficile en direction du changement, mais elles constituent néanmoins un premier pas important.

Ce furent également des élections complexes dans la mesure où les électeurs ont du voter pour deux scrutins: un bulletin pour l’assemblée nationale et un autre pour les 18 Conseils de province. Les Kurdes ont déposé un troisième bulletin pour le Parlement kurde. Au total il y eut 17 000 candidats répartis sur 223 listes. C’est un nombre colossal de candidats, considérant qu’ils se disputaient 275 sièges à l’assemblée nationale, 41 sièges pour chaque Conseil de Province (Bagdad fait exception avec 51 sièges) et 111 sièges pour le Parlement kurde.

La participation relativement importante en dépit des menaces ont surpris la plupart des médias arabes et des pays voisins – pour certains d’entre eux, cela a été une très mauvaise surprise- et leurs comptes rendus et éditoriaux reflètent leur étonnement.

Les commentaires de la presse irakienne à propos des élections

En raison des couvre-feux et autres restrictions de mouvement imposées aux véhicules en Irak, la publication des quotidiens irakiens a été interrompue pendant cinq jours. Elle a repris le 1er février et a depuis offert diverses opinions sur les élections, positives pour la plupart.

Dans son éditorial, «Une victoire pour tous les Irakiens», le quotidien Al-Zaman, publié simultanément à Londres et à Bagdad, a écrit: «Le succès qui a caractérisé les élections n’est pas le monopole d’une liste ou d’un nombre limité de listes; au lieu de cela, c’est un succès pour toutes les listes et en conséquence pour tous les Irakiens. Il n’y a ni vainqueurs ni perdants lorsque l’on adopte des valeurs nationales.» [2]

Dans la même ligne, le quotidien irakien Al-Mada a déclaré dans un éditorial titré «Maintenant… et pas demain»:

«Qui aurait pu s’attendre à cette victoire populaire dans les conditions irakiennes, des conditions d’occupation, l’explosion de voitures et d’enfants, les tirs d’obus et les assassinats puis la menace de « laver les rues de Bagdad avec le sang des électeurs» qui est apparue dans une déclaration d’une organisation terroriste rendue publique à la veille des élections?

Certains de nos alliés et des [personnes] neutres y compris des hommes politiques qui sont des enfants de ce pays, ont livré des estimations modestes; le corps irakien est malade. Ils ont misé sur le fait que les élections se dérouleraient avec des pertes et des résultats de la plus petite ampleur. Cependant, ce qui s’est passé a été une surprise pour tous, constituant presque un choc – particulièrement pour ceux qui s’attendaient ou souhaitaient un échec.» [3]

Dans le quotidien Al-Mu’tamar, l’organe de presse du Congrès National Irakien, le Docteur Ahmad Abdullah a écrit un article à propos de «La journée de célébration des élections en Irak»: «En ce jour historique du 30 janvier, le rebelle irakien est sorti de sa forteresse pour faire voler en éclats tous les obstacles sur son chemin. Les masses d’héros irakiens ont fait surface pour voter librement pour la première fois et pour élire délibérément les membres de l’Assemblée Nationale.» [4]

Le quotidien Al-Sabah qui reflète fréquemment les positions du gouvernement a titré son éditorial «Premier round: Victoire!» [5] En revanche, le quotidien Al-shahed a écrit avec une pointe de sarcasme:«La liste d’Allawi a gagné dans la Zone Verte.» [6]

La Ligue des Théologiens Musulmans, s’exprimant au nom des Sunnites, a fait une déclaration encourageante. La Ligue a déclaré qu’elle «respecterait le choix des électeurs» mais qu’elle considérerait que le prochain gouvernement ne dispose pas de «légitimité suffisante». [7] Plus clairement, la Ligue tentera de conclure un accord avec le nouveau gouvernement.

La presse officielle syrienne: Un non-événement

Après avoir critiqué pendant des jours et des semaines le calendrier des élections et insisté sur le boycott des élections par les Sunnites, le ton de la presse syrienne a changé drastiquement une fois qu’a eu lieu le scrutin. La presse contrôlée par le gouvernement syrien a fait exception à ce changement de ton en traitant les élections comme un non événement.

