Dans un article intitulé: «Pourquoi les Arabes haïssent-ils l’Occident, et en particulier les Etats-Unis?», Zuheir Abdallah, chroniqueur au quotidien Al-Hayat, édité en arabe à Londres, accuse le fascisme arabe et l’islamisme de n’avoir pas contribué au progrès depuis 1948, leur imputant en outre le retard actuel. Voici quelques extraits de l’article: [1]
Les Arabes devraient se souvenir qu’ils ont envahi et occupé l’Europe avant les croisades
«La plupart des Arabes haïssent l’Occident, et en particulier les Etats-Unis, pour plusieurs raisons: certaines remontent aux croisades et à la période andalouse; plus récemment, à cause de la Palestine et l’Irak. Mon intention n’est pas d’étudier en profondeur ce trouble historique, mais de rappeler que les Arabes devraient se souvenir qu’ils ont envahi et occupé d’importantes parties de l’Europe, plusieurs centaines d’années avant les guerres de croisades.
L’Occident et les Etats-Unis en particulier, en conséquence de leur puissance financière et morale toujours croissante depuis les années 1950, et comme n’importe quelle autre force humaine, dominent et colonisent (…), à l’instar des Assyriens, des Romains, des Grecs, des Perses, des Arabes, des Tartares, des Ottomans et d’autres avant eux (…) Mais depuis les années 50, dominants et dominés ont entrepris de créer un monde nouveau, où la concurrence (qui est une composante de la nature humaine) a progressivement déserté les terrains de bataille pour pénétrer le royaume de la création, de l’économie et du commerce. Les sciences et les inventions ont connu un essor sans précédent, tout particulièrement dans les domaines de l’espace, de la communication et de la médecine. Ce qui a conduit à la création d’ordinateurs, d’Internet et de satellites, tandis que plusieurs médicaments ont été découverts, dont les antibiotiques, permettant de vaincre de nombreuses maladies et d’augmenter l’espérance de vie. De manière générale, le monde a connu des progrès stables, tandis que le commerce a prospéré (grâce à l’élimination des tarifs douaniers et à la vitesse des transports).
Depuis 1948, le monde arabe est en régression
«Or le monde arabe n’a pas su monter dans le train en marche (hormis dans le domaine de la consommation) depuis la Nakba palestinienne de 1948. Depuis ce temps, sous prétexte de libérer la Palestine et d’éliminer les agents de l’occupation, la plupart des pays arabes ont été dominés par des personnes tyranniques et pas si intelligentes que ça (issues essentiellement de l’armée). Ainsi, la croissance économique et scientifique a régressé jusqu’à atteindre son seuil le plus bas, comparée aux autres pays du monde (selon le dernier rapport de l’ONU).
Le fascisme arabe et le fondamentalisme islamique n’ont rien à offrir
«Depuis 1948, le fascisme arabe primitif a pu régner librement, encouragé par des militaires retardés, en passant des officiers aux partis réactionnaires (lesquelles se qualifient parfois de progressistes), s’alliant d’autres fois à l’islam fondamentaliste. Il n’a rien à offrir, si ce n’est des slogans vides tournant autour des thèmes de la résistance et de la lutte, car nulle voix ne peut s’élever au-dessus de celle de la bataille. Ainsi, la corruption s’est répandue, tandis que le fascisme arabe n’a cessé de perdre ses batailles à la Don Quichotte menées contre des forces étrangères (mais contre son peuple, il a toujours été gagnant).
Partout dans le monde, les slogans et les concepts extrémistes tombent les uns après les autres. Mais dans le monde arabe, ils ont pris une telle ampleur que les gens simples et ignorants ont pour beaucoup été endoctrinés, devenant ainsi le carburant de l’extrémisme. En discutant des raisons de notre retard avec plusieurs citoyens arabes, même prétendument instruits, on reçoit la réponse toute prête selon laquelle l’Occident, et les Etats-Unis en particulier, empêchent les Arabes de progresser. Si cela est vrai, pourquoi certains Etats islamiques, comme la Malaisie et Dubaï [sic], connaissent-ils des progrès, même partiaux?»
Les Arabes ne rejettent les inventions européennes que pour les adopter par la suite.
«L’Occident, et les Etats-Unis en particulier, ont énormément accompli au cours du siècle dernier. Quant à nous, Arabes et musulmans, nous sommes devenus au mieux des consommateurs de ces réussites et inventions: nous commençons par les rejeter, déclarant que leur objectif est de nous contrôler, pour ensuite les consommer en vitesse, en cachette la plupart du temps. Les exemples sont nombreux:
– L’invention de la transmission radio, puis de la télévision et des chaînes par satellite, puis des moyens de communication électroniques. La plupart des Arabes ont fait un mauvais usage de ces moyens, s’en servant pour canaliser l’extrémisme religieux, la provocation politique, et transmettre des informations erronées. La jeune génération passe de longues heures sur Internet devant des sites pornographiques, surtout dans les milieux fortement conservateurs, ce qui provoque de la frustration. Avant la naissance des moyens modernes de communication (audiovisuels), nous avions des érudits religieux éclairés tels que Mohammed Abdou et Djmaleddine Al-Afghani. Depuis la confusion occasionnée par ces moyens, nous avons des cheikhs comme Ben Laden, Al Dhawahiri et beaucoup d’autres [du même type], que nous voyons et entendons sur les chaînes satellite arabes.
– L’armement a connu un développement exceptionnel au cours du siècle dernier. Depuis 1948 jusqu’à nos jours, le Moyen-Orient se trouve en première position des achats d’armes; entre 1995 et 1997, ces derniers ont atteint près de 38% des acquisitions mondiales, comparés à 3% pour l’Amérique du Sud, d’après le rapport du Département d’Etat américain «Dépenses militaires et transferts d’armes 1998.» Ces acquisitions ont pour la plupart été faites au nom de la libération de la Palestine et du combat contre l’ennemi. [Mais ces armes] ont été utilisées contre le peuple, au cours de guerres civiles ou pour attaquer les pays de la région. Quant à Israël, il demeure le plus puissant pays en matière d’armement.
– Dans le domaine médical, la pénicilline et les antibiotiques ont été découverts, sauvant des milliards de vies humaines de maladies fatales telles que la typhoïde et plusieurs autres maladies infantiles. En conséquence, un certain désordre est apparu dans l’équilibre démographique de nombreux pays en voie de développement, notamment arabes, avec des taux de croissance en forte progression (parfois encouragés par des dirigeants ignorants) accompagnés de taux de mortalité (surtout infantile) en baisse. Ainsi, la croissance démographique annuelle s’est mise à osciller entre 3 et 5%, ce qui signifie que le recensement dans certains pays arabes double tous les 16 ans. Des problèmes d’ordre social et politique, ainsi que des problèmes liés à l’environnement sont nés, auxquels les gouvernements et le peuple n’ont pas su répondre. Ce ne sont là que quelques exemples des inventions et découvertes des derniers siècles et de la mauvaise utilisation qu’en a fait le monde arabe. Arrêtons-nous une minute pour nous demander, nous Arabes et musulmans, ce que nous avons offert à nous-mêmes et au reste du monde depuis le début de la Révolution industrielle jusqu-à ce jour, en matière de sciences humaines, inventions, ou toute autre valeur ajoutée à la civilisation. Malheureusement, la réponse est: presque rien!»
[1] Cet article est traduit de la version anglaise de Dar al Hayat:le 8 août 2003. L’article original a été publié dans Al-Hayat (Londres)