Le président syrien Bashar Al-Assad a dernièrement reçu une pétition signée par 287 citoyens syriens, des intellectuels pour la plupart, des ingénieurs, des avocats et des militants politiques. Cette pétition le pressait d’entamer un dialogue général au niveau national et d’introduire d’importantes réformes dans le pays. Elle a été remise au palais présidentiel le 17 mai 2003 et a été publiée deux semaines plus tard sur le site Akhbar Al-Sharq [1] , affilié à l’opposition syrienne. Voici le texte de la pétition: [2]
Les données stratégiques environnantes ont changé
«Nous nous tournons vers vous en cette époque décisive de périls et de défis où l’occupation israélienne de la rive Ouest et de la bande de Gaza ainsi que l’occupation américaine de l’Irak ont modifié les données stratégiques qui entourent notre pays, le plaçant entre deux ennemis détenant une force à laquelle la Syrie ne s’est encore jamais trouvée confrontée. Et face à des régimes arabes soit impotents, soit près de s’effondrer, rien n’est fait au plan international pour maîtriser les Etats-Unis et leur allié Israël qui défient la loi. Depuis que Bush est président, tous deux sont unis par une politique et une idéologie malfaisantes, agressives, racistes et égoïstes, basées sur le principe de la guerre de défense préventive qu’ils considèrent comme une obligation morale primant sur la loi internationale, les Nations-unies et ses décrets.
Noble président, notre pays se trouve menacé par ces dangers, n’y étant pas préparé. La Syrie doit se renforcer face à [ce danger]; elle doit asseoir sa capacité à lui faire face, après avoir été affaiblie par une série d’erreurs qui ont éloigné la nation des problèmes d’ordre public, qui ont épuisé le pays et la société, les rendant vulnérables comme jamais auparavant.»
D’importantes réformes nationales soigneront les maux de la Syrie.
« (…) Il existe un authentique traitement pour nos maux: d’importantes réformes nationales, avec la participation de nos citoyens et des forces nationales et la mise en oeuvre d’une politique de salut, incluant:
La libération de tous les prisonniers politiques et de conscience, l’autorisation de retour aux exilés volontaires et involontaires, le rétablissement des droits civils et de la citoyenneté à ceux qui en ont été privés pour des raisons politiques.
L’abrogation de l’état d’urgence, de la loi martiale et de toutes les autres règles d’Etat ou d’urgence.
La révision des pouvoirs et du champ d’action des services de sécurité, pour éviter que ces derniers n’interviennent dans la vie politique, hormis dans le cadre de la loi.
L’accord de la liberté d’opinion, d’expression et d’association, de la liberté de se déplacer et de voyager, de militer politiquement et syndicalement, et l’application de toutes les clauses de la Déclaration internationale des droits de l’Homme.
L’établissement d’une conférence nationale non discriminatoire avec la participation des personnalités et des forces politiques syriennes pour débattre des moyens de renforcer l’unité nationale et de sauver le pays de la crise.»
La nécessité de réformes avant l’intervention des Etats-Unis
«Ce qui est arrivé en Irak et en Palestine représente le début de ce que les Américains appellent la Nouvelle ère, dont ils tracent actuellement les limites par la force de l’occupation. Nous devons désamorcer leurs aspirations en rectifiant notre situation et en élevant notre nation. Votre Excellence comprend bien que seule une nation libre est en mesure d’accomplir cela. Or notre nation s’est trouvée exclue de toute implication politique et publique et doit recouvrer son importance pour pouvoir défendre sa patrie.» [3]
Une pétition authentique?
Le Parti de la Réforme en Syrie (PRS), une équipe de Syriens libéraux siégeant aux Etats-Unis, a publié un communiqué identifiant quelques-unes des signatures comme étant celles d’anciens ou d’actuels activistes du parti Baath. Le parti soupçonne le régime lui-même d’être à l’origine de cette lettre (soulignant que son champ lexical comprend des expressions propres au parti Baath, lequel se réfère aux Etats-Unis comme à un ennemi.) Le PRS a qualifié la lettre de tentative du régime syrien pour améliorer l’image de réformiste d’Assad après que ce dernier eut été ignoré au sommet des dirigeants arabes et du président Bush à Charm El-Cheikh. Dans son communiqué, le PRS redit son engagement à introduire des réformes dans le pays, réformes devant inclure la restructuration du système éducatif national, la libération du Liban et la cessation de tout soutien au terrorisme.
[1] Akhbar Al-Sharq , le 1er juin 2003, www.thisissyria.net/2003/06/01/syria&lebanon.html
[2] Parmi les signataires se trouvent Anwar Al-Banni, avocat qui a représenté plusieurs prisonniers politiques, et Abd Al-Razzaq Aïd, militant connu, partisan de la création d’une société civile en Syrie.
[3] http://www.reformsyria.com/documents/Intellectuals%20appeal%20for%20Syria%20reforms.pdf