Sur sa première page, le quotidien gouvernemental Al-Thawra a publié des articles traitant de la mort d’un soldat américain et de l’avion Hercules britannique abattu. Teshreen, le quotidien officiel du parti Baas au pouvoir a titré de façon analogue: «Le jour de l’élection en Irak: 13 opérations [terroristes], 60 tués et la destruction d’un avion britannique.» [8] Cette réaction n’est pas très surprenante pour une dictature à parti unique où la notion d’élections libres et concurrentielles s’apparentent à une hérésie politique. De façon significative, l’encre violette utilisée pour marquer l’index des électeurs irakiens a été adoptée par l’opposition syrienne en signe de défi. [9]

Les quotidiens londoniens de langue arabe: Un enthousiasme pour les élections

Le quotidien londonien basé à Londres a, dans un éditorial, apporté le soutien le plus enthousiaste aux élections: «La scène d’élections, d’urnes, d’électeurs, la compétition entre partis et listes, la campagne et la contre campagne ainsi que la garantie pour les femmes d’une part des sièges remplit le cœur de joie.»

Le quotidien fait l’éloge des électeurs et poursuit: «Ce à quoi nous avons assisté en Irak occupé est plus avancé que ce que nous connaissons dans les pays arabes libres et indépendants. Le taux respectable de participation au vote a, malgré tout, rendu moins légitimes ceux qui résistent au nouveau contexte – et en fin de compte plus proches du terrorisme que de la résistance.»

L’éditorial était accompagné d’un dessin représentant une main sortant d’une urne en feu et pleine de fumée et faisant le «V» de la victoire. [10]

De façon similaire, Al-Sharq Al-Awsat, un autre quotidien londonien a écrit: «Le citoyen irakien a transmis à tous les groupes et partis politiques un message décisif pouvant se résumer au fait que le peuple a défié la mort et les explosions et ont attendu dans des longues files d’attente en oubliant l’alliance du terrorisme international et de ce qu’il reste du régime de Saddam. Ils n’accepteront rien d’autre que la victoire.» [11]

Voici un autre éditorial publié dans un autre numéro du journal: «Pour la première fois dans l’histoire de l’Irak moderne, les vieux, les jeunes, hommes et femmes se sont mis en marche pour soutenir l’un des remarquables symboles du courage et de la détermination – pour annoncer, le doigt marqué à l’encre, le début d’une nouvelle ère.» [12]

Des opinions du Golfe

Ahmad Jarallah, une figure clé du mouvement libéral arabe et rédacteur en chef du quotidien progressiste koweïtien Al-Siyassa, a écrit dans un éditorial intitulé « Une leçon irakienne pour les dirigeants tremblants»: «Il était clair que s’il y avait une volonté et du courage, la victoire serait inévitable. Dans les faits, la volonté ne manquait pas chez les dirigeants irakiens et le courage ne manquait pas à leur peuple. Le résultat fut la défaite du terrorisme, de ceux qui sont derrière celui-ci et de ceux qui souhaitaient le retour des ténèbres dans ce pays qui s’est libéré et qui est sur le point de s’élever dans les cieux de la liberté.

Nous nous attendions à ce que les élections se déroulent dans la paix; Nous ne nous attendions pas à un succès aussi large.» [13]

L’Agence d’Information des Emirats Arabes Unis a publié une déclaration félicitant le courage du peuple irakien pour avoir porté un coup violent aux terroristes et au terrorisme. Elle conclut sa déclaration élogieuse en caractérisant les élections comme «une cérémonie de mariage pour la démocratie.» [14]

Dans une déclaration distincte, l’agence s’est interrogée: «Pourquoi des élections honnêtes et démocratiques ne peuvent être tenues excepté dans les pays arabes sous occupation?» Il a poursuivi en s’interrogeant si « le virus des élections démocratiques irakiennes et palestiniennes» pourrait un jour infecter les autres pays arabes. La déclaration semble chercher «une solution au complexe incurable de la région arabe» qui conduit la région à résister à la marée démocratique qui s’est répandue sur l’Europe de l’Est et l’Amérique latine dans les années 90. [15]

Le quotidien saoudien Al-Watan a écrit dans un éditorial que malgré les évènements l’ayant entouré, les élections «ont révélé un grand enthousiasme des Irakiens pour la démocratie et de leur perception innée par les Irakiens, particulièrement chez les gens simples, de l’importance de participer au façonnage des caractéristiques de leur avenir.» [16]

Dans le quotidien saoudien Arab News, le chroniqueur saoudien Mohammad T. Al-Rasheed a eu des commentaires enflammés sur les élections irakiennes: «Bravo l’Irak! Pour l’histoire, le 30 janvier 2005 est un jour magnifique pour l’Irak et pour la Nation arabe. Sans se soucier de qui a gagné ou perdu, cette journée devrait être à jamais marquée d’une pierre blanche sur le calendrier arabe. Je ne veux pas parler de politique; je veux simplement célébrer l’histoire. En dépit de tout, les Irakiens ont voté. Ils l’ont fait avec une passion et un sérieux qui fait mentir le cliché selon lequel les Arabes ne sont pas prêts pour la démocratie.» [17]

La Jordanie et l’Egypte: Ambivalence

Le quotidien officiel jordanien Al-Dustour a du mal à concilier l’ambivalence du gouvernement jordanien au sujet des élections et la réalité sur place en Irak: «Que les élections aient pu être tenues hier en Irak de la façon dont elles ont été tenues dépasse toutes les attentes. Mais ceux qui ont boycotté les élections [les Sunnites] ne devraient pas considérer que leur statut national a été défait suite au nombre relativement important d’électeurs qui se sont présentés aux urnes.» [18]

Le quotidien gouvernemental égyptien Al-Ahram écrit qu’il est aussi important de mettre en évidence ceux qui ont refusé de voter que ceux qui ont été encensés pour avoir voté, et que «naturellement, ces élections n’étaient pas une affaire purement irakienne, étant donné que le Président Bush avait intérêt à ce qu’elles aient lieu à temps, peu importe le coût ou les pertes. Pour lui, ce qui comptait étaient les photos d’Irakiens dans les journaux américains et internationaux, afin qu’il puisse dire au public américain et aux Arabes le plus gros des mensonges: que le rêve de la démocratie prend vie en Irak.» [19]

Dans un autre article, Al-Ahram critique le calendrier des élections, qui excluaient quatre provinces suspectes de terrorisme. Le journal considère cette exclusion «[être] une distorsion de l’idée de démocratie, telle que perçue par les Grecs, soit que le peuple – le peuple entier- se gouverne par lui-même.» [20] On se demande si le quotidien pourrait être autorisé à faire au régime égyptien la même remarque sur l’essence véritable de la démocratie.

Prenant note de la violence en Irak, un autre quotidien officiel égyptien, Al-Gumhuriyya, dénigre le projet américain pour ‘le Grand Moyen-Orient’: «le peuple irakien a payé un lourd tribut le jour des élections sanglantes et secrètes [sic] [21], essuyant des opérations suicides, des tirs de missiles et des explosions de bombes. [Tout cela a eu lieu] malgré les mesures de sécurité des forces d’occupation et du gouvernement [irakien] intérimaire.

L’expérience des élections irakiennes et leurs effroyables conséquences a confirmé que l’intervention étrangère dans les affaires internes de pays et l’occupation de leurs territoires sont fondamentalement impropres comme base de réformes, quoiqu’en disent les slogans attrayants !» [22]

Opinions du Liban

Dans une chronique du quotidien libanais de langue anglaise The Daily Star, Maggie Mitchell-Salem écrit: «Sous Saddam Hussein, les Irakiens ont souvent signé leurs bulletins de vote de sang pour affirmer leur éternelle loyauté à leur chef. Dimanche, ils ont trempé leurs doigts dans de l’encre pour affirmer leur engagement à un Irak démocratique. […] Leur vote fut cathartique, une façon pour eux d’évacuer leur douleur tout en décidant de préserver le futur des ravages du passé.» [23]

Opinions d’Iran

Le voisin iranien a énergiquement soutenu le calendrier des élections – dans l’espoir de voir s’élever un gouvernement chiite travaillant de concert avec l’Iran.

Le quotidien iranien réformiste Sharq écrit: Le dépouillement du scrutin parlementaire en Irak sera bientôt achevé. Les Irakiens ont pris part à une élection générale pour la première fois depuis 50 ans. L’élection s’est tenue dans une ambiance saine, malgré les menaces des terroristes de les empêcher. Le pourcentage des participants […] a été bien plus élevé que prévu. Il est évident que l’Irak n’est pas un endroit très sûr à l’heure actuelle, mais il est aussi évident que la domination d’une minorité sur la majorité du pays a pris fin.» [24]

En revanche, dans le quotidien conservateur Kayhan, Hussein Saffar-Harandi accrédite le rôle du régime islamique iranien dans les élections irakiennes, et appelle les Irakiens à «remercier» les Iraniens que le jour du scrutin ait coïncidé avec [l’anniversaire de] l’avènement du régime de Khomeini en 1979. Le quotidien soutient que la révolution islamique de 1979 et la prise du «nid d’espions américains [c à d. l’Ambassade américaine à Téhéran] ont été le début d’une chaîne d’évènements et de processus qui ont conduit à la suppression de Saddam et l’ouverture des élections.» [25]

Turquie: de graves inquiétudes

La Turquie s’est gravement inquiété au sujet des élections irakiennes avant même qu’elles aient lieu et ces inquiétudes n’ont fait que s’aggraver après que les élections ont été tenues avec succès. La presse turque s’est fait l’écho de ces inquiétudes dans de nombreux articles et éditoriaux, dont certains sont condensés dans une annexe spéciale à cet article. En particulier, les journaux turcs reprennent les déclarations sévères du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan ciblant l’administration américaine au sujet des récents changements en Irak. Erdogan a critiqué les Etats-Unis pour avoir échoué à contrer les efforts kurdes pour contrôler la ville disputée de Kirkuk, en Irak, et pour sa lenteur à agir pour tenir la bride à l’organisation terroriste PKK (Parti des Travailleurs Kurdes) basée au nord de l’Irak. Il a déclaré que le Président George W. Bush l’avait assuré qu’il examinerait le problème mais qu’il n’avait rien fait jusqu’à présent. Il a ajouté que la Turquie prenait des précautions au sujet de Kirkuk, en refusant de préciser. [26]

Controverses sur l’impartialité des élections

Avant même le dépouillement des votes certains ont mis en doute l’impartialité des élections. A la tête des détracteurs de l’élection, le quotidien basé à Londres Al-Quds Al-Arabi que certains considèrent pro-Saddam déclare: «les voix mettant en doute l’impartialité des élections irakiennes ont commencé à s’élever suite au grand débat interne et externe sur le succès des élections. Des forces politiques du Nord et du Sud de l’Irak ont accusé les partis politiques majeurs de chapeauter le processus électoral et de permettre à leurs partisans de voter plusieurs fois, ou au nom de personnes décédées; de manipuler l’exercice du vote et de changer le résultat des urnes.» [27]

Derrière le rejet des élections par de nombreux pays arabes pointe la peur d’un débordement d’une tendance démocratique dans une région largement autocratique. «Les gouvernements arabes s’abstiennent de le dire mais ils ne veulent pas que l’expérience démocratique réussisse en Irak», déclare le chroniqueur saoudien Turki al-Hamad, un ancien professeur de sciences-politiques plusieurs fois harcelé et arrêté par la police saoudienne. «Un tel succès les embarrasserait et les confronterait au dilemme de changer ou d’être changé.» [28]

Annexe spéciale: les réactions des médias turcs

Affectée par des problèmes majeurs concernant la population kurde des deux côtés de sa frontière avec l’Irak ainsi que le statut des turkmènes à Kirkuk, la Turquie a eu de sérieuses inquiétudes au sujet des élections irakiennes.

Dans les colonnes du quotidien turc Tercuman, le chroniqueur Cengiz Candar commente aussi bien l’ambivalence de certains pays arabes au sujet des élections en Irak que l’impossibilité pour Ankara «d’aimer la démocratie irakienne». Il approfondit l’analyse des raisons de la gêne de certains pays arabes avec les élections irakiennes. Candar discerne la Syrie, La Jordanie, l’Arabie Saoudite et même l’Egypte comme méfiants devant les élections du 30 janvier, en particulier devant le haut taux de participation indiquant «la naissance de la démocratie». Selon Candar, «la Syrie, située juste à côté de l’Irak, est peuplée de Kurdes dans des zones frontalières avec l’Irak et la Turquie. Elle est dirigée par un régime fasciste à parti unique exactement comme le régime de Saddam et ce parti s’appelle Baath, le nom du parti de Saddam!

Et, si l’Irak s’apprête à être gouverné par la majorité, qu’est supposé faire le voisin jordanien? Les Palestiniens y sont majoritaires, mais le régime est aux mains des Jordaniens de «la rive Est».

Le pétrole saoudien est extrait de zones adjacentes à l’Irak et de majorité chiite, exactement comme au Sud de l’Irak. Si une «majorité» chiite prend le pouvoir en Irak, quelque chose pourrait «lâcher» en Arabie Saoudite.

Quant à l’Egypte, qui se considère «le bastion du monde arabo-sunnite», le régime «personnel» d’ Hosni Mubarak peut à juste titre craindre les développements récents [en Irak]. Les régimes arabes du Moyen-Orient peuvent naturellement s’inquiéter qu’une «démocratie» à l’irakienne, particulièrement au vu de la situation actuelle en Irak, les contamine, comme «une maladie contagieuse».

Mais pourquoi donc la Turquie, le pays «démocratique» de la région, en plein processus d’intégration à l’UE, est-elle si perturbée? Même la France, «opposant numéro un» à la guerre en Irak a changé d’attitude après les élections en Irak. Le Président Jacques Chirac a félicité le Président Bush pour «la participation» et les «mesures de sécurité» mises en place. Le Ministre des Affaires Etrangères Michel Barnier a parlé «d’un nouveau départ démocratique pour toute la région».

Le Ministre des Affaires Etrangères allemand Joschka Fischer assure qu’il est temps de mettre de côté les différends et qu’il faut «désormais coopérer» pour aider à consolider la démocratie en Irak.

Ici [en Turquie], à l’opposé, le Premier ministre Tayyip Erdogan et le Ministre des Affaires Etrangères Abdullah Gul s’évertuent à n’observer l’Irak qu’à travers «la lentille de Kirkuk» et font un jour sur deux des déclarations pleines de«lignes rouges» et de «menaces». Ils semblent ébranlés par l’issue positive des élections irakiennes où le «boycott sunnite» et la «résistance» ont échoué à avoir le moindre effet.

Les derniers mots de Tayyip Erdogan lors d’une réunion du groupe parlementaire du Parti AK ont été: «Je regrette de dire que les forces chargées d’établir l’ordre en Irak ont failli à faire face à certaines évolutions que notre nation a profondément regrettées. Nous attendions que les pays concernés prennent toutes les précautions nécessaires, sans délai, contre une évolution qui peut compromettre la paix interne de l’Irak, son futur démocratique et ses relations avec les pays voisins.

Les forces ayant déclaré venir dans la région pour apporter la démocratie ont préféré rester indifférentes devant les ambitions anti-démocratiques.

Chacun doit savoir que la Turquie ne laissera jamais le chaos s’installer dans une région où nous avons des liens non seulement historiques mais aussi familiaux».

Le Premier ministre, qui avait adressé ses critiques envers les Etats-Unis dans son interview la semaine dernière avec Newsweek et plus récemment avec le Wall Street Journal, a cette fois choisi la réunion du groupe parlementaire du Parti AK pour exprimer son sentiment de colère envers l’Amérique – en n’oubliant pas, bien sûr, d’ajouter que «la Turquie ne permettra pas cela».» [29]

Portant la critique des Etats-Unis un cran plus haut, Sadettin Teskoy écrit dans le quotidien Star: «le sang ne cesse [de se répandre] en Irak; il coule comme de l’eau […] depuis l’après Saddam. Des élections se sont tenues pour la première fois, simplement parce que les Etats-Unis y tiennent. Lors de la procédure de vote, hommes et femmes ont été séparés pour la première fois. Ces élections sont qualifiées «d’élections libres» […] cependant elles entreront dans l’histoire comme «les élections sanglantes». Malgré toutes les mesures de sécurité, les forces de sécurité ne peuvent empêcher les attaques. Le nombre de victimes le jour du vote est de 36 morts et 100 blessés! Bien que les Américains soient la cible à cause de la situation qu’ils ont créée, les Irakiens tuent leurs frères irakiens sans pitié!»

Poursuivant sous le sous-titre ‘le Génocide Postmoderne’, Teksoy ajoute «[…] Pour les irakiens la souffrance et les larmes sont sans fin, aussi bien au temps de Saddam que maintenant […]. L’Amérique, fixant le monde droit dans les yeux, a fait de l’Irak un ‘Cimetière Global’. Personne ne dit mot. Les Irakiens meurent en même temps que leurs droits. Il y a en permanence des explosions de bombes, des roquettes et des attaques suicides – et aucune volonté d’y mettre un terme. Les Etats-Unis déclarent que le taux de participation a été de 72% et que les premières ‘élections libres’ ont été tenues en Irak. Mensonges, MENSONGES absolus! […] Ce qui s’est passé en Irak ne peut-être décrit que comme ‘des élections primitives’, ‘des élections sanglantes’ […].» [30]

Ecrivant dans la même veine dans le quotidien Askam, le chroniqueur Zulfikar Dogan commente: «En bref, après que les Etats-Unis ont dispersé, divisé, brûlé et détruit l’Irak et ont maintenant annoncé que ‘l’Irak s’est élevé à la démocratie’ avec ces élections factices, cela va continuer. Jusqu’où? Jusqu’à créer un chaos semblable en Iran, en Syrie […] afin d’accroître la guerre et le chaos […] d’accroître et de créer de nouveaux prétextes pour de nouvelles guerres. […] Apparemment, qu’Israël dispose de la force nucléaire est considéré comme ‘une bonne chose’, mais si l’Iran fait de même, cela justifie la ‘préemption’.

Si un Etat kurde est fondé au Nord de l’Irak, si la violence s’embrase à Kirkuk et les si les Turkmènes sont massacrés, si une guerre civile éclate en Irak, si le PKK prend part à l’administration de l’Irak et enclenche la terreur ou des politiques anti-turques, et si la Turquie décide d’agir pour sa sécurité, que va-t-il se passer? [Sans aucun doute] les Etats-Unis, l’UE, l’ONU et le monde entier diront: ‘interférer avec un gouvernement démocratiquement élu et la volonté du peuple irakien??? Comment osez-vous!’ [Ensuite] ils intimideront la Turquie. Ils lanceront des embargos et inciteront notre ‘Sud-Est’ au soulèvement. Faisons en sorte que cela se sache.» [31]

Cherchant à placer les récentes élections en Irak dans un contexte historique plus large tout en maintenant une bonne dose d’ambivalence au sujet des intentions américaines, le chroniqueur Mine G. Kirikkanat écrit dans le quotidien turc RADIKAL sous le titre ‘La Naissance du Kurdistan Indépendant’: «ceux qui voient dans les élections irakiennes ‘le triomphe de la démocratie’ ne comprennent rien à la démocratie. Le fait que de si nombreux Irakiens aient bravé la peur de la terreur pour se rendre aux urnes est une preuve éclatante de leur désir de démocratie, mais semble aussi pathétique. Observez simplement la démocratie qu’ont apportée les élections en Afghanistan. Ce n’est pas une tactique nouvelle de la part des Etats-Unis d’arranger des élections dans les pays qu’ils occupent. Ce système de ‘démocratie imposée’ a commencé dans les pays de l’Axe que les Etats-Unis ont battus lors de la Seconde Guerre Mondiale, et où ce fut un succès. A la même époque, pour quelque raison, Les Etats-Unis n’ont pas exigé la démocratie ni forcé des élections dans des pays d’Amérique du Sud comme le Chili ou la Bolivie, situés dans leur propre arrière cour, et où les Etats-Unis sont intervenus sans toutefois d’occupation directe. Au contraire, Ils ont mis sur pied des régimes dictatoriaux alliés aux Etats-Unis. Toujours à la même époque, ils ont soutenu et collaboré avec des monarchies absolues comme celle du Shah d’Iran et le royaume d’Arabie Saoudite, et même des juntes militaires comme le Pakistan et l’Espagne de Franco.

[…] Si la ‘démocratie’ que [les Etats-Unis] ont établie en Afghanistan et en Irak se retournait contre les propres intérêts américains, ne doutez pas qu’ils imposeraient un autre coup d’Etat qui mettrait en place une copie carbone de Saddam pour ‘amener la paix et la sécurité’ sur le terrain. Mais en attendant, la conséquence des élections irakiennes va être la naissance d’un Etat Indépendant du Kurdistan, soit la victoire du plan américain pour le Moyen-Orient vieux d’un siècle. En fait, je crois qu’il n’y a aucune chance de futur démocratique en Irak; la seule conséquence des élections est d’obtenir la naissance d’un état kurde, ce que les Etats-Unis avaient décidé dès les années 1890.» [32]

L’interprétation la plus favorable sur le sens à donner aux élections irakiennes est faite par le chroniqueur Cenziz Candar. Dans une tribune titrée «Une victoire formidable pour ‘la démocratie’», dans le quotidien turc Tercuman, Candar écrit: «[Certains] ont boycotté les élections et ont menacé [de mort] quiconque y participerait, ont affiché des posters dans le ‘triangle sunnite’ qui lisaient ‘ ‘ min al-sanduk ila al-sanduk’ ‘ [‘de l’urne au cercueil] […] Mais le fait est que ‘l’urne- sanduk ‘ a triomphé du ‘cercueil- sanduk ‘, puisque un nombre significatif d’Irakiens a fait montre d’un grand courage en prenant l’avenir de leur pays entre leurs propres mains via la ‘démocratie’. On estime que le taux de participation a été de 60 à 72%. Même si l’on s’en rapporte au chiffre le plus bas de 60%, c’est un taux ‘formidable’. Après avoir été opprimés pendant 35 ans sous une tyrannie sans merci, et avoir vécu la guerre, la terreur et la violence du contrecoup à sa chute, si 60% du peuple décide de voter malgré toutes les menaces, cela reflète vraiment une image ‘formidable’. […]

Bien sûr, les élections irakiennes ne peuvent être décrites comme ‘parfaites’. Comment cela pourrait-il être? Quel pays peut prétendre à une perfection de 100% de son ‘processus démocratique’? Le fait que la majorité des Arabes sunnites aient boycotté les élections et qu’elles se soient déroulées ‘à l’ombre des armes’ – ou ‘sous la menace terroriste’ pour être précis – doit-il porter atteinte au fait que ces élections doivent être saluées comme ‘la naissance de la démocratie’ dans un pays du Moyen-Orient, sans parler de l’aspect futile de la dispute au sujet de la légitimité des résultats?

Quoiqu’ils [les représentants turcs] en disent, la vaste majorité du peuple irakien veut ‘la démocratie’ et veut construire son propre avenir». [33]


[1] Voir aussi, Enquete et Analyse No.199, Les élections irakiennes (I) – Pourquoi il faut respecter le calendrier fixé, Enquete et Analyse No.200, Les élections irakiennes (II) – Le déroulement de la campagne, Enquete et Analyse No.202, Les élections irakiennes (III) – les menaces terroristes et islamistes

[2] Al-Zaman (Bagdad), 31 janvier 2005.

[3] Al-Mada (Bagdad), 2 février 2005.

[4] Al-Mu’tamar (Bagdad), 2 février 2005.

[5] Al-Sabah (Bagdad), 2 février 2005.

[6] Al-Shahed (Bagdad), 3 février 2005.

[7] Al-Mada (Bagdad), 3 février 2005.

[8] Al-Thawra (Damas) and Tishreen (Damas), tous deux le 31 janvier 2005.

[9] Parti Réformiste Syrien, bulletin d’informations, 1er février 2005.

[10] Al-Hayat (Londres), 31 janvier 2005.

[11] Al-Sharq Al-Awsat, 31 janvier, 2005.

[12] Al-Sharq Al-Awsat, 31 janvier 2005.

[13] Al-Siyassa (Kuwait), 31 janvier 2005.

[14] www.wajhat.com, 31 janvier 2005.

[15] Loc. Cit.

[16] Al-Watan (Saudi Arabia), 1er février 2005.

[17] Arab News, 3 février 2005.

[18] Al-Dustour (Amman), 31 janvier 2005.

[19] Al-Ahram (Le Caire), 1er février 2005.

[20] Al-Ahram (Egypte), 31 janvier 2005.

[21] Utiliser le mot « secret » pour déprécier les elections est assez révélateur pour un journal qui a régulièrement rendu compte de l’élection du president égyptien avec une majorité de 98-99 pourcents, parfois avnat meme le décompte des suffrages

[22] Al-Gomhouria (Egypte), 31 janvier 2005.

[23] The Daily Star (Liban), 1er février 2005.

[24] Sharq (Téhéran), 2 février 2005.

[25] Kayhan (Téhéran), 2 février 2005.

[26] TD News (Ankara), 1er février 2005.

[27] Al-Quds Al-Arabi (Londores, 1er février 2005.

[28] Tehran Times (Iran), 1er février 2005.

[29] Turcuman (Turquie), 2 février 2005.

[30] Star (Turquie) 1er février 2005.

[31] Aksam (Turquie), 1er février 2005.

[32] RADIKAL (Turquie), 2 février 2005.

[33] Tercuman (Turquie), 1er février 2005.

Voir aussi
  • La vision régionale du régime islamique d’Iran et sa mise en œuvre militaro-politique
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